Le gouvernement voudrait protéger les clients modestes de l’avalanche de frais bancaires liés aux découverts et incidents de paiement, mais ils frappent lourdement les clients en difficulté de toutes conditions. (photo © GPouzin)

Être à découvert coûte cher. Et avoir des incidents de paiement encore plus cher. Chez BNP Paribas ou à la Société Générale, par exemple le rejet pour solde insuffisant d’un prélèvement ou d’un virement automatique de plus de 20 euros vous coûtera 20 euros de frais. Les pénalités pratiquées dans les réseaux Crédit Agricole, Crédit Mutuel, Caisses d’Epargne ou Banques Populaires, sont plus difficiles à cerner car ils appliquent des tarifs régionaux.

Pour un chèque sans provision, c’est plus cher. La banque vous envoie d’abord une lettre d’avertissement pour compte débiteur (20 euros à la BNP Paribas), ou pour vous inviter à régulariser (15 euros à la Société Générale). Si le chèque impayé reste officiellement rejeté, ces deux banques facturent 50 euros de frais (30 euros pour un chèque impayé inférieur à 50 euros). Vous êtes alors inscrit sur le fichier central des chèques (FCC) de la Banque de France et interdit de chéquier, occasionnant de nouveaux frais de notification de 33,50 euros chez BNP Paribas.

Le summum est atteint avec les frais d’avis à tiers détenteurs, ou ATD dans le jargon des banquiers. Quand le Trésor Public demande à votre banque de saisir vos impôts ou amendes impayés, que votre solde soit insuffisant ou non, l’ATD est facturé 130 euros par BNP Paribas et 133,20 euros par la Société Générale. Triple peine, vous ajouterez à cela des commissions d’intervention sur chaque « opération entraînant une irrégularité de fonctionnement du compte », plafonnées à 8 euros par opération dans une limite de 80 euros par mois, ou 4 euros par opération dans une limite de 20 par mois si vous êtes considéré comme fragile, quand cette disposition de la loi du 26 juillet 2013 est respectée.

Au final, le coût des agios et frais d’incidents grimperait à près de 300 euros par an (296 précisément) pour les clients en difficultés, selon une enquête menée par 60 millions de consommateurs avec l’Union nationale des associations familiales (Unaf).

Or, se retrouver à découvert, voire surendetté, n’arrive pas qu’aux pauvres, ou aux cigales atteintes de fièvre acheteuse pendant les soldes. Victime d’une fraude sur sa carte bancaire, comme des millions de Français ont pu en subir sans aucune négligence, un chauffeur routier s’est vu prélever 355,88 euros de frais, en plus de la somme dérobée, que le Crédit mutuel Nord Europe (CMNE) refusait de rembourser, au mépris de son obligation de le faire en vertu des articles L133-18 et suivants du Code monétaire et financier. « Le jugement du 20 mai 2015, condamnant la banque à rembourser la fraude et les frais, soulignait à cette occasion qu’ils étaient supérieurs au plafond légal fixé par l’article R312-4-1 du Code monétaire et financier », raconte Maître Hélène Feron-Poloni, qui défendait ce client. « En dehors de ce type de cas, nous voyons régulièrement des épargnants de toutes conditions étranglés par le surendettement et les frais bancaires d’incidents à la suite d’investissements à crédits désastreux, notamment dans l’immobilier ou l’assurance-vie à risque », poursuit l’avocate du cabinet Lecoq-Vallon & Feron-Poloni.

Pour ces clients, les frais bancaires sont un calvaire. « Sur 120 cas, pris au hasard parmi 2600 clients en difficulté financière repérés par nos partenaires, les frais bancaires atteignent en moyenne 124 euros par mois, dont 72% sont liés aux incidents », constate Maxime Pekkip, responsable prévention à l’association Cresus, qui lutte contre le surendettement, et membre de l’Observatoire de l’inclusion bancaire (OIB).

Alors que le ministre de l’économie Bruno Le Maire déclarait dernièrement vouloir discuter avec les associations et les banques d’un « vrai plafonnement efficace des frais bancaires pour les foyers modestes », les acteurs du terrain craignent que l’objectif manque sa cible. Car les dispositifs pour protéger les plus pauvres ne sont pas nouveaux, mais leurs succès restent inégaux. Par exemple, en cas de saisie sur le compte d’un particulier, l’article L162-2 du Code monétaire créé par l’ordonnance du 19 décembre 2011, oblige la banque à lui laisser un solde bancaire insaisissable (SBI) équivalent au RSA (revenu de solidarité active) actuellement fixé à 550,93 euros. « Mais la loi n’a rien prévu pour les comptes à découvert, du coup les banques leur imputent les frais d’avis à tiers détenteur même quand elles rejettent la saisie pour solde négatif », dénonce Maxime Pekkip.

Le plafonnement des frais et l’offre de services bancaires de base spécifique pour les clients fragiles, créés par la loi du 26 juillet 2013 (article L312-1-3 du Code monétaire) sont aussi peu efficaces, car les critères de fragilité sont fixés par les banques. « Certaines considèrent qu’il faut gagner moins de 1200 euros pour être fragile, alors que les clients en difficulté de notre échantillon avaient un salaire moyen de 3000 euros, mais un reste à vivre de 211 euros une fois payées leurs mensualités de crédit et leurs charges fixes (loyer, énergie…), avant même la ponction des 124 euros de frais bancaires », relève Maxime Pekkip.

Résultat, à peine 10% des 3,6 millions de personnes en situation de fragilité financière bénéficient de ces tarifs et plafonnements spécifiques, selon l’Observatoire de l’inclusion bancaire. Plutôt qu’un plafonnement, Cresus réclame une meilleure prévention et une conception plus pertinente des difficultés financières, avec notamment une rétrocession automatique des frais bancaires ponctionnés les trois mois précédent la demande d’un client s’estimant en difficulté financière.

Exemples de frais de découvert et incidents

Tarifs 2018BNP ParibasSociété GénéraleLa Banque Postale
Fais d’intervention sur incident8€/opération, max 80€/mois8€/opération, max 80€/mois8€/opération, max 80€/mois
Agios et frais découvert autoriséTaux négocié +frais 28€/anMax taux usure +frais 7€/trimestre14% à 15% +frais 1,50€ par trimestre
Agios et frais découvert non autoriséMax taux usure +frais 45 à 60€/an« Nous consulter » (tarifs p.26)16% +frais 1,50€ par trimestre
Chèque (CHQ) impayé50€ (30€ si CHQ<50€)50€ (30€ si CHQ<50€)45€ (28,50€ si CHQ <50€ )
Rejet de (PRL) prélèvement20€ (gratuit si PRL<5€)20€ (montant du PRL si <20€)14€ (montant du PRL si <14€)
Rejet de (VIR) virement auto20€ (gratuit si VIR<20€)20€ (gratuit si VIR<20€)14€ (montant du VIR si <14€)
Avis à tiers détenteur130 €133,20 €100 €

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