Je vous explique comment j’ai gagné facile, sauf que j’ai pas essayé, on m’a juste payée pour vous vendre l’arnaque, c’est facile !

On l’avait vue venir, l’arnaque de Nabilla sur les réseaux sociaux. On s’en était même désolé, sur Deontofi.com, dès les premiers jours de janvier 2018, en commentant cette anecdote pathétique « d’une starlette recyclée de la téléréalité faisant la courte échelle aux escrocs du Bitcoin ». L’avantage, quant on joue la dinde dans ses personnages de composition, c’est qu’on peut plus naturellement revendiquer le bénéfice du doute, et la naïveté de la bêtise : « j’savais pas m’sieur le juge ».

Savait-elle ou non, qu’elle faisait la courte échelle à des escrocs la rémunérant avec l’argent qu’ils voleraient à ses fans, trop sincères ou stupides pour réaliser qu’elle se moquait d’eux jusqu’au dernier centime ?

Voici l’affaire Nabila, racontée par Virginie Beaumeunier, la directrice générale de la Direction générale de la concurrence et de la répression des fraudes (DGCCRF) qui l’a épinglée.

L’affaire Nabilla : influenceuse à la solde d’une arnaque Bitcoin

L’influenceuse Nabilla avait omis d’informer ses millions de fans qu’elle était payée par le site d’arnque au Bitcoin pour faire sa promo, explique en substance Virginie Beaumeunier (à gauche) directrice générale de la DGCCRF
Même si vous n’y connaissez rien, ça vous permet de gagner de l’argent, explique Nabilla aux fans qu’elle envoie se faire plumer

Notre service national des enquêtes a mené des investigations sur une promotion commerciale qui avait été effectuée en janvier 2018 par l’influenceuse Nabilla sur le réseau social Snapchat, donc typiquement dans le cas évoqué des influenceurs sur les réseaux sociaux.

Madame Benattia faisait la promotion de services de formation au trading proposées par un site internet spécialisé dans l’achat et la vente de Bitcoin.

Dans sa Story sur Snapchat, l’influenceuse, qui était suivie par plusieurs millions de personnes, avait omis de mentionner qu’elle était rémunérée par les sociétés qui exploitaient ce site, pour en faire la promotion.

Or, le défaut d’indication du caractère publicitaire de cette publication, soit oralement soit par un message écrit, constitue une pratique commerciale trompeuse à l’encontre de ses abonnés, qui évidemment peuvent croire, à tort, que la promotion de l’influenceuse résulte de sa propre expérience positive et désintéressée.

En effet, Madame Benattia, dans ses différentes publications, en tant qu’influenceuse, mettait particulièrement en avant sa proximité avec son public, pour convaincre ses abonnés de suivre ses préconisations.

Elle a en outre allégué d’une supposée expérience personnelle pour promouvoir ces services.

Evidemment il ne s’agissait que d’un placement de produit, pour lequel elle était rémunérée.

Par ailleurs, dans cette Story, Madame Benattia avait allégué de la gratuité du service proposé par le site de trading, de la récupération systématique des sommes investies, et de rendement pouvant aller jusqu’à 80% grâce aux conseils de ce service.

Evidemment ces propos étaient de nature à induire le consommateur en erreur sur les caractéristiques du service et les résultats attendus de son utilisation. En cela il pouvait recevoir la qualification de pratique commerciale trompeuse.

Avec l’accord du Procureur du Tribunal Judiciaire de Paris, une amende transactionnelle de 20 000 euros a été proposée et acceptée par Madame Benattia.

La transaction prévoyait également une mesure de publicité largement relayée dans la presse et dont on peut parler aujourd’hui.

On voit bien que le recours aux services des influenceurs est devenu un outil important dans les plans de promotion. Ces influenceurs peuvent être rémunérés par la fourniture de produits gratuits, ou le plus souvent par le biais de contrats commerciaux.

On voit bien que ces influenceurs se professionnalisent, et avec cette professionnalisation cela veut dire qu’ils doivent être aussi plus attentifs aux règles de droit, et veiller tout particulièrement à se conformer au droit de la consommation.

Pratiques commerciales trompeuses : les influenceurs dans le collimateur

Françoise Benezech, 1ère vice-procureure cheffe de section Social, consommation, explique les rôles respectifs et la coopération entre la réponse pénale et les enquêtes de la DGCCRF.

Les pratiques commerciales trompeuses sont des infractions quasi-matérielles plus facile à prouver et faire condamner que les escroqueries, explique Françoise Benezech, 1ère vice-procureure cheffe de section Social, consommation

Ce qu’il faut bien noter, c’est qu’on a par le biais de la pratique commerciale trompeuse, qui est une infraction au Code de la Consommation, une possibilité extrêmement aisée de pouvoir apporter une réponse pénale.

Si vous avez la curiosité de regarder l’article L121-2 du Code de la Consommation, vous verrez que la liste est longue et qu’on peut faire quasiment son shopping d’infractions. On va pouvoir trouver exactement ce qu’on veut, et pour nous c’est très intéressant. Pourquoi ?

Parce que, vous l’aurez compris, l’escroquerie est une infraction pénale extrêmement intéressante, qui a de fortes peines d’emprisonnement, mais qui est difficile à prouver. Il faut des actes d’enquête longs, et on n’est pas assuré d’arriver à un résultat.

En ce qui concerne la pratique commerciale trompeuse, c’est une infraction quasiment matérielle, parce qu’il suffit de pouvoir prouver des allégations mensongères telles qu’elles viennent d’être décrites, ce qui n’est pas possible avec l’escroquerie.

Autrement dit, au niveau pénal on se complète absolument ce qui est très intéressant.

Deuxième chose, on a une possibilité d’apporter des réponses pénales à la fois nombreuses et variées. C’est pour ça que Madame la directrice de la DGCCRF vous a indiqué la transaction pénale, qui est une alternative aux poursuites, et constitue une première réponse pénale. Cela permet de garder ces personnes qui commettent des infractions dans le collimateur, et surtout de pouvoir y revenir par la suite en pouvant apporter une gradation à nos sanctions.

Le droit français pénalise beaucoup, mais en l’occurrence c’est très intéressant parce que ça nous permet d’assainir l’économie par ces réponses graduées.

Amende transactionnelle : prévention et condamnations graduées

– Je voudrais avoir des détails sur la fixation de l’amende transactionnelle, interroge une journaliste au cours de la conférence. J’ai cru comprendre qu’elle était fixée en rapport avec l’argent récolté par les publications des influenceurs, mais 20 000 euros d’amende ça prête à sourire, compte tenu des revenus de ces personnes, donc je voulais avoir des détails sur la fixation des amendes.

Parmi ses allégations mensongères, Nabilla n’a jamais gagné 1 centime sur le site d’arnaque au Bitcoin qu’elle promouvait, mais ses fans y ont perdu beaucoup !

Précision sur l’amende transactionnelle, explique François Benezech. La plupart du temps on les propose à des personnes morales, et là on peut aller jusqu’à 10% du chiffre d’affaires, avec des calculs arithmétiques qui tiennent compte d’une réalité de situation, effectués avec la DGCCRF.

Pour ce qui concerne l’affaire Nabilla, c’est une amende à une personne physique, donc forcément elle est moins importante que ce qu’on peut proposer à une personne morale. Et en tout cas, nous concernant, c’était la première fois que nous intervenions dans ce secteur.

Il faut donc comprendre que c’était une mesure d’avertissement, à la fois pour Nabilla et aussi pour les sociétés personnes morales qui ont parfaitement compris que si elles continuaient ce jeu là, ce serait une autre histoire avec une autre réponse.

Depuis 5 ans cumulés, la politique des transactions pénales sur les sociétés a rapporté à peu près 70 millions d’euros d’amendes payées sur environ 600 dossiers, ce qui est assez considérable et permet surtout une remise en conformité par rapport à la réglementation, et c’est ce qu’on cherche.

Mise à jour du 29/12/2021: Le Monde a publié hier un complément d’enquête sur ce fléau des « finfluenceurs », c’est-à-dire les influenceurs payés par des escrocs pour envoyer leurs fans se faire plumer dans des arnaques aux faux placements, notamment Bitcoin et trading. Le Monde raconte que : « Jazz » (3,9 millions d’abonnés sur Instagram) et son mari, Laurent « Billionnaire » Correia (3 millions) » ont été supprimés de Snapchat depuis octobre, notamment pour avoir envoyé leurs fans se faire plumer sur la plate-forme de trading IronFX. « Jazz », est une starlette de télé-réalité née en Angleterre, passée par les émissions « Les Anges » saison 8, « La Villa des cœurs brisés » 2 et 3, et « La Bataille des couples ».

« D’autres candidats de télé-réalité, telles Milla Jasmine (3,1 millions d’abonnés sur Instagram) ou Maeva Ghennam (3,2 millions) – également représentées par Shauna Events –, ont perdu, au moins un temps, leurs principales sources de revenus ces derniers mois avec le blocage de leur compte Instagram. Certains ont cherché à rebondir en créant leur propre groupe Telegram de trading… », ajoute notre confrère.

 Paiement d’une amende de 20 000€ par l’influenceuse Nabilla BENATTIA-VERGARA, pour pratiques commerciales trompeuses sur les réseaux sociauxParis, le 28/07/2021

 Une enquête de la DGCCRF conduit au paiement d’une amende transactionnelle de 20 000 euros par l’influenceuse Nabilla BENATTIA-VERGARA pour des pratiques commerciales trompeuses relatives à la promotion sur le réseau social Snapchat d’un site de formation au trading en ligne.

Le Service national des enquêtes de la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) a mené des investigations sur une promotion commerciale effectuée, en janvier 2018, par l’influenceuse Nabilla Benattia-Vergara sur le réseau social Snapchat. Elle y faisait la promotion de services de formation au trading proposés par un site internet spécialisé dans la vente et l’achat de bitcoin.

Dans sa« story », l’influenceuse, suivie par plusieurs millions de personnes sur les réseaux sociaux, a omis de mentionner qu’elle était rémunérée par les sociétés exploitant ce site pour en faire la promotion. Or, le défaut d’indication du caractère publicitaire de sa publication (par un logo ou une mention orale ou écrite par exemple) constitue une pratique commerciale trompeuse à l’encontre de ses abonnés qui peuvent croire à tort que la promotion de l’influenceuse résulte d’une expérience personnelle positive désintéressée.

Par ailleurs, dans cette « story », Nabilla Benattia-Vergara a allégué de la gratuité du service proposé par le site de trading, de la récupération systématique des sommes investies et de rendements pouvant aller jusqu’à 80 % grâce à leurs conseils. Ces propos sont de nature à induire le consommateur en erreur sur les caractéristiques du service et les résultats attendus de son utilisation. En cela, ils relèvent, eux aussi, de la qualification de pratiques commerciales trompeuses.

Avec l’accord du Procureur de la République du tribunal judiciaire de Paris, une amende transactionnelle d’un montant de 20 000 euros a été proposée et acceptée par Mme. Benattia-Vergara, prenant en compte le bénéfice tiré de l’opération de promotion.

Le recours aux services des influenceurs est devenu un vecteur important de promotion des marques. Rémunérés en produits gratuits ou, le plus souvent, par le biais de contrats commerciaux, les influenceurs se professionnalisent et, à ce titre, doivent notamment se conformer aux règles prévues par le code de la consommation.

La DGCCRF contrôle les pratiques mises en oeuvre dans ce nouveau secteur publicitaire afin de veiller à la transparence et à la loyauté des allégations véhiculées. Les publications des influenceurs sur les réseaux sociaux sont en effet susceptibles d’avoir une incidence significative sur le comportement économique des personnes qui les suivent et ne doivent donc pas tromper les consommateurs. A ce titre, d’autres enquêtes sont d’ailleurs en cours. Les publicités réalisées par des influenceurs sont en forte croissance, et concernent de nombreux secteurs et modes de vente, comme le dropshipping. Les consommateurs suspectant des comportements trompeurs d’influenceurs à l’occasion de publicité déguisée sont invités à les signaler sur SignalConso.

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