Un malentendu fondamental entoure parfois la ligne éditoriale de Deontofi.com. En lisant nos décryptages de pratiques financières malhonnêtes, certains nous imaginent ou nous caricaturent en ennemis de la finance. Ceux qui nous connaissent savent pourtant que Deontofi.com n’est pas « contre » la finance. Deontofi.com ne fait pas de politique, ni d’idéologie, mais du journalisme. Notre ambition est d’apporter à tous nos lecteurs des informations et analyses essentielles à titre personnel, pour gérer leur argent en évitant les pièges, et à titre professionnel pour comprendre les coulisses de la finance et leurs enjeux, car la déontologie financière est la clé de la confiance, qui est vitale pour l’économie.
Ceux qui ont connu le monde d’avant la victoire mondiale du capitalisme sur le communisme, se souviennent sûrement de ses dérives, ses injustices et son inhumanité. Il est néanmoins navrant, de voir les espoirs de ce monde « libre » anéantis par la corruption des économies démocratiques.
Le capitalisme est le pire des systèmes mais il n’y en a pas de meilleur, aurait pu dire Winston Churchill quand il évoquait la démocratie. La prudence historique pousse à partager cette opinion. Mais la captation du pouvoir et des richesses au service d’une ultra-minorité, en accroissant les inégalités et la pauvreté, génère autant de ravages. L’insécurité économique attise l’exaspération, l’exclusion sociale est le terreau du terrorisme et des dictatures arbitraires, comme l’Europe et l’Asie en ont connu au XXème siècle, et comme on en voit prospérer au Moyen-Orient. En tyrannisant des nations dont elles confisquent les révolutions, ces dictatures étendent leur ombre macabre en terrorisant l’Occident, des attentats du World Trade Center à ceux du Bataclan, même si d’autres enjeux géopolitiques sont aussi à l’œuvre.
On s’éloigne un peu de la finance, mais pas tellement, car elle est partout. La finance n’est pas un être animé, c’est un ensemble d’activités nécessaires au fonctionnement de toute vie en société à grande échelle.
Être pour ou contre la finance n’a pas plus de sens que d’être pour ou contre le système sanguin, car la banque et les marchés sont le système sanguin de l’économie, vital à la circulation de l’argent, indispensable à la vie économique moderne, comme je l’ai théorisé dans un module de formation que je propose ici et là.
Malheureusement, la finance est exposée, comme le système sanguin, à toutes sortes de dérèglements et maladies, hypertension, arythmie, phlébites, embolies, accidents vasculaires cérébraux (AVC), crises cardiaques, cancers ou leucémies, j’en passe et des pires.
Des virus, globules dérangés ou autres poisons pernicieux peuvent contaminer le sang comme les tricheries et la malhonnêteté polluent la finance.
Fort heureusement, la finance, comme le système sanguin, compte plus d’éléments sains que d’empoisonneurs, même si la nocivité de ces derniers peut anéantir une bonne partie de la contribution des premiers à la bonne santé de l’économie et au bien-être de ses acteurs, travailleurs, épargnants, investisseurs, consommateurs et citoyens.
Depuis trente ans, j’ai rencontré des milliers d’acteurs de la finance, établi des relations durables avec des centaines d’entre eux. Au fil de mes enquêtes, dossiers et interviews, beaucoup m’ont appris des choses passionnantes qui m’ont aidées, et j’espère aussi les lecteurs de mes articles, à mieux comprendre le fonctionnement économique du monde, les rouages et coulisses de la finance. Accessoirement, leurs enseignements m’ont aussi appris à bien gérer mon argent, ce qui n’est pas le moindre atout, quand on voit les tracas, déceptions et difficultés auxquelles sont exposés tant d’épargnants-consommateurs.
Parmi tous ces experts passionnants, j’ai gardé de nombreux amis d’une grande valeur morale, pour lesquels j’ai beaucoup d’admiration et avec qui nous partageons un respect mutuel et réconfortant, comme en cultivent les personnes se reconnaissant des qualités réciproques. Et de par le monde comme en France, il existe une foultitude d’autres professionnels de la finance soucieux de l’intérêt de leurs clients comme du bien commun, que je n’ai pas eu l’occasion de rencontrer.
Tous les professionnels des industries financières et bancaires ne sont pas responsables des plaies et dérives de la finance. Beaucoup les désapprouvent ou en sont victimes, comme ces banquiers, gérants ou conseillers financiers de mes connaissances se plaignant de la concurrence déloyale de margoulins aux méthodes sans scrupules.
C’est encore le cas des armées de salariés à qui on fait jouer la comédie du contrôle de conformité des institutions financières, aux ordres de leurs employeurs pour les inciter à respecter les règlementations. Mon œil ! (et je suis poli;-). Investis d’une noble mission, les préposés au contrôle et à la conformité les plus consciencieux et intègres en découvrent vite les limites. Quand ils refusent de couvrir des irrégularités ou pratiques douteuses grâce auxquelles leur société s’enrichit malhonnêtement, ces préposés à la conformité sont presque toujours brimés, déclassés, harcelés ou virés, au minimum.
Énormément de professionnels de la finance se retrouvent ainsi à la fois victimes et complices malgré eux de pratiques malhonnêtes qu’ils réprouvent, comme les nombreux salariés de banques, sociétés de gestion ou d’assurance, poussés à enfreindre les règlementations au détriment de l’éthique, des intérêts de leurs clients et du bien commun.
Cependant, les éléments les plus malsains contaminent de plus en plus le système financier. Fragilisé par ses maladies endémiques et crises successives, il ne produit plus assez d’anticorps pour lutter contre les fraudes qui le rongent comme un cancer. Les autorités sont dépassées par l’explosion des fraudes, facilitées par la mondialisation des circuits financiers anonymes, l’accélération exponentielle des transactions, et l’impunité des magouilles internationales.
Qu’ils exercent une activité opérationnelle, de contrôle interne ou au sein d’une autorité de supervision, les professionnels de la finance témoins de pratiques malhonnêtes ne sont pas incités à les dénoncer. Au contraire.
Les lanceurs d’alerte, whisttleblowers (littéralement souffleurs de sifflets en anglais, en référence aux arbitres sportifs), ou crieurs d’alarme (comme on dit au Canada francophone), sont systématiquement pourchassés, isolés et victimes de représailles inouïes quand ils dénoncent les fraudes dont ils sont témoins.
En France, où la mémoire collective expie encore les lâchetés abjectes et honteuses de l’occupation, la dénonciation des fraudes est facilement caricaturée pour culpabiliser ou dénigrer les lanceurs d’alerte. Alors qu’en vérité, les dénonciateurs de fraudes sont les nouveaux résistants, quand les complices d’exactions financières et de leur omerta se comparent mieux aux collabos, souvent sans s’en rendre compte, ce qui est bien le pire.
Les activités financières fonctionnent selon un modèle culturel féodal, ou mafieux, avec ses seigneurs et vassaux, selon des codes d’allégeance, de récompenses ou de châtiments, basés sur la loyauté aux chefs (employeurs, supérieurs, maîtres et entremetteurs…) les plus riches et puissants, plutôt qu’au respect des règles censées gouverner leurs activités. Imaginez ce que cela donnerait dans un aéroport ou un hôpital ! Heureusement qu’il ne s’agit « que » d’argent, entend-on parfois. Mais ce serait oublier qu’il y a souvent derrière cet argent des enjeux tout aussi importants.
Dans la finance, le crime paie de mieux en mieux. Non seulement la tricherie est impunie, mais elle est même récompensée, tandis que sa dénonciation est bâillonnée, voire de plus en plus éradiquée. Les voyous en cols blancs, qui gagnent en trichant, obtiennent des promotions, tandis que les dénonciateurs de leurs fraudes sont menacés d’exclusion, de déchéance sociale, voire de finir en prison.
La parole est de moins en moins libre. Même quand leurs crimes sont avérés, voire sanctionnés, les voleurs et tricheurs en cols blancs se rachètent une virginité en effaçant les traces publiques de leurs turpitudes, à grand renfort de communication, de pressions, de procès abusifs et autres manœuvres judiciaires, voire tout simplement grâce à l’anonymisation immédiate ou différée de leurs condamnations.
La finance étant paradoxalement bâtie sur la confiance, les tricheries seraient beaucoup moins rentables pour leurs auteurs si leur publicité en pénalisait le fonds de commerce. Payer des amendes est beaucoup moins gênant pour les bandits en cols blancs (quand ils les payent !), que de traîner des casseroles ruinant la confiance que des confrères ou prospects leur accordent par ignorance, ou volonté de fermer les yeux.
La presse est un des derniers remparts contre l’omerta et l’anonymat entourant les fraudes, et facilitant leur récidive. Mais jusqu’à quand ? Avec la crise du secteur, le dépeuplement des rédactions, les pressions des annonceurs, la censure des actionnaires, beaucoup de lecteurs finissent par douter de la capacité des médias à les informer sans tabou sur les tricheries de la finance. En créant Deontofi.com, le site de la déontologie financière, notre première motivation était de combler cette lacune, en renouant avec les principes fondamentaux d’un journalisme indépendant de qualité.
Offrir aux lecteurs, professionnels de la finance, épargnants-consommateurs, décideurs politiques, juristes, syndicalistes et relais d’opinion ou citoyens de tous horizons, un espace d’information abordant ces sujets sans tabou, pour aider tous les publics à comprendre les dérives contestables et les progrès souhaitables à travers des faits réels, sans anonymat.
Si la ligne éditoriale de Deontofi.com conduit à exposer des faits précis et à expliquer en détail la malignité de leurs auteurs, ce n’est pas pour le plaisir d’étaler des casseroles ou d’humilier la fierté d’individus arborant leur honnêteté frelatée, c’est parce que ces informations trop rares sur les dérives de la finance sont de salubrité pour le débat public et la démocratie.
Le public a le droit de savoir, et les professionnels eux-mêmes doivent pouvoir bénéficier de cet espace de liberté qu’est Deontofi.com, pour y lire ou y faciliter la publication d’informations qu’ils n’ont pas la liberté de communiquer librement, et dont le seul alibi de confidentialité vise à protéger les fraudeurs.
Non mes amis, Deontofi.com n’est pas l’ennemi de la finance. Au contraire, ce site a l’ambition de redonner du sens à la finance, en aidant les professionnels honnêtes à se libérer des mauvaises pratiques et de l’omerta imposées par les tricheurs qui les dominent.
Pour persévérer, quand l’ampleur de cette tâche semble toujours plus grande, nos destins sont liés. Deontofi.com a besoin de vous, du soutien et de la confiance de tous ses lecteurs, et des professionnels de la finance en particulier. De votre côté, vous avez besoin d’un média indépendant, capable de voir et commenter les dérives inacceptables polluant l’image et le travail des gens honnêtes. A l’aube de cette nouvelle année 2016, mon vœux est que nous puissions y travailler davantage ensemble.
Merci de votre confiance et de votre attention,
Gilles Pouzin
Post-scriptum: Pour ne pas alourdir cet article et préserver sa portée générale au-delà des soubresauts de l’actualité, les faits précis, réglementations ou noms propres auxquels il fait référence ne sont volontairement pas cités, alors que chaque thème abordé est étayé par des cas réels et concrets.
Pour les lecteurs souhaitant aller plus loin, Deontofi.com proposera bientôt des formules d’abonnement enrichies avec des services permettant aux professionnels et décideurs d’accéder à des informations complémentaires et analyses approfondies. En avant première, une version hypertexte de cet article, permettant de retrouver facilement les nombreuses références évoquées, est disponible sur demande (utilisez notre formulaire de contact privé en précisant dans le sujet « abonnement d’essai »).
Bonjour,
Il est remarquable de constater à quel point les problèmes de dysfonctionnements financiers, l’omerta et la corruption d’institutions en rapport, avec l’étrange silence de la presse à ce sujet, presse généralement liée à certains pouvoirs d’influence, sont assez semblables à ceux qui se retrouvent en matière judiciaire, aux variantes institutionnelles et fonctionnelles près.
S’y retrouvent en particulier les mêmes allégeances officieuses à divers pouvoirs illégitimes, un contrôle fonctionnel dévoyé au bénéfice des plus corrompus, la main de la Chancellerie dans les décisions de justice, le soutien de magistrats envers certains délinquants en col blancs, la participation des instances judiciaires supérieures (Cassation, C.S.M…) à la couverture de malversations, etc. D’ailleurs, avez-vous vu un magistrat sanctionné pour ses manquements graves et délibérés à ses obligations professionnelles, flagrants en ce cas ? Imaginez semblables comportements dans l’industrie, où le zéro défaut est la règle !
Le parallèle devient encore plus évident si l’on constate que ce trafic d’influence étendu parvient à agir sur des organes administratifs secondaires, comme la C.A.D.A., la Répression des fraudes ou la C.N.I.L., afin que rien ne soit justifié et rendu public. Ce que révèlent certaines demandes formulées en toute connaissance de cause…
Le notariat participe également à ces dysfonctionnements, à son grand profit, moyennant l’appui de la Chancellerie. Donc, les nombreuses questions parlementaires visant ses errements se sont vus présenter une fin de non-recevoir ; protection mafieuse oblige ! Un ouvrage récent fait aussi le point sur le fort enrichissement de ce notariat durant l’Occupation ; fortunes mal acquises jamais restituées.
Dans ces conditions, une procédure judiciaire ne peut parvenir à remettre en question toute pratique hors-la-loi profitant à une caste protégée, cette dite justice y veille ! Sur quoi, la presse étouffe l’information correspondante et les délinquants jubilent et amassent.
Deux chiffres, pour finir d’éclairer : Le taux d’irrecevabilité des requêtes de justiciables, adressées au C.S.M. à l’encontre de magistrats défaillants ou envoyées à la C.E.D.H. en raison d’abus d’institutions judiciaires est d’environ 97 % à 98 %. Dans les deux cas, sans fondements juridiques pertinents. Autrement dit, le C.S.M. enfreint la loi n° 94-100 et l’Ordonnance de 1958 le concernant. Et la C.E.D.H. est l’institution qui enfreint le plus en Europe la Convention qui régit son activité, dont spécialement son article 6-1 !
Le saviez-vous ? Est-ce l’image que les médias et les informations officielles ou spécialisées vous délivrent de ces institutions ? Assurément non !
La ligne éditoriale me parait très claire, il suffit de lire les articles du site. C’est une ouverture rare et indispensable sur les pratiques vécues de la finance. Beaucoup de professionnels aimeraient voir arrêtées trop de mauvaises pratiques décriées à juste titre, mais sont dissuadés par l’exemple du sort dramatique de leurs collègues qui se sont risqués à essayer de les réformer et, sans succès, à les dénoncer. La France reste très en retard dans l’ensemble des pays développés démocratiques sur la protection réelle des lanceurs d’alerte. C’est certainement une des raisons de son très mauvais classement dans les mesures mondiales de la corruption. Les mauvaises pratiques sont entretenues par un ensemble réglementaire peu protecteur par exemple pour les responsables de la conformité, mais surtout d’une pratique judiciaire peu efficace et fastidieuse. La soit disant réforme des prudhommes de la loi Macron qui peut se résumer à la tentative de limiter les indemnités suite à un licenciement sans cause réelle et sérieuse est un exemple du cynisme pratiqué en la matière. Les autorités de contrôle elles-mêmes peu transparentes restent trop inféodées au pouvoir et lobbies et donc ont peu de crédibilité vis-à-vis du public. Enfin le modèle dominant de groupes financiers surdimensionnés intégrant banque de détail, banque d’investissement, assurance-vie et gestion pour compte de tiers offre une quantité d’opportunités de conflits d’intérêt et de positions oligopolistiques préjudiciables. Les victimes sont certainement épargnants/déposants, collectivités locales – on le voit avec les prêts toxiques – et clients en général, mais aussi les contribuables. Osons ajouter que parmi les victimes il faut aussi compter la grande majorité des salariés de la finance qui souffrent d’un environnement aussi délétère où incivilités et épuisement professionnel atteignent une rare intensité. Dans ce contexte sortir de l’omerta et s’engager pour que la finance retrouve sens au service de la société nécessite beaucoup d’efforts. Déontofi y contribue certainement. C’est donc avec beaucoup d’encouragements et de respect pour le travail accompli que j’adresse à Déontofi tous mes meilleurs vœux pour 2016.
Merci Gilles pour ce très beau plaidoyer sur la nécessité d’une dimension plus humaine de la finance.
Bonne année à Déontofi, qu’il fasse encore un peu plus d’adepte.
Emmanuel