Mon père a effectué plusieurs versements et retraits sur des contrats d’assurance vie après 70 ans, quelles seraient donc les conséquences en matière successorale de ces opérations compte tenu du procédé entériné par le Conseil Constitutionnel concernant la taxation de ces contrats ?

Retrouvez la vidéo de l’interview dans l’émission Intégrale Placements du 24/10/2017 sur BFM Business TV ici.

La réponse de Deontofi.com

Il faut rappeler le contexte, l’Article 757b du Code général des impôts, le fameux CGI. Selon cet article, l’exonération de droits de succession est la règle générale pour l’assurance vie avec de plus en plus d’exceptions.

I. Les sommes, rentes ou valeurs quelconques dues directement ou indirectement par un assureur, à raison du décès de l’assuré, donnent ouverture aux droits de mutation par décès suivant le degré de parenté existant entre le bénéficiaire à titre gratuit et l’assuré à concurrence de la fraction des primes versées après l’âge de soixante-dix ans qui excède 30 500 €.

II. Lorsque plusieurs contrats sont conclus sur la tête d’un même assuré, il est tenu compte de l’ensemble des primes versées après le soixante-dixième anniversaire de l’assuré pour l’appréciation de la limite de 30 500 €.

En principe, si l’on place 30 500 euros sur une assurance vie après 70 ans, ce capital et l’ensemble des gains qu’il a générés sont exonérés de droits de succession en vertu de l’article 757 B du Code général des impôts (CGI), les versements dépassant le seuil de 30 500 euros étant soumis aux droits de succession. Mais en pratique, « tel qu’il est interprété par l’administration, en cas de rachat partiel d’un contrat comprenant des primes versées après 70 ans, la fraction des primes rachetées n’est pas déduite du montant des primes versées taxables aux droits de succession » explique Maître Marc Bornhauser, président de l’Institut des avocats-conseils fiscaux (IACF). En clair, Le fisc réclame parfois aux bénéficiaires d’une assurance vie des droits de succession sur des capitaux qu’ils n’ont jamais reçus, car ils avaient été retirés du contrat par le souscripteur avant sa mort, sans que le fisc en tienne compte.

Deontofi.com avait informé ses lecteurs de cette aberration, objet d’une question prioritaire de constitutionnalité (QPC) soulevée par le courtier en assurance vie François Nocaudie, sur l’injustice de cette interprétation surréaliste du fisc.

Indigné par cet abus fiscal, le courtier d’assurance vie François Nocaudie avait porté l’affaire en justice pour contester l’interprétation de Bercy au regard du principe d’égalité face à l’impôt, garanti par l’article 13 de la déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789. François Nocaudie est réputé pour sa perspicacité et ténacité. Après avoir découvert et révélé les détournements des fondateurs de l’assurance vie Afer, il avait fait rectifier il y quelques années une erreur d’interprétation dans le calcul des prélèvements sociaux défavorable aux 700 000 souscripteurs de ce contrat par ailleurs performant (2,65% de rendement en 2016). Après l’avis favorable de la Cour de cassation sur sa question prioritaire de constitutionnalité (QPC), on attendait le verdict du Conseil constitutionnel qui l’examinait à l’audience du 26 septembre. « Nous espérons que le Conseil sanctionnera enfin non le texte lui-même, mais l’interprétation qu’en fait l’administration », ajoutait Maître Bornhauser.

Le verdict est tombé le 3 octobre 2017, et le Conseil constitutionnel a tout simplement validé cette pratique avec des arguments hallucinants, comme le soulignait François Nocaudie en réaction à la «décision bien critiquable rendue  par le Conseil Constitutionnel le 3 octobre».

Vous aurez tout de suite remarqué le caractère paradoxal de l’argument de fond qu’a osé invoquer le Conseil Constitutionnel.

En effet, on voit mal comment retirer de l’argent d’un contrat en fin de vie pourrait avoir pour objectif de permettre à ses bénéficiaires de profiter du régime successoral dérogatoire de l’assurance-vie. En effet, ces retraits  ont justement pour conséquence de replacer  les sommes correspondantes  dans le périmètre du droit commun en matière successorale.

Résultat: Attention aux versements en assurance vie après 70 ans ! Ceux qui veulent effectivement profiter de cette possibilité de transmission exonérer ne doivent faire aucun retrait sur leur contrat souscrit après 70 ans, et il est fortement déconseillé d’effectuer des versements après 70 ans sur un contrat ouvert avant.

Mieux vaut ouvrir un nouveau contrat spécialement après 70 ans, et même plusieurs, pour pouvoir les fermer les uns après les autres, mais ne jamais faire de retraits partiels sur ces versements après 70 ans.

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8 commentaires

  1. Dana, le

    Bonjour

    Merci pour toutes ces explications.

    Je m’interroge si l’action en justice contre l’administration fiscale à ce sujet prévue par de Monsieur François Nocaudie n’a pas apporté un commencement d’une correction dans les faits, mais sans les annoncer officiellement dans les lois?

    J’ai découvert par hasard la nouvelle notice 2705A-NOT de janvier 2021 pour la Déclaration partielle de succession-assurance vie…, n°2705A (à effectuer par les bénéficiaires). L’ancienne notice c’était pas très précise, et les assurances suivaient les consignes des textes des lois. La nouvelle notice de 2021 explique en détail ce qu’il faut mettre dans la colonne qui va servir de l’assiette aux droits de succession (colonne 4):

    « …les sommes… HORS INTERETS… à verser aux bénéficiaires… se rapportant uniquement aux primes… après 70ans… ».

    De ce fait les intérêts ne devraient pas être soumis aux droits de succession même dans le cas des rachats partiels.

    Mais il n’y a pas les mêmes précisions sur le formulaire n°2739: Déclaration pour cause de décès des contrats d’assurance, datant de l’année 2015, (qui est à transmettre aux impôts par les assurances). Comment est-ce interprété?
    Existe-t-il un formulaire n°2739 plus récent ou un autre le remplaçant plus détaillé?

    Car j’ai un soucis avec mon assurance, qui interprète la nouvelle notice n°2705A-NOT d’une façon absurde. Elle ne tient pas compte du terme HORS INTERETS et a pré-rempli le formulaire 2705A (que je dois transmettre aux impôts) avec le montant comprenant les intérêts.

    Je vous serais reconnaissante pour toute information à ce sujet, si vous avez connaissance de l’évolution des lois, la mise en jour du formulaire n°2739 ou de sa notice…
    Merci d’avance.
    Dana

    Texte intégral de la notice 2705A-NOT (01.2021) concernant la colonne 4:
    Colonne 4. Le montant du capital à verser au titre des primes versées après le 70e anniversaire. Cette colonne concerne les contrats d’assurance-vie hors plans d’épargne retraite mentionnés à l’article L. 224-1 du CMF. Il s’agit du montant des sommes, rentes ou valeurs (hors intérêts mais tenant compte des plus ou moins-values éventuelles) à verser aux bénéficiaires par l’organisme d’assurance se rapportant uniquement aux primes versées par l’assuré après son 70e anniversaire.

  2. Dominique MENARD, le

    Merci pour votre article.
    « Ne faire aucun retrait sur contrat souscrit après 70 ans » et « Déconseillé d’effectuer des versements après 70 ans sur un contrat ouvert avant ».
    Est-ce à dire qu’il est préférable, pour une personne âgée de plus de 70 ans, de faire un retrait partiel, si nécessaire, sur son 1er contrat souscrit avant 70 ans et effectuer des versements sur son contrat ouvert après 70 ans ?

    • Gilles Pouzin, le

      Choisir les contrats sur lesquels on souhaite retirer de l’argent en priorité est un exercice subtile. Cela dépend de leur fiscalité, et des gains accumulés, mais aussi du type de gains (fonds euros ou UC) et de la rentabilité et des frais de chaque contrat. Par exemple on a souvent intérêt à faire des retraits sur les vieux contrats des réseaux bancaires s’ils sont essentiellement placés sur leurs fonds en euros dont les rendements sont devenus indigents.
      Sur le plan fiscal, les gains des fonds en euros sont taxés au fil de l’eau depuis des années, si bien qu’il y a peu ou pas de prélèvements sociaux à prévoir en puisant sur le fonds en euros. En revanche la partie des gains retirés dans l’année est taxée au-delà d’un abattement de 4600 euros par an (9200 pour un couple), à l’impôt sur le revenu ou la taxe forfaitaire de 7,5%. On peut en tenir compte pour calibrer ses retraits afin d’optimiser sa fiscalité.
      Dans d’autres cas, on peut avoir intérêt à faire ses retraits sur des contrats plus récents, cela peut être aussi l’occasion de rééquilibrer leur répartition entre fonds en euros et unités de compte, par exemple.
      Concernant les versements après 70 ans, il est conseillé de les limiter pour chaque contrat aux 30 500 euros de capitaux versés exonérés de droits de succession, quitte à ouvrir plusieurs contrats et n’effectuer de retrait que sur ceux ayant accumulé le moins de gains.

    • Gilles Pouzin, le

      Si le contrat a plus de huit ans a priori la fiscalité sur les 700 euros de gains retirés lors d’un rachat total ne subiront que les prélèvements sociaux au dernier taux en vigueur (17,2%) si l’ensemble des gains retirés de contrats d’assurance-vie ne dépassent pas 9200 euros par an pour un couple marié (4600 euros pour un célibataire), sinon il faut rajouter 7,5% de taxes sur les gains retirés au-delà de ces seuils.

  3. marie, le

    bonjour,
    un conseiller en gestion de patrimoine qui conseille et contribue même en faisant l’avance du rachat en cours pour la souscription d’un nouveau contrat commet il un faute de conseil et d’informations ?
    cdlt

    • Gilles Pouzin, le

      Un conseiller en gestion de patrimoine n’est pas habilité à prêter de l’argent, sinon par l’intermédiaire d’une banque ou un établissement de crédit dans le cadre d’un mandat d’IOBSP. Cette irrégularité peut s’ajouter ou caractériser la faute de conseil évoquée.

  4. PIERRE, le

    je voudrais connaitre les incidences fiscales / successorales sur les opérations suivantes =
    en 2014 souscription d’un contrat à revenus différés de 141 400€
    en 2016 rachat pour 71 400€
    reste donc 70 000€ + 10000€ de revenus
    quelle serait l’incidence fiscale en cas de succession ?
    cdlt

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