Pourquoi les Investisseurs Socialement Responsables (ISR) devraient bannir Elon Musk et ses sociétés (TSLA).

J’ai découvert Elon Musk à peu près comme tout le monde, il y a une quinzaine d’années, quand il s’est fait connaître avec sa start-up de bagnoles branchées Tesla, aussi futuristes que son discours de patron messianique.

De loin, Musk avait ce côté tech-évangéliste des marchands de gadgets indispensables, comme Steve Jobs savait si bien le faire pour promouvoir les produits d’Apple. Musk traînait aussi une image de serial entrepreneur à succès, créateur de PayPal ayant fait fortune par sa revente à e-Bay, selon les souvenirs émoussés de mes lectures économiques.

Même cette partie de sa bio, encore la plus flatteuse, était fausse, comme nous l’apprend le livre-enquête « Elon Musk  Le bonimenteur » (p.193-197), publié en mai 2024 par notre confrère Boris Manenti, journaliste expert hi-tech et chef du service économie au Nouvel Obs.

Bien avant qu’Elon Musk rachète Twitter (en 2022) pour en faire son porte-voix X réactionnaire, peut-être jalousait-il déjà le rôle de grand méchant loup des médias sociaux, incarné à l’époque par Zuck, patron de Facebook attirant l’attention sur ce danger montant, jusque dans un film à sa mi-gloire en 2010, « The Social Network ».

Musk aura sûrement son film, voire plusieurs, vu le grand écart de scénario entre le film qu’il se fait, la fiction qu’il vend, et sa réalité documentaire.

Journaliste financier depuis 35 ans, j’ai appris à lire les gesticulations de patrons avec prudence, préférant jauger la cohérence de leurs paroles avec les faits et chiffres de leurs entreprises.

Qu’Elon Musk raconte n’importe quoi à ses fans béats, me faisait plus sourire qu’autre chose, même si cela gonflait la valorisation de Tesla (TSLA au Nasdaq) comme la grenouille de La Fontaine. Après tout, enfumer leurs admirateurs est dans la nature des bonimenteurs. Le problème devient plus préoccupant pour la planète et l’humanité, quand le type semble aussi nuisible et imprévisible que son ami Donald Trump.

Alerté par ma regrettée consoeur MJP, experte en gouvernance, je suivais de loin les tribulations d’Elon Musk depuis son entourloupe SolarCity, une société lui appartenant à titre personnel, qu’il avait fait racheter par Tesla à prix d’or ($2,6bn), dans des conditions scabreuses, dès 2016.

Ce tour de passe-passe s’apparente à ce qu’on appellerait en France un ABS à peine déguisé, ou abus de biens sociaux. Aux Etats-Unis il n’y a pas de vocabulaire châtié pour qualifier les ABS, c’est simplement du vol.

Ayant ouvert un dossier pour collectionner les enfumages d’Elon Musk depuis cette époque, dont le scandale SolarCity/Tesla, je scrutais son apparition dans l’ouvrage de Boris Manenti, et fut ravi d’en lire un résumé pédagogique (p.105-108).

Parmi les innombrables embrouilles d’Elon Musk, on peut citer ses bluffs médiatiques pour manipuler la cotation de cryptos dans le sens de ses intérêts personnels, au détriment des crypto-crédules buvant ses boniments. Tant pis pour ceux qui l’écoutent ! Ces manipulations du Bitcoin (BTC) ou du Dogecoin figurent aussi dans le portrait d’Elon Musk Bonimenteur (p.40-41, aussi sur Deontofi.com).

On peut ajouter à ce chapitre la plainte collective d’épargnants trompés par les manipulations d’Elon Musk sur les cryptos, repérée il y a deux ans. Pour aller plus loin, lisez le contenu édifiant de cette class action ici.

Ne parlons pas de la gonflette Tesla. Ou plutôt si. Certes, toutes les bulles font débat et celle-ci n’a pas moins de zélateurs que d’autres. Piétinant son dogme néolibéral anti-assistanat, Elon Musk s’est gavé de subventions étatiques, les ventes et prix des Tesla étant d’abord gonflées par les « bonus écologiques » versés à ses clients sur le dos des contribuables (un peu partout en Europe et en France). Sans ces subventions permettant de gonfler le prix de vente au-dessus du montant payé par les acheteurs, Tesla perdrait toujours de l’argent sur ses voitures électriques.

En effet, Tesla n’est devenu profitable qu’en 2020 (lui permettant d’intégrer l’indice S&P 500), grâce à la seule vente de crédits carbone à ses concurrents fabricants de voitures à essence, obligés de « compenser » les émissions des véhicules polluants à leur catalogue, comme expliqué à l’époque par le magazine Forbes (ici en VF). Encore en 2023, sur $15bn de résultat net publié, Tesla tire 1,8 milliard de dollars de la vente de crédits carbone à ses concurrents (rappelle James Gilboy, journaliste de The Drive.com).

La bulle Tesla enfle encore, en ajoutant à l’illusion comptable, une dose de manipulations de cours, comme le pointe le portrait d’Elon Musk Bonimenteur (notamment p.39-40 ; p.98-99).

Les mensonges d’Elon Musk concernant Tesla sont si fréquents que même le gendarme boursier américain (Securities & Exchange Commission SEC) semble renoncer à en faire l’inventaire, se bornant à négocier un accord judiciaire avec l’affabulateur (40 millions de dollars d’amende, partagée 50/50 entre Musk et Tesla) lui interdisant de twitter sur Tesla sans filtre juridique respectueux des réglementations boursières. Elon Musk a signé ces engagements dont il se contrefout royalement, en continuant à narguer les marchés, la SEC et le monde entier, en toute impunité (p.98).

Ayant vu ces filouteries s’égrainer dans la presse au fil des ans, j’étais de plus en plus perplexe en voyant l’action Tesla en tête des sociétés les plus présentes dans de nombreux fonds d’investissements socialement responsables (ISR), revendiquant la prise en compte de critères ESG dans la sélection de leurs placements.

E.S.G. ça veut dire Environnement, Social et Gouvernance.

Parfois lors de présentations à la presse par ces gérants vantant leur approche ESG, je les interrogeais sur cette ineptie : « Tesla marque peut-être des points selon vos critères d’investissement environnementaux, mais côté gouvernance il suffit de lire la presse pour savoir que c’est un cauchemar, et côté social ça n’a pas l’air terrible non plus ». Les gérants ESG ferment les yeux. Tant que l’action Tesla monte et qu’elle est bien notée par les agences de notation « extra-financières », ils ne voient pas plus de problème qu’avec Orpéa avant « Les fossoyeurs ». (Si vous l’aviez oublié, Orpéa était un géant des maisons de retraite valorisé plus de 8 milliards d’euros à son sommet en 2020, encensé par les gérants ESG, avant la révélation de ses fraudes dans le livre « Les fossoyeurs », et sa faillite consécutive).

Revenons sur l’enfumage ESG de Tesla et de tout ce que touche Elon Musk, en plus de ses manipulations financières.

Gouvernance : l’enfumage d’Elon Musk

La « gouvernance d’entreprise » reste un concept un peu flou, ou simplement surfait par les dirigeants rabâchant ce terme galvaudé en piétinant ses principes. Comme Elon Musk.

Pour comprendre l’enjeu, voyons les piliers d’une bonne gouvernance d’entreprise, selon les définitions de l’OCDE.

Un pilier de la gouvernance d’entreprise (corporate governance) concernent les « Droits et traitement équitable des actionnaires » (notamment le droit « d’obtenir en temps opportun et de façon régulière des informations pertinentes et significatives sur la société »).

On y lit notamment que « Les transactions entre parties liées devraient être approuvées et réalisées selon des modalités qui garantissent une gestion adéquate des conflits d’intérêts et protègent les intérêts de la société et de ses actionnaires » (p.25).

Outre l’entourloupe SolarCity de 2016, Elon Musk a aussi voulu s’approprier une part significative de Tesla, en s’attribuant 56 milliards de dollars d’actions gratuites, comme rappelé dans dans le portrait d’Elon Musk Bonimenteur (p.105).  Ce hold-up fut empêché par un jugement du Delaware le 30 janvier 2024, à la demande d’actionnaires minoritaires lésés.

Elon Musk tente de passer en force contre la justice, en faisant revoter son hold-up. Mais « La semaine dernière, huit investisseurs, dont Nordea Asset Management et le contrôleur financier de la ville de New York, ont fait savoir qu’ils s’opposeraient au plan de rémunération d’Elon Musk ainsi qu’à la réélection de Kimbal Musk [ndlr frangin d’Elon] et de James Murdoch [ndlr rejeton de Rupert Murdoch, proprio de Fox, la télé pro-Trump condamnée à $787m pour mensonges]  en tant qu’administrateurs de Tesla », selon notre confrère l’Agefi.

Le second pilier essentiel de la gouvernance concerne la « Diffusion de l’information et transparence ». Selon ce principe « Un cadre de gouvernance d’entreprise devrait garantir la diffusion en temps opportun d’informations exactes sur tous les sujets significatifs concernant l’entreprise, notamment la situation financière, les résultats, la durabilité, l’actionnariat et la gouvernance de cette entreprise ». Si les gérants ESG bannissaient les sociétés ayant une mauvaise gouvernance à l’aune de ce critère d’information « transparente exacte sur tous les sujets significatifs concernant l’entreprise », ils excluraient Tesla d’office (et probablement bien d’autres).

La Tesla autopilote imaginaire

Il y a 11 ans, en 2013, « Elon Musk présente le futur système Autopilot (…). L’année suivante lorsque l’option est introduite il s’agit surtout d’une aide au stationnement automatique. En 2016, le dispositif ne sert qu’à réaliser des freinages d’urgence, réguler la vitesse de façon adaptative et à aider au maintien sur route – options disponibles chez la concurrence », lit-on dans le portrait d’Elon Musk Bonimenteur (p.99).

Fidèle à l’odieux proverbe américain « fake it till you make it » (mentez jusqu’à gagner), Elon Musk n’a pas seulement trompé ses clients et actionnaires quant aux prétendues prouesses de ses bagnoles, il a littéralement envoyé dans le décor des conducteurs crédules, au péril des vies fauchées par son bullshit.

Le département de la justice américain (DOJ, équivalent du parquet en France) envisagerait d’inculper Tesla pour les centaines d’accidents recensés avec son Autopilot (avant le rappel de 2 millions de Tesla défaillantes par leur fabricant en Avril 2024) ; tandis que le gendarme boursier (SEC) enquêterait sur de nouveaux soupçons de fraudes boursières liées à ces scandales, dévoilait en exclu l’agence Reuters ce 8 mai 2024, en rappelant avoir révélé les enquêtes criminelles contre Tesla dès 2022.

Ce n’est malheureusement pas un exemple isolé. La lecture d’Elon Musk Bonimenteur démontre qu’il ment comme il respire, mais surtout qu’Elon Musk s’acharne à étouffer, censurer ou dénigrer l’information vérifiée (p.13 ; 40-41 ; 98-103 ; 226-229).

Tout est bidonné chez Musk, des caractéristiques de ses Tesla à ses promesses non tenues. Et on n’a pas encore évoqué le reste (SpaceX, Starlink, Neuralink, The Boring Company… sans oublier Twitter !).

Jauge bidon : le coup de la panne

« Ce n’est pas la seule fois que Tesla s’est empêtré dans les mensonges de son patron. (…) Sa Model 3 est ainsi vendue avec 513km d’autonomie dans sa version la moins chère (…) parce que Musk a volontairement truqué l’autonomie (… qui) se situe entre 273 et 498km pour les plus récentes » (p.166). La Corée du Sud a « condamné Tesla à 2,1 millions de dollars d’amende pour ne pas avoir averti que des températures fraîches pouvaient réduire de moitié l’autonomie » (p.167).

Tesla avant-dernier du classement fiabilité

Loin de mériter l’image de luxe et de performances justifiant le prix élevé de ses voitures, Tesla, « est avant-dernier du classement [de l’association de consommateurs américaine Consumer Reports], à la 27e place avec une note de fiabilité de 25 sur 100, juste devant Lincoln, mais derrière Jeep. Parmi les multiples griefs remontés par les propriétaires de Tesla, on note une «fiabilité moyenne» de la Model 3, «des défauts de carrosserie (hayon et portes), de peinture et de multiples autres problèmes» sur la toute récente Model Y tandis que les Model X et Y présentent toutes deux «des problèmes de carrosserie, de système de climatisation et d’électronique embarquée».

Le rapport épingle aussi la fonctionnalité de conduite assistée de Tesla, le Full Self Driving ou Autopilot, qui est une fausse promesse. Il «ne pilote pas du tout par lui-même…», rapporte notre confrère Transitions & Energies Magazine.

Pas étonnant que les clients français se plaignent d’un zéro service après vente pour les malfaçons de Tesla, lit-on dans Elon Musk Bonimenteur (p.221-222).

Social : le cauchemar d’Elon Musk

Concernant les critères « sociaux », qu’il s’agisse de droit du travail et syndical, du respect de la diversité et de l’égalité de droits et des traitements entre femmes et hommes, du respect des consommateurs et des territoires, ou des droits de l’homme en général ; Elon Musk est un cauchemar aussi effrayant que son pote Donald. Musk a été conseiller officiel de Trump dès son élection à la présidence en 2016 (p.254).

Jugez par vous-même, en lisant le portrait d’Elon Musk Bonimenteur. Extraits et résumés :

Tesla, Cour d’appel de Versailles, septembre 2022 : « brimades répétées » contre 5 salariés (…) à base de « tu as un salaire grâce à moi » (…) « tu te tais et tu m’écoutes » (…) « ne fais pas ta tête de conne » (…) « ton copain ressemble à un pédé » (…) « vous avez fait une école de commerce de merde ». Le manager, lors de son procès, évoque 28h supp’ par semaine (non payées) en moyenne (p.202). Le manager français de Tesla affirmait que les salariés « incapables de travailler le dimanche, les jours fériés et la nuit, n’ont rien à faire chez Tesla » (p.203).

Tesla Chambourcy, Yvelines, Conseil des prud’hommes de Saint-Germain-en-Laye, début 2024 : « on me traitait de chèvre (…) on me disait que j’étais nul, c’est un peu dans la culture de la boîte » raconte au Monde Jason Lambert, commercial, qualifié sur ses fiches de paie comme « hôte d’accueil » et qui travaillait « 70 à 80 heures par semaine (p. 205).

Tesla France « Multiplication des ruptures conventionnelles et des arrêts maladie (270 en 2022 pour 500 salariés, NDLR 54% de salariés naufragés !!!) (p.206).

Tesla USA « record d’accidents du travail dans l’usine de Fremont, Californie, à 7,9% en 2015, soit deux fois plus que la moyenne de l’industrie automobile aux Etats-Unis », selon les inventaires de l’ONG Worksafe (p.208).

2021, baisse du taux d’accidents du travail à 4,4% (toujours supérieur aux concurrents), obtenu par sous-déclaration des accidents, selon l’ONG Center for Investigative Reporting (p.209).

Plus de 54 violations des mesures légales de sécurité, trois fois plus que les dix plus grandes usines des Etats-Unis réunies, Tesla condamné à 200.000 dollars d’amende (p.209).

Tesla Antisyndical, espionnage de salariés et surveillance de leurs activités sur les réseaux sociaux par contrat avec l’agence RP MikeWorldWide, suivi du licenciement de 400 à 700 ouvriers de Tesla « par surprise, par e-mail ou téléphone, officieusement afin de virer tous ceux travaillant à la création du syndicat » (p.212).

« A l’usine de Buffalo, près de New York, une douzaine de salariés Tesla ont été licenciés juste après avoir averti le patron de l’organisation d’un vote pour la création d’un syndicat » (p.214).

Tesla Allemagne : les 9000 salariés de l’usine ont dû signer à leur embauche une clause de confidentialité « interprétée par le syndicat [IG Metal] comme une obligation de se taire ». « IG Metal évoque aussi des heures supplémentaires débridées, une surcharge de travail importante, un manque de personnel, une mauvaise climatisation (…) Tesla est le seul constructeur automobile à refuser de signer une convention collective et à rejoindre l’association nationale des employeurs » (p.215).

SpaceX, 2014, un salarié meurt par défaut de sangles de sécurité, selon Reuters (…) plus de 600 blessures depuis ce décès (…) « pour s’efforcer de respecter les délais serrés imposés par Musk (…qui) décourage les travailleurs de porter des gilets jaunes de sécurité car il n’aime pas les couleurs vives » (p.210).

Twitter : « Sur les 8000 salariés de Twitter, plus de 6000 sont licenciés. Il ne reste plus que 1500 employés (le différentiel s’explique par les démissions) » (p.190).

« On attend littéralement que vous travailliez 24h/24 7j/7 », disait un message aux équipes (p.191).

« Plus de 2000 d’entre eux ont saisi le Tribunal de San Francisco » car Elon Musk « a refusé d’expliquer les critères de choix dans le délestage, n’a pas respecté le délai légal de licenciement et n’a pas versé l’indemnité prévue dans les contrats – il y en aurait pour 500 millions de dollars non versés » (p.204).

Musk Sexiste : 57% des femmes salariées ont été virées, contre 47% des hommes (p.204). Postes d’ingénieurs : 63% des femmes ingénieures virées, contre 48% des hommes ingénieurs licenciés ; Non ingénieurs : 51% des femmes licenciées, contre 42% des hommes licenciés. (p.205).

Twitter UK : 43 ex-salariés au Royaume-Uni ont également déposé une plainte, accusant Musk de les avoir soumis à un traitement « illégal, injuste et totalement inacceptable » lors d’un processus de licenciement « fictif ». (p.205).

Musk Super Sexiste Ado frustré / Macho vengeur

Elon ado (Afrikaner blanc Sud-Africain sous l’apartheid) « a beaucoup été rejeté [par les filles] ce qu’il a vécu comme une grande frustration », raconte son père (p.64). Même après avoir fait fortune et s’être payé des cheveux neufs [« en juillet 2017 (…) divorcé, s’est mis au sport (…) offert des implants capillaires et des costumes bien coupés » (p.57)], Elon Musk reste un vulgaire macho systémique : « le sexisme de Musk se voit de plus en plus dénoncé au sein de ses entreprises » (p.66).

Musk phallocrate : « accusé par une hôtesse de l’air de SpaceX d’avoir retiré son pantalon et frotté son pénis contre elle » (p.65, source Business Insider, expliquant que Musk attaque publiquement ce média, applaudi par des crétins à Paris VivaTech le 23/5/2024); « sur Twitter il multiplie les messages à connotation sexuelle à base de 69 » (p.66) ; Musk déclare que « être mère est aussi important que n’importe quelle autre carrière » et réduit « le congé maternité chez Twitter au minimum légal (…) au plus bas, à deux semaines (contre 20 auparavant) » (p.69) ; 

Tesla Nevada : « une salariée s’est plainte de la diffusion de rap aux propos sexistes et vulgaires » mais aussi du harcèlement sexuel d’un collègue dont elle s’est plainte à la DRH, sans suites jusqu’à ce qu’elle saisisse la justice (p.67).

Tesla Californie : 7 salariées poursuivent Tesla « pour harcèlement sexuel répété » (…) « les femmes décrivent un environnement dans lequel il est normal [qu’elles] se fassent siffler, [qu’elles soient] lorgnées, touchées de manière inappropriée » (…) « après 3 ans de remarques quotidiennes ça vous déshumanise » (p.67). « Il y a des gens (…) qui vénèrent Elon Musk comme un dieu. S’il se permet de parler comme ça, alors ils savent qu’ils le peuvent aussi » (p.68).

Environnement : Apocalypse Musk !

Naïvement, en dépit d’un patron malhonnête exécrable, je pensais que la présence de Tesla dans les fonds d’investissement socialement responsables (ISR), se justifiait un peu selon des critères « Environnementaux », à défaut d’illusoires critères S (Social) et G (Gouvernance), autant méprisés que piétinés par Elon Musk et ses sbires. Un peu comme j’avais cru, au début, que Carmat était la seule start-up valable du Dr Pouletty et des fonds Truffle Capital. Naïvement. C’était faux.

Le portrait d’Elon Musk Bonimenteur nous apprend qu’il est un apôtre du tout bagnole, dangereux climato-sceptique, prêt à tous les stratagèmes contre les transports en commun, ayant misé sur Tesla par opportunisme, alléché par les subventions pour voitures électriques, et l’aubaine des compensations carbones entre constructeurs.

Contrairement à Martin Eberhard, fondateur de Tesla en 2003 (p.90), évincé en 2007 par Elon Musk (p.92), qu’il avait imprudemment fait entrer à son capital (97,7% d’un appel de fonds de 6,5 millions de dollars en 2004, p.93), le nouveau roi de Tesla surfe sur le vernis « vert » de ses bagnoles, au mépris des enjeux environnementaux.

Martin Eberhard a fondé Tesla quand ses préoccupations climatiques l’ont fait renoncer à s’acheter une Porsche après la vente de sa précédente société (p.90). Elon Musk, lui, avec la vente de sa première société Zip2 (pour $305m à Compaq dont $22m pour Musk), s’empresse d’acheter « un avion à hélice et une McLaren F1 à un million de dollars (…) voiture la plus rapide du monde », qu’il crashe en moins d’un an (p.44-45). Anecdotique mais révélateur.

Elon Musk « Le faux écolo » (p.161) est d’abord « grand adepte du jet privé » ayant émis « 1,9 milliard de tonnes de CO2 en 2022 », selon les calculs du ElonJet tracker  créé par Jack Sweeney (alors étudiant, traquant aussi les jets d’oligarques russes), accablé à ce titre de représailles et procès d’intimidation (p.162)

Tesla boule p(oll)uante !

Fabrication d’une seule voiture Tesla = 18 millions de tonnes équivalent CO2 (p.168).

Certes « sur l’ensemble de sa durée de vie, une voiture électrique roulant en France a un impact carbone 2 à 3 fois inférieur à celui d’un modèle thermique similaire, à condition que sa batterie soit de capacité raisonnable (moins de 60kWh) » selon l’Ademe, car « l’impact carbone augmente quasi proportionnellement à son poids », lui-même lié à la batterie. Or, aucune Tesla n’a une batterie inférieure à 60kWh, leur poids variant de 1,7 à 2,4 tonnes (p.173).

Digression sur l’autobésité : étant jeune, ma Renault 4L pesait 635kg.

Il y a 20 ans, la Clio 2 1.4L pesait une petite tonne (940kg).

De 2012 à 2023, en France, les véhicules électriques ont grossi de 343kg (+29%), à 1,5 tonne; les hybrides ont pris trois quintaux (+22%), à 1,8 tonne ; et les voitures à essence seulement 72kg (+7%), à 1 093kg, selon les données compilées par L’Argus.   

Usines Tesla CO2 : elles ont émis 610 gigatonnes d’équivalent CO2 (610 GtCO2eq) en 2022, contre 606 GtCO2eq pour le groupe Renault ayant produit deux fois plus de voitures (p.169).

Usines Tesla H2O : elles ont usé 2,6 m3 d’eau par véhicule, mieux que Renault (4,7 m3), loin derrière BMW (1,9 m3).

Tesla Particules fines : Musk commande sur Internet des pneus Michelin non adaptés à son nouveau Model S, qui s’usent plus vite, émettant « de nombreuses particules fines (hydrocarbures polyaromatiques, benzothiazoles, isoprène, zinc, plomb…) » (p.175). La Tesla Model Y pollue bien plus en particules fines qu’un modèle équivalent Kia Niro avec une usure des pneus accrue, selon le laboratoire Britannique Emission Analytics (p.175).

Tesla Toxique : Tesla est épinglé une 3ème fois pour ses déchets toxiques en Californie. Après des amendes en 2019 et 2022, 25 comtés de Californie ont porté plainte début 2024 contre Tesla, « accusé d’expédier des batteries usagées, du liquide de frein, de l’antigel, du diesel ou de la peinture dans des décharges pas du tout équipées pour traiter ces déchets » toxiques (p.175).

Tesla Berlin, les écolos voient rouge :

SpaceX crame l’atmosphère et l’écosystème : sans surprise pour des fusées, selon les recours d’associations contre SpaceX auprès de la Federal Aviation Administration (p.176).

Elon Musk anti-train : Avec la création en 2013 de la start-up Hyperloop Transport Technologies, pillant les idées d’un inventeur des années 80 (p.109-111), Elon Musk s’échine en buzz et diversions pour faire dérailler le projet concurrent de TGV californien San Francisco – Los Angeles, faisant de l’ombre à la suprématie automobile. « Il a promis un coût de 6 milliards de dollars pour la ligne Los Angeles – San Francisco, mais des documents internes ont révélé que l’estimation basse se situait déjà entre 9 et 13 milliards. Parce que l’objectif n’était pas une réalisation, mais bien de contrecarrer le projet de train californien » (p.113-114).

Elon Musk fétiche climatosceptique : Depuis l’arrivée de Musk « 54% des scientifiques spécialistes de l’environnement ont préféré réduire ou cesser leurs publications sur Twitter », selon la revue Nature, et la moitié des 380 000 comptes mobilisés pour le climat et la biodiversité ont cessé de publier, selon Trends in Technology & Evolution, en raison du discours haineux complotiste antiscientifique (p.181).

Twitter X depuis Musk, est classé « pire réseau social en matière de désinformation sur le climat », selon l’ONG Climate Action Against Disinformation (p.181).

Danger gourou réac !

Un ami coach corporate futuriste intervenant en pensée positive, me parlait souvent d’Elon Musk, comme d’un patron visionnaire par sa capacité à nous projeter au-delà du monde existant pour mieux nous adapter aux changements à venir, ou un truc du genre. Comme tant d’admirateurs du Gourou Musk (« inspirant » pour 43% des patrons de PME françaises, p.207) il prêtait peu d’importance à la réalité factuelle des enfumages d’Elon, convaincu que ses sociétés avaient 10 ans d’avances sur leur concurrentes.

Côté business, ses fans ferment les yeux. Côté citoyen, c’est plus compliqué depuis qu’Elon Musk a révélé sa vraie nature tyrannique, transformant Twitter en porte-voix X(tra) réactionnaire. Au moins, il commence à perdre ses clients : 21,5% des premiers acheteurs de Tesla abandonnent la marque par désapprobation d’Elon Musk (p.209).

« Elon Musk a achevé sa mue de défenseur de la liberté d’expression en champion de la désinformation », résume Vincent Béthier, thésard en sciences de l’information à l’ONG Reporters Sans Frontières (RSF) (p.229). Il l’a montré avec Donald Trump, Twitter X, et par son soutien à la désinformation russe qu’il relaye depuis 2022, quand il n’intervient pas directement dans la guerre en débranchant les services de guidages GPS Starlink, qu’il loue à prix d’or à l’Ukraine, pour protéger la flotte russe en Crimée (p.147-152).

Grâce au salutaire portrait d’Elon Musk Bonimenteur, par Boris Manenti, les crédules ou crétins admirateurs de ce champion libertarien-facho, pourront fermer les yeux et les oreilles tant qu’ils voudront (et les gérants moutons garder Tesla dans leurs fonds ESG), mais on ne pourra plus dire qu’on ne savait pas.

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