Près de 400 professionnels du droit et de la finance assistaient jeudi 3 octobre 2013 au 6ème colloque de la Commission des sanctions de l’AMF qui célébrait son 10ème anniversaire. Cet événement a permis de revenir sur le bilan de la jeune instance répressive et de réfléchir à ses évolutions possibles. Compte rendu du discours introductif avec une info clé contre la récidive.

Ouverture du Colloque de la Commission des sanctions, par sa présidente, Claude Nocquet. (photo © GPouzin)

Ouverture du 6ème Colloque de la Commission des sanctions de l’AMF, par sa présidente, Claude Nocquet. (photo © GPouzin)

Madame Claude Nocquet, présidente de la Commission des sanctions de l’AMF, a commencé par en rappeler les grandes étapes. « L’arrêt Oury et la Loi de sécurité financière du 1er août 2003 ont sonné le glas du cumul par l’AMF de ses pouvoirs d’enquête et de sanction », explique-t-elle en préambule. Avant, l’autorité administrative était en effet en situation de juge et partie. Après, 12 membres sont désignés pour constituer une commission des sanctions indépendantes, qualifiée par madame Nocquet d’OVNI, « ou plus précisément un OSNI, précise-t-elle avec humour : un objet sanctionnel non identifié ». L’AMF n’était plus juge dans cette commission, mais elle n’était plus partie non plus car « il n’y avait pas de débat contradictoire entre l’accusation et la défense » rappelle Claude Nocquet. Un défaut auquel il est remédié quand « à partir de 2008, le représentant du Collège de l’AMF vient en séance ». La Commission des sanctions n’entend plus seulement la plaidoirie des avocats défendant les mis en cause, mais aussi les arguments d’accusation recueillis par l’AMF dans son enquête.

« Il manquait encore un dernier étage car l’AMF ne pouvait pas faire appel », explique la présidente de la Commission des sanctions. Les sociétés et professionnels mis en cause pouvaient faire appel s’ils s’estimaient sanctionnés à tort, mais l’AMF n’avait aucun recours si la Commission des sanctions ne suivait pas son réquisitoire. « En 2010 la loi y a remédié, permettant l’appel de l’AMF, poursuit Claude Nocquet, mais en renforçant aussi les droits de la défense lors de la notification des griefs. » C’est de cette loi que date aussi « l’ouverture des audiences au public pour améliorer la compréhension et l’exemplarité des décisions ».

Aboutissement de ces progrès, la Commission des sanctions respecte « les standards les plus exigeants et mérite l’appellation de tribunal que j’ai utilisée », poursuit sa présidente.

Bilan chiffré : deux tiers sanctionnés, un tiers blanchi
En dix ans, la Commission des sanctions a rendu 291 décisions concernant 787 personnes physiques ou morales : un tiers ont été mis hors de cause tandis que les autres ont reçu 460 sanctions pécuniaires, allant de 1 euro à 8 millions d’euros, et 43 sanctions disciplinaires. « Il y a la quantité, résume Claude Nocquet. Y a-t-il la qualité ? C’est à vous d’en juger en lisant le recueil de sanctions actualisé », glisse-t-elle pour vanter cette « Bible »  de 295 pages de jurisprudences boursières depuis 2003, regroupées astucieusement par thèmes et truffé de références à toutes les juridictions ayant pu les examiner.

Une loi précisant les critères de sanction
« N’allez pas croire que ce bilan traduit une autosatisfaction béate, prévient néanmoins la présidente, car il reste beaucoup à accomplir. » En juillet 2013 Claude Nocquet a ainsi remis au président de l’AMF un rapport pour améliorer encore la pertinence de la Commission des sanctions, réalisé par un groupe de travail auquel participaient notamment Jacques Delmas-Marsalet, Philippe Adhémar et Jean-Pierre Hellebuyck, membres du collège de l’AMF, et Hubert Gasztowtt, de la direction du Trésor. Sous le titre ésotérique de « Rapport sur le prononcé, l’exécution de la sanction et le post-sentenciel », ce document présenté en exclusivité au colloque du 4 octobre 2013 vise à affiner les critères de sanction, par voie législative. « Entre 1 euro et 100 millions d’euros de sanction, il y a de la marge », justifie Claude Nocquet.

Lutter contre la récidive
L’idée est de calibrer les sanctions avec une grille de critères, précisés par la loi, qui prendraient notamment en compte l’objet et la gravité du manquement, l’importance des gains ou avantages retirés et la capacité contributive des contrevenants. Surtout, la Commission des sanctions voudrait pouvoir tenir compte « des circonstances atténuantes, par exemple si les mis en cause ont déjà mis en œuvre des mesures pour réparer les conséquences du manquement ; et des circonstances aggravantes, car les peines prononcées dans les cinq années précédentes doivent être un facteur aggravant », esquisse Claude Nocquet. Les mêmes références seraient retenues pour l’anonymisation ou non des décisions. Les sanctions seraient d’abord publiées avec les noms des mis en cause pour une période « probatoire » de cinq ans, au terme des quels leur nom serait effacé. A l’inverse, « en cas de nouveau manquement dans les cinq ans, les noms devront rester publiés dans les décisions et les mis en cause n’auront pas de droit à l’oubli par l’effacement de leur nom sur les décisions publiées ». Pour la présidente de la Commission des sanctions, ces mesures s’articulent autour d’un axe : « lutter contre la récidive ».

Claude Nocquet souhaite que ce rapport, actuellement entre les mains du président de l’AMF, Gérard Rameix, soit transmis au Parlement. Il faut dire que ce groupe de travail constitué d’experts en droit boursier a tout prévu pour faciliter la tâche des législateurs : toutes ses propositions sont soigneusement consignées dans des modifications ou ajouts d’articles au Code monétaire et financier, quasi « prêt-à-voter ». Déontofi vous informera des suites de ce projet prometteur.

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