L’amende de 40 millions d’euros infligée le 31 octobre 2014 à l’assureur CNP pour insuffisance de recherche des bénéficiaires d’assurances vie non réclamées, après celle de 10 millions infligée à Cardif (BNP Paribas) pour ce même motif le 7 avril 2014, rappelle l’importance des capitaux en déshérence que les assureurs ont du mal à distribuer à leurs bénéficiaires officiels, malgré les lois qui les y obligent.

S’ils n’en informent pas leurs proches ou leur notaire, les souscripteurs d’assurance vie peuvent prier pour que leur argent soit bien transmis à leurs bénéficiaires en cas de décès. (photo © GPouzin)

S’ils n’en informent pas leurs proches ou leur notaire, les souscripteurs d’assurance vie peuvent prier pour que leur argent soit bien transmis à leurs bénéficiaires en cas de décès. (photo © GPouzin)

S’il leur arrive de se retourner dans leur tombe, les macchabées ne se plaignent jamais des entourloupes posthumes de leur banquier ou de leur assureur. Ces derniers en profitent un peu, voire beaucoup. Avant d’aborder un jour le scandale des « frais de décès » dont les banques délestent les comptes courants de leurs 550 000 clients décédés chaque année, Deontofi.com revient sur les milliards escamotés par les assureurs aux souscripteurs de contrats d’assurance vie dont la trace se perd au cimetière.

Il est toujours délicat de confier de l’argent de son vivant, à une institution chargée de le transmettre à des personnes désignées pour en bénéficier quand on sera mort. Deux produits d’assurance fonctionnent pourtant sur ce principe : l’assurance décès et l’assurance vie, qui font parfois l’objet de confusion du grand public. L’assurance décès est un contrat dit « à fonds perdus », par lequel un souscripteur paye une cotisation chaque année en échange du versement d’un capital aux bénéficiaires qu’il désigne s’il venait à décéder. L’inconvénient est que les cotisations sont perdues si l’on ne décède pas. L’avantage est que l’assureur est normalement mieux informé du décès de l’assuré quand il ne paye plus ses cotisations.

Tant que le souscripteur est en vie, l’assurance vie fonctionne davantage comme un produit d’épargne mais avec une clause d’assurance en cas de décès. Pour simplifier, on place ses économies en assurance vie et on peut en disposer tant qu’on veut de son vivant. Mais l’assurance vie n’est pas un « bien » transmissible, comme l’argent d’un compte courant ou les titres d’un portefeuille. En cas de décès, l’assureur a la charge de transmettre le capital constitué aux bénéficiaires désignés sous forme d’une « indemnité », ce qui justifie son statut juridique et fiscal si apprécié des épargnants. Au total, on estime que 14 millions de Français ont ainsi placé 1500 milliards d’euros sur des contrats d’assurance vie.

Le problème est que les souscripteurs d’assurance vie ne préviennent pas leur assureur quand ils décèdent. Si les proches du défunt, ses bénéficiaires, son notaire, banquier ou conseiller financier connaissent l’existence d’un contrat d’assurance vie, ils peuvent informer l’assureur du décès afin que ce dernier verse les capitaux prévus au contrat. Dans le cas contraire, les assureurs ont tendance à garder l’argent de leurs souscripteurs indéfiniment sans se demander s’ils sont encore vivants. Les capitaux de ces contrats non réclamés, orphelins de souscripteurs et pas encore parvenus à leurs bénéficiaires, appelés « contrats en déshérence » ou « capitaux en déshérence », alimentent la polémique depuis les années 2000. L’amnésie des assureurs oublient de donner l’argent aux bénéficiaires d’une assurance vie n’est d’ailleurs pas une exclusivité française, puisque l’on avait appris à l’été 2010 que leurs homologues américains avaient, eux aussi, escamoté 28 milliards de dollars qu’ils ont oublié de transmettre aux bénéficiaires.

Après avoir tenté d’échapper à la réglementation par une autorégulation inefficace, les assureurs ont été soumis à une réglementation plus contraignante, les obligeant à vérifier régulièrement si les souscripteurs étaient encore vivants, surtout à partir d’un âge canonique. Dans le cadre de la loi du 15 décembre 2005, ils ont confié à leur Association pour la gestion des informations sur le risque en assurance (Agira), la recherche de contrats d’assurance vie non réclamés en cas de décès du souscripteur. Ce service permet aux potentiels bénéficiaires de vérifier s’ils seraient bénéficiaires du contrat d’un souscripteur décédé en envoyant une simple lettre (comme elle ne l’indique pas clairement, Deontofi.com vous précise son adresse: Agira, 1 rue Jules Lefebvre 75431 PARIS CEDEX 09). En 2008, 29 654 demandes à l’Agira avaient ainsi permis de retrouver 300 millions d’euros. Mais il faut envoyer un certificat de décès du souscripteur, ce qui n’est pas forcément à la portée de bénéficiaires désignés discrètement sans que la famille soit avertie.

La loi du 17 décembre 2007 a donc aussi obligé chaque assureur à mieux rechercher les bénéficiaires en vérifiant régulièrement si leurs souscripteurs sont vivants. Pour ce faire, ils peuvent notamment consulter le Registre national d’identification des personnes physiques (RNIPP), qui permet d’identifier les assurés décédés. Certains assureurs ont pris cette tâche plus au sérieux que d’autres, comme Sogecap, la filiale de la Société générale, qui vérifie chaque année que ses souscripteurs les plus âgés sont toujours en vie. La situation est moins claire chez d’autres, y compris les plus gros.

En 2009, le cabinet Capitaux Recherche Déshérence (CRD) estimait ainsi que 5 milliards d’euros avaient été escamotés aux souscripteurs disparus par des assureurs indélicats, au détriment de 700 000 bénéficiaires potentiels. Des chiffres évidemment contestés par la Fédération française des sociétés d’assurance (FFSA) qui évaluait l’enjeu à moins d’un milliard. L’année suivante, la publication par le Ministère de l’économie et des finances de son rapport sur les contrats d’assurance vie non réclamés confirmait que les assureurs avaient effectivement pu verser 550 millions d’euros de capitaux à des “bénéficiaires oubliés”, en 2009, tandis qu’ils conservaient dans leurs caisses 1,5 milliard d’euros appartenant à d’autres “bénéficiaires oubliés”, selon la FFSA.

La mise en œuvre de ces obligations faisant débat, le gendarme des assureurs et des banques, baptisé Autorité de contrôle prudentiel et de résolution –des problèmes !- (ACPR) contrôle les procédures mises en place par les principales institutions qu’elle supervise.

Dans ce cadre, la Commission des sanctions de l’ACPR vient de condamner l’assureur CNP (Caisse nationale de prévoyance), à 40 millions d’euros d’amende, par une décision du 31 octobre 2014, pour l’insuffisance de ses procédures visant à retrouver les bénéficiaires de capitaux en déshérence. C’est la seconde condamnation sur ce thème, après que la Commission des sanctions de l’ACPR ait infligé 10 millions d’euros d’amende pour des motifs similaires à Cardif Assurance Vie, l’assureur du groupe BNP Paribas, par une décision du 7 avril 2014.

Pour plus de précisions sur les infractions de CNP Assurances et Cardif Assurance Vie (BNP Paribas) sanctionnées par le gendarme des bancassurances, lisez les communiqués et décisions de la Commission des sanctions de l’ACPR, accessibles ici:
CNP Assurances écope de 40 millions d’amende pour défaut de recherche de ses clients décédés
10 millions d’euros d’amende pour l’insuffisante recherche des bénéficiaires d’assurances vie Cardif

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8 commentaires

  1. Gil, le

    Bonjour,
    J’ai fait une demande sur le site ciclade en sachant que mon compte d’épargne salariale avait été viré récemment à la Caisse des Dépôts.
    A grande surprise ma demande a été rejetée.

    VOICI LA REPONCE :

    Votre demande a été rejetée.
    Pour plus d’informations sur les motifs de ce rejet, nous vous invitons à consulter votre espace personnel sur le site Ciclade > Mon espace > Mes demandes.
    Cliquez ensuite sur le bouton « Consulter » en face de la demande concernée. ET BIEN SUR ILS NE METTENT PAS LE MOTIF ! la caisse des dépôts considère t-elle que cette argent lui revient ?

  2. poggi, le

    je viens de recevoir un courrier de la CNP me précisant que ma mère décédée en 2009 était titulaire d’un contrat collectif de retraite et qu’elle n’a jamais demandé le paiement de ses droits de son vivant.
    je serais bénéficiaire , d’après eux ce contrat ne prévoit pas de reversion mais la CNP reste redevable du remboursements des versements effectués sous conditions de réserve d’un montant de 6.57 euros correspondant au capital ???????????????? et des arrérages de rente (qu’elle aurait du percevoir dès sa retraite de 1980 à 2009) au titre de la succession.

    je les contacte par téléphone pour en savoir plus , ils me disent que les sommes versées sont perdues mais qu’elles étaient minimes et en francs bien sur à l’époque et que pour les rentes il y aurait une centaine d’euros environ

    je suis assez étonnée pas plus de détails ils me demandent des pièces pour le remboursement.

    que dois je faire , j’ai vu sur internet que cette compagnie d’était pas très fiable.

    merci pour votre aide

  3. chauvin, le

    j’ai été contacté par la CNP D’ ANGERS en février dernier pour un contrat assurance vie souscrit par ma défunte Mère décédée le 15 Mars 2003 depuis j’ai remplit tous les documents qu’ils mon demandé reste un gros problème les notaires associés de Beaumont le Roger 27170 porcher MICHEL Nadine HOMO Jérome Viel Piocelle Magali refuse malgré mes nombreux courriers RAR MAILS LS REFUSENT tout dialogue au tél je vais vers eux pour qu’ils signent la déclaration partielle de succession n° 27056A c ‘est ‘un vrai parcourt du combattant aussi j’ai porté l’affaire devant la chambre des Notaires de l’eure malgré toutes mes démarches et l’investisment frais LRAR 6 LETTRES mon dossier reste au point de départ aidez moi à clore ce dossier
    Merci !!!!
    GUY PIERRE DENIS CHAUVIN Bénéficiaire du contrat souscrit par SIMONNE Matilde Rollin

    • DELDIQUE, le

      Bonjour Monsieur. Vous pouvez faire vous même la déclaration partielle de succession et la déposer au trésor public qui vous fera payer les droits éventuels. L’assurance vie n’entre pas dans la succession, votre notaire n’a pas à gérer cela ni à en connaître. Le formulaire est accessible sur internet. Vous en remettrez une copie à votre sympathique notaire. (j’ai pratiqué ainsi personnellement au décès de ma Mère).

  4. Ultiminfo, le

    Sans rentrer dans une bataille de chiffres, signalons le rapport Attali (cosigné par Mr Bébéar) de 2008 (voir google: Attali desherence) qui estimait les capitaux non réclames, donc en déshérence, de 10 à 30 milliards d’euros. Donc bien loin des autres estimations plus conservatrices.
    Plus que jamais il est grand temps pour les SOUSCRIPTEURS vivants de prendre en main le destin de leurs capital décès ! Des mesures simples de gestion de leurs clauses bénéficiaires existent. Après leur décès, il sera trop tard pour y penser. Et force est de constater que les assureurs ne disposent pas encore de boules de cristal…ou qu’ils ne savent pas s’en servir!!!

  5. GAUDOUT, le

    Ayant placé des centaines de contrats d’assurance vie, avec des bénéficiaires désignés: par exemple l’employée de maison, la fondation Brigitte Bardot, le secours populaire, La SPA; et même pour certains contrats aucun bénéficiaires mentionné, je sais que depuis plus de 30 ans les contrats sont perdus, car ils ne seront jamais informés, sauf pour les assureurs, banquiers. Il en est de même de tous les comptes de dépôt non réclamés, Livret ouvert à la naissance ou autre cadeau égarés dans les tiroirs…
    Mon idée : Par croisement informatique, fait par le fisc, tous les avis de décès permettraient de connaitre les placements, même minime, de les sortir des griffes des banquiers, et qui devraient rester à la personne désignée par le défunt, ou à l’Etat.

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