Pendant l’été il vaut mieux garder un œil sur ses comptes et cartes bancaires, et bien lire ses relevés. En cas de fraude, il est parfois difficile de se faire rembourser, même si la loi est très claire sur ce point, car certaines banques respectent plus ou moins bien leurs obligations d’indemnisation des clients victimes de débits frauduleux. Une interview de Gilles Pouzin, journaliste fondateur de Deontofi.com, dans l’émission Ecorama, animée par David Jacquot sur Boursorama.com.
Cinq minutes pour comprendre :
Retrouvez ici l’interview TV sur ce thème dans l’émission Ecorama du 07/07/2015
1/- Les fraudes sur les cartes bancaires ne prennent pas de vacances, mais est-ce que beaucoup de clients en sont victimes ?
– Les fraudes sur cartes bancaires sont monnaie courante. C’est une nuisance regrettable, mais c’est un fait. Quels que soient les efforts des banques pour sécuriser les moyens de paiements qu’ils mettent à la disposition de leurs clients, ces derniers sont régulièrement victimes de débits frauduleux dont ils ne sont pas responsables. On ne connaît pas précisément le nombre de victimes de ces fraudes, mais vu le nombre d’anecdotes que chacun peut avoir entendu, il est fort probable qu’au moins un Français sur trois ou un français sur cinq ait été au moins une fois victimes de fraudes sur sa carte bancaire. D’ailleurs, ce n’est sans doute pas un hasard si les articles de conseils aux victimes de fraudes sur carte bancaire sont les plus consultés sur Deontofi.com. D’autant plus que les clients sont souvent déstabilisés par ces dysfonctionnements et leurs conséquences, car ils sont souvent mal informés par leur banque sur leurs droits et les démarches pour les dédommager de ces fraudes. En théorie, les banques doivent rembourser sans délai les débits frauduleux qui leurs sont déclarés, et rembourser également tous les frais prélevés en cas de découvert causé par ces fraudes.
2/- Donc il y a beaucoup de fraudes, mais les clients sont théoriquement bien protégés par la loi.
– Absolument. Comme Deontofi.com l’a déjà longuement expliqué (lire ici : Fraude sur carte bancaire : votre banque doit rembourser !), plusieurs articles du Code monétaire et financier protègent les consommateurs contre les conséquences des fraudes sur leur carte bancaire.
L’article L133-18 prévoit qu’en cas d’opération de paiement non autorisée signalée par l’utilisateur dans les conditions prévues à l’article L. 133-24, le prestataire de services de paiement du payeur rembourse immédiatement au payeur le montant de l’opération non autorisée et, le cas échéant, rétablit le compte débité dans l’état où il se serait trouvé si l’opération de paiement non autorisée n’avait pas eu lieu.
L’article L133-19 précise que la responsabilité du client n’est pas engagée en cas d’opération de paiement non autorisée effectuée sans utilisation du dispositif de sécurité personnalisé, c’est-à-dire du code secret de sa carte. Il ajoute que « La responsabilité du payeur n’est pas engagée si l’opération de paiement non autorisée a été effectuée en détournant, à l’insu du payeur, l’instrument de paiement ou les données qui lui sont liées.
Elle n’est pas engagée non plus en cas de contrefaçon de l’instrument de paiement si, au moment de l’opération de paiement non autorisée, le payeur était en possession de son instrument. »
L’article L133-23 prévoit encore que « Lorsqu’un utilisateur de services de paiement nie avoir autorisé une opération de paiement qui a été exécutée, ou affirme que l’opération de paiement n’a pas été exécutée correctement, il incombe à son prestataire de services de paiement de prouver que l’opération en question a été authentifiée, dûment enregistrée et comptabilisée et qu’elle n’a pas été affectée par une déficience technique ou autre.
L’utilisation de l’instrument de paiement telle qu’enregistrée par le prestataire de services de paiement ne suffit pas nécessairement en tant que telle à prouver que l’opération a été autorisée par le payeur ou que celui-ci n’a pas satisfait intentionnellement ou par négligence grave aux obligations lui incombant en la matière ».
Enfin l’article L133-24 rappelle que « L’utilisateur de services de paiement signale, sans tarder, à son prestataire de services de paiement une opération de paiement non autorisée ou mal exécutée et au plus tard dans les treize mois suivant la date de débit sous peine de forclusion à moins que le prestataire de services de paiement ne lui ait pas fourni ou n’ait pas mis à sa disposition les informations relatives à cette opération de paiement conformément au chapitre IV du titre 1er du livre III ».
3/- Avec ça, les clients devraient être bien remboursés en cas de fraude, non ?
– En théorie oui, car les banques doivent respecter et appliquer ces lois quand des clients leur signalent des fraudes sur leur carte bancaire, au besoin en utilisant le modèle de courrier type pour se faire rembourser en cas de fraude, que nous avons publié sur Deontofi.com pour aider les consommateurs. Mais en pratique, les banques ont plus ou moins de mal à admettre qu’elles doivent respecter ces lois, et que ces fraudes sont bien de leur responsabilité, et pas de celle des clients de bonne foi. Certaines traînent les pieds et d’autres refusent même ouvertement de ne pas applique ces lois tant qu’elles ne sont pas condamnées à le faire par un tribunal. Ce serait le cas par exemple au Crédit Mutuel Nord Europe, selon Maître Hélène Feron-Poloni, qui a dû engager plusieurs procès pour forcer le CMNE à rembourser des victimes de fraudes qu’il refusait d’indemniser, comme l’y oblige un jugement du tribunal d’instance de Senlis, du 20 mai 2015 (RG n° 11-14-000903).
4/- C’est un exemple de ce qui peut arriver à n’importe quel client de banque ?
– Tout à fait. Dans cette affaire, un couple de clients du CMNE avait été contacté par son agence au sujet d’un virement depuis un de ses comptes. Les clients avaient découvert à cette occasion plusieurs débits frauduleux, pour un total de 5391,54 euros, via un processus « e-retrait » utilisant le système Payweb prétendument sécurisé du CMNE. Malgré leur contestation et demande de remboursement de ces débits frauduleux, la banque n’a rien voulu entendre et leur a même facturé 353,88 euros de frais divers et variés liés à ce dysfonctionnement (découvert, courriers, etc.). Ces frais illégaux sont d’autant plus choquants qu’ils sont « supérieurs au plafond légal fixé par l’article R312-4-1 du Code monétaire et financier », notera le juge. Face à cette obstination, les clients ont dû porter plainte auprès du Procureur de la République le 4 mai 2014, et assigner le CMNE en justice avec l’aide du cabinet Lecoq-Vallon & Feron-Poloni.
5/- Comment la justice analyse-t-elle la situation dans un cas concret de ce type ?
– On a toujours plaisir à lire un jugement clair comme celui rendu par ce tribunal, quand il réconcilie la vie quotidienne avec la justice, en revenant à une simple rappel au respect des lois que semble ignorer une puissante banque mutualiste.
Après un rappel des obligations légales imposées aux banques par les articles L133-18, L133-19 et L133-23, exposés plus haut, le tribunal rappelle que c’est à la banque de prouver que les débits contestés ont été authentifiés par les clients et qu’ils ne sont pas le fruit d’une fraude ou de négligence grave des clients.
En l’occurrence, le fait que le système de paiement du CMNE « soit doté d’un dispositif de sécurité et d’identification renforcé » ne suffit pas à prouver que la fraude n’aurait pu être commise que par une négligence des clients. D’autant plus, comme le note le jugement, que plusieurs articles de presse montrent que l’espace de paiement du CMNE n’est pas infaillible et a déjà été piraté. De même, la banque n’apporte aucune preuve qu’il s’agirait d’un hameçonnage (ou phishing) engageant la responsabilité des clients, comme elle le soutient. Au contraire, l’enquête interne de la banque montre que l’adresse IP de l’ordinateur à l’origine de la fraude n’était pas celle des clients, mais à des centaines de kilomètres.
6/- Verdict. Quelle est la conclusion du tribunal ?
– En examinant les faits au regard des lois, le tribunal conclut logiquement qu’en refusant d’indemniser ses clients de cette fraude, « la Caisse de Crédit Mutuel de Pont Sainte Maxence a manqué a ses obligations légales et doit donc être condamnée », au remboursement des débits frauduleux et des frais ou commissions qui n’auraient pas dû être prélevés si ces fraudes n’avaient pas eu lieu.
Bonjour,
Je suis dans un groupe d’étudiant de ma fac sur Facebook qu’une fille de ma classe a créé pour recevoir tous types d’informations susceptibles de nous aider.
Le 13 octobre 2019, une annonce d’emploi a été posée dans ce groupe qui disait chercher une femme de ménage pour nettoyer chez un certain Jacques Chevrier.
Vu que j’avais urgemment besoin d’un travail pour subvenir à mes besoins, j’ai postulé en envoyant mon CV.
Le monsieur m’a répondu en me disant que je suis engagé en précisant que je recevrai 300€ par semaine pour le ménage que je devrais faire 3 fois par semaine (et 3h par jour). J’ai donc accepté avec enthousiasme.
Mais après le monsieur me fait comprendre que vu que sa maison est en rénovation, il aimerait que je paye l’agence de rénovation car il est à Londres avec sa femme qui est enceinte. Alors, il a proposé de m’envoyer un chèque de 1800€ à mon domicile (que je joins à ma plainte) pour que je retienne mon avance de salaire et avec le reste, je paye l’agence avec des tickets PCS (dont je joins les tickets d’achat également) via son chef comptable pour avoir les clés et commencer mon travail.
Ne me doutant de rien, j’ai accepté naïvement.
J’ai reçu le chèque le 17 octobre 2019 que je suis allée déposer dans mon compte. Puis j’ai envoyé de l’argent comme il m’a demandé par des tickets PCS au pseudo chef comptable.
Ensuite j’attendais d’être contactée pour obtenir la clé et l’adresse pour commencer le travail. Hélas le soi-disant Chevrier ne répondait plus à mes e-mails.
J’ai commencé à avoir des doutes face à cette situation que j’ai décidé de me rendre le lendemain à la police pour expliquer ma situation.
Je me suis donc rendue à la police le 22 octobre 2019. J’ai expliqué ma situation à l’agent de police qui m’a fait comprendre que j’étais victime d’une arnaque et qu’il fallait que je parte à la banque pour récupérer une photocopie du chèque, le motif de la banque à propos du chèque et mon relevé de compte pour venir porter plainte. Je suis donc allée à la banque. Mais la banque n’avait pas encore analysé le chèque, alors j’ai dû demander une vérification du chèque pour savoir s’il était volé.
Le 23 octobre 2019 j’ai adressé un courriel à la banque pour expliquer ma situation et quand je suis partie pour déposer le courrier, la dame de l’accueil et moi avions regardés s’ils avaient fait la vérification et c’était fait : le chèque était bien volé donc j’ai pu aller porter plainte à la police. Mais ma conseillère et la police me disent que je dois rembourser les 1800 euros déduit.
Que puis-je faire étant donné que je n’ai aucun moyen de rembourser parce que ma bourse d’étude est de 100 euros et ma conseillère me dit que si je ne rembourse je serai interdite bancaire et que j’ai une semaine pour le faire.
Que dois-je faire? Parce que je me dis aussi que ma banque aurait du vérifier le chèque avant « l’encaissement » étant donné que je n’ai jamais eu autant d’argent. Donc je suis stressée, perdue et cela à un impact sur mes études.
Merci.
Bonjour chère lectrice et merci pour votre témoignage.
C’est malheureusement une escroquerie « courante » que vous auriez pu éviter en consultant Deontofi.com avant d’accepter d’effectuer cette transaction à votre encontre, consistant pour l’escroc à vous faire blanchir son chèque volé en vous rendant complice à votre détriment.
Le fait d’avoir porté plainte rapidement vous protège en partie en établissant votre bonne foi, mais la situation reste complexe sur le plan bancaire, car le compte de la personne dont le chèque a été volé ne peut pas en être victime. Dans la mesure où vous n’êtes pas l’auteur du chèque, mais seulement « bénéficiaire » la banque émettrice est normalement responsable de la vérification de signature. Vous risquez effectivement d’être déclarée interdit bancaire par votre banque mais votre position semble défendable pour faire rétablir vos droits dans la mesure où vous n’avez pas agit frauduleusement en présentant à l’encaissement un chèque adressé par votre « employeur » même si vous avez été victime d’une manipulation.
Vous devez cependant vous préparer aux conséquence d’une privation temporaire de moyens de paiements, en attendant que vos réclamations soient instruites.
En tout cas gardez courage et dénoncez cette arnaque dans votre groupe d’étudiants pour avoir leur soutien et regrouper vos intérêts s’il y a d’autres victimes. Ces escroqueries sont très nocives comme en témoigne ce triste fait divers après une affaire comparable: http://www.leparisien.fr/essonne-91/lisses-oceane-17-ans-s-etait-suicidee-apres-avoir-ete-victime-d-une-escroquerie-08-10-2019-8168892.php
En espérant que cette réponse vous sera utile,
bonne lecture sur Deontofi.com
Bonjour,
Est ce réellement une condamnation que d’obliger la banque à respecter ses obligations ?
Si les banques étaient condamnées à payer une forte amende lorsqu’elles refusent d’appliquer la loi, les choses se passeraient sans doute mieux pour les usagers, non ?
Merci pour cette réaction de bon sens.
Vous prêchez plus d’un convaincu : les réglementations ne sont appliquées que grâce aux sanctions !
Bonjour,
J’ai eu un pb ce week end avec un soit disant amie.
Je lui ai prêté ma carte pour qu’il paye deux bières au bar,
On était beaucoup.
Le problème c’est qu’il est parti faire deux retraits avec, je ne m’en suis aperçu que quand j’ai reçu un message de fraude.
Puis-je porter plainte?
En soit je n’ai jamais autorisé cette personne à retiré cette argent sur mon compte.
Vous pouvez porter plainte contre votre « soit disant amie », mais probablement en vain, car il sera difficile d’établir les preuves nécessaires à sa condamnation.