Même si la plupart des arnaques aux placements sont totalement bidon, c’est-à-dire qu’il n’y a aucun placement derrière, les thèmes bidons mis en avant dans les escroqueries déterminent les champs de compétence des autorités en ayant la charge. Ainsi, les arnaques aux faux placements financiers relèvent de l’autorité des marchés financiers, tandis que les arnaques aux faux livrets et faux crédits relèvent du gendarme des banques et des assurances, l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution (ACPR).
« Côté ACPR nous observons un bassin large des cibles d’arnaques incluant les investisseurs en quête de rendements élevés, et des candidats emprunteurs en quête de taux plus bas que ce que les banques leur proposent », explique ainsi le premier secrétaire général adjoint de l’ACPR, monsieur Patrick Montagner, au cours de la conférence commune des autorités contre les arnaques, à laquelle participait Deontofi.com le 13/12/2021..
Les escrocs utilisent un vocabulaire qui met en confiance, puisque les produits proposés dans le secteur qui nous concerne sont des produits dont le nom est connu, poursuit Patrick Montagner. On vous propose un crédit, rien qui puisse a priori attirer votre attention, ou alors un livret. Les Français étant très familiarisés avec les livrets, notamment le Livret A, c’est quelque chose qui endort leur méfiance.
Dans les dossiers, on voit que les victimes de faux crédits frauduleux ont entre 40 et 75 ans et appartiennent à toutes les catégories sociales. Il ne faut pas penser qu’on est immunisé parce qu’on est plus aisé.
On voit aussi une très forte augmentation des sites clones. Les escrocs multiplient maintenant les sites clones. On a observé qu’un site d’arnaque pouvait avoir entre 50 et 70 sites clones, dont les escrocs changeaient seulement le nom, ou les couleurs de la mise en page, mais qui étaient strictement les mêmes, pour noyer ou déjouer les inscriptions sur liste noire.
Les escrocs s’adaptent aussi aux attentes des cibles, en proposant des rendements moins extravagants, de l’ordre de 3 à 5%, ce qui est moins suspect pour mettre les prospects en confiance mais suffisant pour attirer les curieux.
Les victimes des livrets d’épargne sont des gens qui veulent à la fois des placements sûrs mais rémunérateurs, avec liquidité, aucun risque et beaucoup plus de rendement que ce qu’ils obtiennent aujourd’hui avec le Livret A.
Or, on voit aussi que les escrocs se sont adaptés, ils ne promettent plus des rendements extraordinairement élevés, mais même des rendements de 3 à 5% suffisent à intéresser et allécher les potentielles victimes.
Ces taux ne sont plus aussi ahurissants que ce qu’ils proposaient, mais restent néanmoins très élevés par rapport à ce qu’on constate des rendements dans l’économie réelle, mais cela suffit à endormir la méfiance des victimes.
Les pertes subies par les victimes d’escroqueries aux livrets observées par l’ACPR atteignent 72 000 euros, avec un record de 600 000 euros pour une victime. C’est l’épargne d’une vie qui disparaît.
Les pertes moyennes s’élèvent à 12 000 euros avec un record à 84 000 euros pour les victimes d’arnaques aux faux crédits.
Dans les crédits on observe l’utilisation de termes comme le crowdfunding ou le crowdlending, qui sont des dispositifs réglementés existants, mais dont les escrocs ne respectent aucune règle. Ils promettent de meilleurs rendements pour les épargnants ou des taux plus bas pour les emprunteurs en se présentant comme intermédiaires entre les deux, ce qu’on appelle le financement participatif. Mais ils n’en respectent pas les règles et partent avec l’argent.
Une spécificité des escrocs pour attirer les clients consiste à dénoncer les banques et les autres escrocs, en disant « mais avec nous vous pouvez avoir confiance ».
Quand vous lisez un article sur un média, vous avez des bannières publicitaires promettant des rendements à 4,99% qui ont tous les attributs d’arnaques. Dieu sait qu’on en a détecté en lisant la presse du matin, quand on regarde derrière on sait que c’est une escroquerie et je les partage avec mes collègues.
Avec ma lecture du matin, quand je lis les sites de presse, je vois des bannières publicitaires promettant des rendements à 4,99% qui ont tous les attributs d’arnaques.
Comment se faire arnaquer avec un faux crédit ?
Se faire escroquer quand on a de l’argent à placer, cela paraît concevable. Mais comment se faire voler de l’argent qu’on n’a pas, quand on cherche plutôt à en emprunter ? Cela peut sembler impossible à premier abord, et c’est pourtant ce qui arrive à de nombreuses victimes.
L’imagination des escrocs est sans limite. Il y a d’abord la petite arnaque à cent balles, celle où l’on vous demandera des frais de dossier, ou n’importe quelle commission pour rien, et que vous ne reverrez pas.
Mais il y a des arnaques au crédit bien plus importantes et sophistiquées.
Le comble de l’arnaque au crédit consiste pour les escrocs à se présenter comme intermédiaires en crédit, par exemple en proposant un regroupement de crédits à des personnes endettées, afin d’obtenir des victimes toutes les informations nécessaires pour contracter un crédit, en leur nom…
Les escrocs peuvent ensuite souscrire le crédit au nom de leur victime, par usurpation d’identité, avant de disparaître avec l’argent.
Les victimes qui espéraient bénéficier d’une bouffée d’oxygène en renégociant leurs crédits, se retrouvent alors doublement surendettés, par des crédits dont ils n’ont pas vu la couleur et dont les établissements abusés réclament le remboursement. Tragique.
43 millions d’euros de prêts conso avec usurpation d’identité en 3 ans
Il y a eu 43 millions d’euros détournés à travers 2038 fraudes identifiées en trois ans, sachant qu’une même fraude peut concerner plusieurs victimes, selon l’ASF (ndlr l’Association des Sociétés Financières, qui rassemble principalement les établissements spécialisés dans le crédit à la consommation les plus concernés par ce type de fraudes).
20% des victimes ne savent pas avec quel placement on les a volées
Faux livrets, faux fonds d’investissements, fausses chambres en maisons de retraite (Ehpad) ou fausses places de parking. Comme Deontofi.com l’avait expliqué en démontant une arnaque parmi d’autres il y a quelques années, les escrocs n’hésitent pas à exhiber des catalogues de tout et n’importe quoi pour attirer leurs proies, incluant aussi bien de faux « vrais placements », comme l’assurance-vie ou les SCPI, que de vrais « faux placements » (plantations de canabis ou crypto-shit). Résultat, une fois que les épargnants se sont fait voler leur argent par une de ces officines, 20% des plumés ont bien du mal à savoir sur quoi portait réellement l’arnaque dont ils ont été victimes.
Publicités trompeuses autorégulées
Il faut faire preuve de beaucoup de patience et d’abnégation pour tenter d’inciter le monde de la publicité à ne plus mentir, tant l’illusion du merveilleux semble ancrée dans son ADN. Avec l’avalanche de publicités pour des escroqueries qu’on croise sur son écran à longueur de journée, on pourrait croire qu’il suffirait de les interdire, ou de sanctionner leurs diffuseurs pour les responsabiliser. Rien de tout cela ne semble possible dans nos Etats de droit, où le droit au mensonge et à l’embrouille semble érigé en règle d’or du capitalisme d’image.
La publicité semble donc échapper à tout contrôle, ou presque. Il faut faire avec.
Sur la question de la publicité, nous avons une collaboration forte avec l’ARPP, explique Claire Castanet, directrice des relations avec les épargnants à l’AMF.
L’ARPP est l’Autorité de régulation des professionnels de la publicité. (C’est de l’autorégulation, précise Robert Ophèle dans une discrète exclamation).
Dans leurs recommandations, il y a des mises à jour régulières en fonction des règles qui évoluent chez nous et qui permettent de mieux protéger les épargnants. A ce titre nous avons des collaborations très étroites, notamment une à deux fois par an des opérations de sensibilisation de leurs membres, qui sont des annonceurs, diffuseurs ou concepteurs de publicité, sur des sujets un peu pointus.
C’est vrai que nos sujets sont assez pointus, et ça nous permet de leur donner de façon plus pratique un moyen de détecter des publicités sur des produits risqués ou illicites, et d’autre part nous avons des contacts réguliers avec leur direction juridique qui apporte un conseil à ses membres pour répondre à des questions précises sur ces sujets.
On attend des progrès. Car jusqu’ici, l’efficacité de l’autorégulation de la publicité relève davantage de la publicité que de la régulation.
Pour en savoir plus:
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