Manipulations de cours et informations trompeuses sont monnaie courante, revue de sanctions.

Dans la rubrique « Déontofi vous avait prévenu », une récente sanction de l’Autorité des marchés financiers porte un éclairage complémentaire sur les coulisses malhonnêtes d’une start-up biotech boursoufflée, dont Deontofi.com avait été le seul média à repérer tous les signaux d’alerte… il y a 7 ans ! L’occasion de revenir sur la jungle des marchés déréglementés et leurs manipulations de cours.

Dans cet article, Deontofi.com décortiquait la mayonnaise marketing mise en oeuvre par des communicants opportunistes, pour ressusciter une coquille boursière, l’improbable « Gour Médical », et gonfler sa valorisation sur du vent.

La méthode de boursoufflage, ou gonflette de valorisation à coup de communication outrancière, est une pratique commune des marchands de start-ups habitués des manipulations de cours, dans le monde équivoque des marchés non réglementés. En effet, ces marchés pour coquilles de troisième zone, anoblis avec un vernis « start-ups », ne sont pas des vrais marchés boursiers réglementés.

Parmi les truffes du genre, outre la caricaturale Gour Médical, on avait commenté les Carbios, Carmat, Loyaltouch, Gowex et autres tartufferies boursières dont il vaut mieux rire que pleurer, à condition de savoir les éviter.

Les fausses informations sont banalisées sur Internet (influenceurs vendeurs d’arnaques), voire acceptée socialement (par un large public) de la part de leaders fantasques comme Donald Trump, Jair Bolsonaro, Xavier Milei, voire Elon Musk. Mais diffuser de fausses informations ou des informations trompeuses reste, en principe, interdit sur les marchés financiers. Les sanctions dans ce domaine sont nombreuses, dernières en date avec la société Casino, dont les tromperies financières ont été condamnées en 2023, après avoir été longtemps tolérées, voire couvertes, par l’establishment parisien.

Pour la manipulation de cours, c’est une autre affaire. Le principe d’une manipulation de cours est d’orienter artificiellement la valorisation d’un titre en manipulant le marché par toutes sortes de stratagèmes directs (interventions sur le marché et dans le carnet d’ordres) ou indirects (communication outrancière ou trompeuse). Mais manipulation de cours n’est condamnable qu’en démontrant l’intentionnalité des manipulateurs, ce qui met souvent la justice en échec.

Résultat, il y a très peu de condamnations de grandes sociétés ou de leurs dirigeants pour manipulation de cours, en dépit des manipulations observées (Vivendi…), car il est est difficile de prouver l’intentionnalité, grâce à la dilution des responsabilités et prérogatives.

La sanction AMF du 7 septembre 2023 contre la société Rallye pour manipulation de son cours est un rare exemple récent (25 millions d’euros d’amende contre Rallye avant sa faillite, et 1 million d’euros d’amende pour son dirigeant M. Franck Hattab). Deontofi.com avait aussi commenté la condamnation de manipulations de cours furtives de Virtu grâce au trading haute fréquence avec la complicité d’Euronext (Euronext et Virtu condamnés à 5 millions d’euros d’amende chacune).

Les manipulations de cours sont plus facilement sanctionnées quand elles sont plus grossières. Les embrouilles de l’affairiste Nicolas Miguet en témoignent. Plus d’une fois mis en cause par le gendarme boursier, Nicolas Miguet et ses sociétés avaient écopé de 800 000 euros d’amende pour manipulation de cours de Mauna Kea Technologies SA (ALMKT.PA), improbable action d’Euronext Growth, par une sanction AMF du 4 mars 2022.

A l’aube de 2024, on apprenait que le même Nicolas Miguet, avait aussi écopé de 18 mois de prison (effectués en « liberté sous bracelet » électronique) pour d’autres manipulations de marché jugées cette fois en correctionnel :

Le 13 décembre 2023, la 32e chambre du tribunal correctionnel de Paris a déclaré M. Nicolas Miguet, la société Quotidien de Paris éditions (QPE), l’Association pour la représentation des actionnaires révoltés (ARARE) et le parti politique Rassemblement des contribuables français (RCF) coupables du délit de manipulation de marché et les a condamnés pour ces faits remontant à 2018. Ce jugement fait suite à un signalement effectué par l’AMF le 20 novembre 2020, dénonçant des agissements identifiés dans le cadre d’une enquête sur le marché du titre Nicolas Miguet et Associés (NMA), susceptibles de constituer un délit de manipulation de marché. (…)

Dans sa décision du 13 décembre 2023, le tribunal correctionnel de Paris a suivi l’analyse de la manipulation de marché développée dans le rapport de la Direction des enquêtes de l’AMF et a prononcé les peines suivantes : 

  • à l’encontre de M. Nicolas Miguet : 24 mois d’emprisonnement dont 6 mois assortis du sursis probatoire, la peine d’emprisonnement ferme étant effectuée sous le régime de la détention à domicile sous surveillance électronique
  • (…) Cette décision peut faire l’objet d’un appel.
https://www.amf-france.org/fr/actualites-publications/actualites/une-manipulation-de-marche-identifiee-et-signalee-par-lamf-sanctionnee-par-le-tribunal-correctionnel

La sanction de l’AMF pour manipulation de cours de la start-up « biotech chiens-chats séniles » confirme pour sa part les soupçons que tout bon journaliste aurait dû avoir en se penchant sur sa communication…

Deontofi.com reproduit ci-dessous le communiqué de l’AMF du 25 janvier 2024 :

La Commission des sanctions de l’AMF sanctionne sept personnes dont quatre pour manipulation de cours et trois pour manquements à leurs obligations déclaratives

Dans sa décision du 24 janvier 2024, la Commission des sanctions a infligé à la société Grantchester Equity Ltd, M. Miron Leshem, M. Dirck Van Wylick et Mme Aude Planche des sanctions pécuniaires comprises entre 400 000 euros et 2 000 000 euros pour avoir manipulé le cours des titres des sociétés Gour Medical, Umalis Group et/ou CIOA, cotées sur Euronext Access. Elle a également prononcé à l’encontre des dirigeants de ces trois sociétés, MM. Serge Goldner, Christian Person et Léon Lucide, des sanctions pécuniaires comprises entre 25 000 euros et 100 000 euros pour des manquements déclaratifs.

La Commission a retenu qu’un même schéma, qui consistait en la réalisation d’actions coordonnées de divers acteurs, avait été mis en œuvre sur les titres des trois sociétés en cause et avait créé une illusion de liquidité abondante de ces titres. La Commission a considéré qu’un tel comportement était constitutif d’un manquement de manipulation de cours par fixation du cours des titres Gour Medical, Umalis Group et CIOA à un niveau anormal ou artificiel, par indications fausses ou trompeuses sur l’offre, la demande ou le cours de ces titres, par recours à des procédés fictifs ou à toute autre forme de tromperie ou d’artifice, et par construction d’une position dominante de nature à fixer les prix d’achat et de vente de ces titres.

La Commission a ensuite examiné le comportement personnel des mis en cause dans la réalisation du schéma manipulatoire. Elle a retenu que le manquement était caractérisé à l’égard de la société Grantchester Equity Ltd et de son président M. Leshem pour avoir élaboré la stratégie manipulatoire et participé à son exécution effective et à son contrôle, tout en en retirant un bénéfice économique substantiel. La Commission a également estimé que M. Van Wylick et Mme Planche devaient être regardés comme ayant collaboré à la réalisation de la manipulation de cours, de sorte que le manquement était également caractérisé à leur égard.

Enfin, la Commission a retenu que les dirigeants respectifs des sociétés en cause, MM. Goldner, Person et Lucide, avaient manqué à leur obligation de déclaration des transactions. 

Cette décision peut faire l’objet d’un recours.

Gare au coupe-gorge des marchés marginaux !

Concernant la longue liste d’embûches boursières annoncées sur les marchés non réglementés, dont Euronext Access, Deontofi.com vous en a aussi déjà averti :

« En France, nous avons aussi des marchés non réglementés, totalement opaques qui se révèlent de véritables coupe-gorges pour les petits actionnaires, c’est le Nouveau Marché, rebaptisé Alternext après les faillites des années 2000, et bien sûr le Marché Libre, anciennement surnommé marché Hors-Cote (HC).
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