« La fonction première de notre Commission est, comme son nom l’indique, de prononcer – ou non – des sanctions et de rappeler, au travers de ses décisions, l’exact contenu des règles à respecter : autant dire que nous avons une double mission, répressive et pédagogique » a rappelé la présidente de la Commission des sanctions de l’AMF, madame Claude Nocquet, lors de son discours d’introduction du 5ème colloque de cette commission, le 4 octobre 2012.
Mission répressive : Du 1er octobre 2011 au 30 septembre 2012, 30 dossiers ont été examinés, alors que l’année précédente, 24 procédures seulement avaient été jugées. Ces 30 affaires se répartissent entre 6 transactions amiables, dîtes « accords de composition administrative » et 24 notifications de griefs. « Des décisions ont déjà été rendues dans 20 des 24 dossiers, lesquelles concernent 54 mis en cause, dont 26 personnes physiques et 28 personnes morales » précise la présidente. « Par rapport à la même période de l’année précédente, le pourcentage des personnes sanctionnées est passé de 58% à 72%, le montant global des amendes a évolué de 8,1 à 19,9 millions d’euros et le nombre des sanctions disciplinaires a doublé » ajoute-t-elle. Pourquoi cette sévérité ? « Nous avons connu, au cours des douze derniers mois, des affaires particulièrement graves, liées à une crise financière qui a généré tous les abus en même temps qu’elle a fait perdre leurs repères à de nombreux professionnels » explique-t-elle.
Mission pédagogique : La publication des décisions de la Commission des sanctions sur le site internet de l’AMF (www.amf-france.org), sous la rubrique sanctions, doit contribuer à éviter de nouvelles transgressions. C’est la pédagogie par l’exemple.
Les changements : Deux changements majeurs sont à noter suite à la loi de régulation bancaire et financière de 2010 et son décret de 2011. D’abord, l’apparition de transactions entre l’AMF et la société incriminée qui portent uniquement sur des manquements aux règles de bonne conduite. « Les transactions sont payées au Trésor. Ce n’est donc pas une sanction mais un paiement » souligne la médiatrice de l’AMF, Marielle Cohen-Branche (lien pour contacter le médiateur de l’AMF)
Ensuite, le droit de recours de l’AMF si les décisions de la Commission des sanctions ne suivent pas son réquisitoire. Le président de l’AMF a déjà fait appel contre trois décisions de la Commission des sanctions, notamment dans l’affaire Doubl’ô, où le doublement du capital annoncé n’a pas eu lieu. Ce dernier recours devrait déterminer « si le délai de prescription de trois ans à l’issue duquel les poursuites ne sont plus possibles démarre dès la fin de la commercialisation du produit ou seulement lorsque les épargnants ont pu prendre conscience d’avoir été trompés » détaille madame Nocquet.
Le colloque de la Commission des sanctions s’est aussi penché sur « Le rôle de la Commission des sanctions de l’AMF dans la protection des investisseurs », thème d’une table ronde animée par France Drummond, professeure à l’Université Panthéon-Assas et membre de la Commission des sanctions. Sur ce point, Guillaume Prache, vice-président de la Fédération des Associations Indépendantes de Défense des Epargnants pour la Retraite (www.faider.org), estime que l’AMF ne veille pas assez à la protection des épargnants. Il relève que la Commission des sanctions a jugé « très peu de dossiers sur la commercialisation » entre 2003 et 2011 comme l’atteste les jurisprudences (voir article suivant). Il n’empêche que du coté des banques et des avocats, l’indemnisation aux victimes sortirait du cadre de l’AMF. « La sanction et la punition, c’est le rôle de l’AMF » affirme pourtant Guillaume Prache.
La réparation des dommages pour l’épargnant relève-t-elle du médiateur ou du juge civil ? Si on se réfère au code monétaire et financier, cela ne pourrait être que le médiateur pour l’AMF. Mais comme il n’a pas de pouvoir, c’est le code civil et les tribunaux qui jugent pour le plaignant-épargnant. « Il y a énormément de plaignants qui viennent avec la décision de la Commission des sanctions » observe maître Martine Samuelian, avocat associée du cabinet Jeantet et associés (www.jeantet.fr), « mais une faute réglementaire n’est pas automatiquement une faute civile. Pour une faute civile, il faut une faute, un préjudice et une causalité ». L’AMF n’est pas un tribunal. « Un tiers du travail est fait par l’AMF qui qualifie la faute » explique sa médiatrice « mais il reste le préjudice et la causalité ».
La Commission des sanctions pourrait-elle coopérer avec le juge civil ? « Oui, par voie de requête » répond l’avocate tout en s’y opposant « Je trouve qu’on oblige les PSI à tout transmettre à l’AMF. Ils le font parce que le secret professionnel ne peut lui être opposé. S’ils savaient que le dossier peut partir au civil, ce serait une atteinte au secret professionnel. Je suis contre ». Ce dernier point fait réagir le représentant des associations de consommateurs pour qui « Le secret professionnel ne peut être invoqué au mépris des épargnants ».
Les procès groupés en actions collectives pourraient-elle améliorer la protection des épargnants ? « Actuellement, il n’y a pas de mécanisme de réparation collective en France. Pour citer un exemple, sur 480 000 victimes du CREF à l’association, en dix ans, on n’a pu traiter que 7 000 cas » rappelle Guillaume Prache. « Dans l’affaire Bénéfic, il y n’y a eu que 96 réparations » souligne France Drummond en ajoutant « Il faut faire quelque chose ».