Outre l’absence de base fondamentale à la valorisation du Bitcoin (autorégressive) le principal risque des cryptomonnaies concerne la sécurité des actifs et des fonds.
Selon l’angle par lequel on l’examine, l’argument sécuritaire du Bitcoins et des cypto-actifs reposant sur une blockchain fait débat. Pour les geeks et informaticiens, rien de plus sûr que le Bitcoin : la blockchain est inviolable, chaque Bitcoin a son identité et la chaîne de ses transactions est infalsifiable. C’est du solide. Nul ne le conteste. En théorie. Mais en pratique, un diamant infalsifiable est-il sécurisé ? Comment être sûr qu’il ne sera pas perdu ou volé dans son processus d’intermédiation ? En le confiant à des établissements sûrs, honnêtes, solvables, avec des technologies éprouvées ? Pourquoi pas des établissements contrôlés et agréés par une autorité de supervision tant qu’on y est ?
Pour comprendre la mutation du Bitcoin et ses vulnérabilités associées, il faut d’abord étudier sa population et ses évolutions. Combien de Bitcoins ont été créés ? Combien en reste-t-il à créer ? Que sont devenus les Bitcoins existant ? Où sont-ils ? Comment sont-ils utilisés ?
A l’origine, le code source du Bitcoins publié en 2009 a prévu de limiter leur création à 21 millions de BTC, ou plus précisément « 20 999 999,977 unités, chacune divisible jusqu’à la huitième décimale (appelée Satoshi ou Sat) », selon sa fiche Wikipedia.
Sur ces 21 millions de Bitcoin potentiels, plus de 19 millions de BTC avaient déjà été produits au 7 juin 2022, selon le site blockchain.com qui tient une comptabilité quotidienne des Bitcoins en circulation. Il resterait donc au maximum environ 2 millions de BTC à miner, soit un peu plus de 10% du total, ce qui accrédite la notion de rareté pour alimenter la hausse.
Au passage, on peut noter que la production de Bitcoin ralentit avec l’augmentation de ses coûts, elle-même tirée par l’augmentation du nombre de Bitcoins et de « mineurs », sans parler de la flambée des prix de l’énergie et de l’électricité, cette dernière étant la principale matière première consommée par la production de Bitcoin (70% du coût de minage). Cette tendance explique l’énorme consommation d’électricité de l’écosystème Bitcoin, régulièrement pointée par divers rapports (700 kwh par transaction et 22 millions de tonnes de CO2/an ).
Sur ce sujet, le baratin au vernis écolo de certains marchands de crypto prétendant que le Bitcoin ne pollue pas, rivalise avec un climato-scepticisme à la Trump.
Confrontée à des pénuries, rationnements et coupures de courant face à ses besoins d’électricité, la Chine qui était le premier producteur de bitcoins en 2020, a progressivement interdit le minage en 2021. Les mineurs s’étaient aussi rués sur le Kazakhstan, devenu second producteur mondial de Bitcoin grâce à son électricité bon marché, jusqu’à déclencher une panne d’électricité géante ayant paralysé l’Asie centrale le 25 janvier 2022. Ils ont été débranchés.
Ceux qui restent ?
Nous savons déjà que sur les 21 millions de Bitcoins à émettre, plus de 19 millions ont déjà été créés et moins de 2 millions restent à miner. En principe, on devrait compter 19 millions de Bitcoin en circulation. Mais non. Il en manque. Beaucoup. Car les bitcoins et leurs prestidigitateurs sont facétieux. Ils ont une fâcheuse tendance à disparaître… évaporés, perdus, détruits ou volés.
Selon Chainalysis, « 3,79 millions de bitcoins ont déjà disparu pour de bon, selon une estimation haute, et 2,78 millions selon une estimation basse. Ces chiffres impliquent que 17% à 23% des bitcoins existants sont aujourd’hui perdus », expliquait un article du magazine Fortune dès 2017, alors que le Bitcoin était certes entré dans une première vague d’engouement spéculatif, mais pas encore aussi populaire qu’aujourd’hui.
Le nombre de Bitcoins restant à créer est donc déjà inférieur à la quantité de Bitcoins disparus.
Comment 3 millions de Bitcoins ont-ils disparu ? D’abord il en manque 1.1 million, associés à son créateur, l’improbable « Satoshi » (personne ou organisation non identifiée). « Le mystérieux créateur du bitcoin, Satoshi Nakamoto aurait miné environ 1,1 million de BTC durant les premiers mois de son existence. Depuis lors, il semble que Satoshi n’ait pas touché à sa réserve (…) De ce fait, le consensus général est que les avoirs en bitcoins de Satoshi sont hors de la circulation, ce qui réduit l’offre disponible d’environ 5,9 % », expliquait le site d’information Decrypt début 2021.
Clés perdues
“L’une des principales façons de retirer des bitcoins de la circulation est tout simplement de les perdre. Étant donné que les propriétaires de bitcoins doivent avoir accès à leurs clés privées ou à leur phrase de récupération pour transférer leurs bitcoins, toute personne qui perd l’accès à celles-ci perd également la possibilité de dépenser ses fonds.
Bien que la plupart du temps, cela n’entraîne que la perte d’une petite somme, il y a eu plusieurs exemples où des milliers de bitcoins ont été perdus en une seule fois – y compris un malheureux accident qui a vu un homme se débarrasser d’un disque dur contenant 7 500 BTC.
Les propriétaires de bitcoins décédés sont à l’origine d’une partie des bitcoins inaccessibles. Lorsque le fondateur du courtier canadien de crypto-monnaies QuadrigaCX, âgé de 30 ans, est décédé, il a également emporté avec lui les clés privées de diverses crypto-monnaies d’une valeur d’environ 190 millions de dollars, dont près de 1 000 BTC. Un utilisateur de Reddit a récemment trouvé un vieil ordinateur appartenant à son défunt frère, qui possédait 533 bitcoins, mais le disque dur de l’appareil était absent. (…)
La société de données cryptographiques Glassnode estime qu’environ 3 millions de bitcoins sont perdus à jamais », ajoute Decypt.
Volés pas perdus
Attention à ne pas confondre les bitcoins perdus et les bitcoins volés, qui ne sont pas décomptés de ceux en circulation. Dans son dernier « Crypto Crime Report », rapport annuel 2022 sur la crypto-criminalité, Chainalysis documente la question des vols et arnaques de Bitcoin, à distinguer des activités criminelles ou illicites payées en Bitcoin, correspondant à un commerce illégal et contestable, mais en paiement de contreparties existantes (drogues, armes, trafics, etc.).
« Les recettes d’escroqueries ont augmenté de 82% en 2021 pour atteindre 7,8 milliards de dollars de crypto-monnaies volées aux victimes. Plus de 2,8 milliards de dollars de ce total – ce qui représente presque l’augmentation par rapport au total de 2020 – proviennent de « rug pulls » (« tirer le tapis »), un type d’escroquerie relativement nouveau dans lequel les développeurs construisent ce qui semble être des projets de crypto-monnaies légitimes – ils ne se contentent pas de créer des portefeuilles pour recevoir des crypto-monnaies frauduleuses – avant de disparaître avec l’argent des investisseurs. Gardez à l’esprit que ces chiffres concernant les « tirages de tapis » représentent uniquement la valeur des fonds volés, et non pas les pertes dues à la baisse des jetons DeFi concernés après un détournement », expliquent les experts de Chainalysis (p.6).
« Les vols de crypto-monnaies ont encore augmenté, avec environ 3,2 milliards de dollars de crypto-monnaies volées en 2021, soit une augmentation de 516 % par rapport à 2020. Environ 2,2 milliards de dollars de ces fonds – soit 72 % du total de 2021 – ont été volés à partir des protocoles DeFi », en plus des 2,8 milliards escamotés par « tirages de tapis », explique Chainalysis (p.7).
Qu’ils soient centralisés ou décentralisés, Deontofi.com vous répète que les intermédiaires en bitcoins (courtiers, plateformes…) ne sont pas sûrs !
C’est sans compter les petits voleurs, qui convoitent aussi les Bitcoins dans les poches de ceux qui en ont.
« Une victime raconte qu’elle essayait de commander un Uber lorsque les agresseurs l’ont forcée à donner son téléphone. Lorsque les malfrats lui rendent, la victime constate que 5.000 livres d’ethereum stockés sur son compte Coinbase s’étaient évanouis dans la nature. Une autre victime a expliqué à la police qu’il vomissait sous un pont lorsque quelqu’un l’a forcé à déverrouiller son téléphone avec son empreinte digitale, a changé ses paramètres de sécurité, puis a dérobé pour 28.700 livres de cryptomonnaies », rapportent Les Echos citant une récente enquête du Guardian.
Vrais bitcoin volés ≠ faux bitcoins escrocs
Précision utile : il s’agit là des seules arnaques et vols concernant de vrais bitcoins ou cryptomonnaies existantes. Comme pour les arnaques au trading forex, de très nombreux sites d’escroqueries aux cryptos, notamment parmi les centaines inscrits sur les listes noires des autorités financières (AMF-ACPR), se contentent de voler l’argent déposé par leurs victimes croyant acheter des bitcoins ou autres cryptos, alors qu’ils n’achètent strictement rien du tout.
Sommaire: Bitcoin, saga d’une grande illusion (intro)
1- Le Bitcoin contre l’argent-dette
2- Bitcoin : l’actif sans passif
3- Cryptomonnaies, potentiel d’utilité réel
4- Bitcoin-dette et crypto-banks
5- Vols, pertes : 3 millions de Bitcoins disparus + 7,8 milliards volés en 2021
6- Faille méconnue de la blockchain: crypto risque surprise
7- Quand les cryptos déraillent : le piratage DAO brise la blockchain Ethereum
8- Les cryptos déraillent: 280 millions piégés par erreur de codage
9- Hardfork : le Bitcoin cherche à quelle blockchain croire
10- Hardfork : 7 bébés Bitcoin et des copies dérivées de l’original
11- Milliards de pertes et désolation au cimetière de Cryptoland