Une interview TV de Deontofi.com sur Boursorama, en direct chaque semaine et en replay, dans l’émission Écorama de David Jacquot. À la rubrique Parlons CA$H, Gilles Pouzin commente la dernière offensive du gendarme boursier pour endiguer les arnaques sur le Forex. Avec à la clé un projet d’interdiction des publicités aguicheuses pour plumer les épargnants en leur cachant les risques de perte de pertes réelles extrêmement élevées.
Retrouvez ici l’interview vidéo diffusée en direct sur Boursorama TV le 13/04/2015.
1/ On assiste à une recrudescence d’arnaques liées au Forex et au trading sur options Binaires, avec une déferlante de publicités aguicheuses sur Internet pour s’enrichir facilement et rapidement qui sont en fait des arnaques. Pouvez-vous nous rappeler où est le piège ?
– En soi, la possibilité offerte à n’importe quel individu de pouvoir négocier des devises ou autres matières premières, or, métaux, etc, n’est pas choquante. On comprend parfaitement qu’un producteur de céréales ait intérêt à vendre à terme l’équivalent d’une partie de sa future récolte s’il trouve que les cours sont à un bon niveau et risquent de rebaisser. De même un particulier peut avoir intérêt à acheter des dollars ou des livres sterling s’il prévoit des dépenses importantes dans ces devises, par exemple pour payer les études de ses enfants en Angleterre ou aux Etats-Unis.
Le problème du trading sur le Forex et les matières premières est qu’il est présenté comme un jeu pour s’enrichir facilement grâce à un très fort effet de levier, qui démultiplie les gains et les pertes, faisant prendre jusqu’à 100 fois ou 400 fois plus de risque que les fluctuations des devises ou des matières premières elles-mêmes.
Avec un levier de 100, si vous avez une variation de 1%, vous perdez 100% de votre mise, et même parfois bien plus ! Le terme binaire est ajouté pour désigner des paris sur des actifs où l’on a tout ou rien. Soit on perd soit on gagne, comme à pile ou face, sans aucune nuance liée à l’évolution financière des marchés entre les deux. C’est binaire, ça fait savant mais ça veut dire simpliste.
En pratique, il y a deux problèmes avec ce genre de spéculation. Premièrement, on perd à tous les coups ou presque. Deuxièmement, la plupart des intermédiaires qui se cachent derrière ces publicités sont des escrocs qui plument les épargnants à 100% des coups, tout simplement en obtenant leur numéro de carte bancaire et en vidant leur compte autant qu’ils peuvent.
2/ Que font les autorités boursières contre ces arnaques, que fait l’AMF ?
– La principale action des autorités boursières pour endiguer les arnaques du Forex, c’est la prévention. L’AMF publie d’abord une liste de sites illégaux avec des mises en garde, mise à jour et rediffusée au minimum tous les six mois depuis juillet 2011, donc bientôt quatre ans. Seul problème, il s’en crée tous les jours, et tous les sites illégaux ou frauduleux ne sont pas sur cette liste.
L’AMF fait aussi des études sur les résultats obtenus par les clients, dont une grande étude publiée en octobre 2014 qui montre que même chez les courtiers agréés en France les plus fréquentables, les épargnants sont perdant 9 fois sur dix. Sur un échantillon de 15 000 clients dont l’AMF a observé 16 millions de transactions réalisées sur quatre ans, 89% sont perdant et la perte globale atteint 161 millions d’euros, soit une perte de 11 000 euros par client en moyenne avec 90% de chance de perdre.
Ensuite l’AMF publie aussi des mises en garde contre les escrocs du Forex déguisés en faux gendarmes boursiers pour escroquer une seconde fois les épargnants en leur faisant croire qu’ils vont récupérer l’argent perdu une première fois.
Ces sites font du démarchage totalement honteux sous des noms trompeurs comme COB Trading, ou d’autres escrocs se prétendant d’une quelconque autorité boursière européenne. On en a même intercepté un sur Deontofi.com qui voulait envoyer les victimes d’escrocs sur le site internet de cyber-Interpol qui est bien fait mais qui est un faux absolu, car Interpol est un organe de coordination international des polices qui ne recueille jamais aucune plainte en direct. Méfiance ! Beaucoup d’escrocs sur Internet endorment la vigilance de personnes en difficultés pour les voler.
3 – Quoi de neuf concernant ces publicités trompeuses ? L’AMF a publié une nouvelle étude sur ce point la semaine dernière en demandant la possibilité d’interdire les publicités pour le Forex et les produits financiers les plus risqués.
– Absolument, pour mieux démasquer concrètement les fraudes des escrocs du Forex, des agents de l’autorité boursière ont effectué des « visites mystères » sur une trentaine des sites de trading les plus visibles, car faisant le plus de publicité, dont beaucoup qui se prétendent « agréés par l’AMF » alors qu’ils exercent en France grâce au passeport européen, avec un agrément de l’autorité boursière de Chypriote, la Cyprus Securities and Exchange Commission. La bonne blague ! Comme si on pouvait avoir confiance dans une obscure boutique financière chypriote !
Nous en avons parlé aussi sur Deontofi.com car ces sites sont absolument infréquentables mais ne peuvent pas figurer sur la liste des sites illégaux, puisqu’ils ont un agrément européen. Seulement ils sont agréés dans un pays de l’Union, à Chypre, qui a très mauvaise réputation sur le plan de la conformité financière et du blanchiment, comme on l’a vu dans plusieurs scandales, notamment concernant les activités de plusieurs banques avec la mafia russe.
4 – Alors comment ça se passe dans ces visites mystère ?
– D’abord pour l’ouverture de compte on vous demande toujours des numéros de carte bancaire, ce qui facilite les arnaques en laissant moins de trace. Les cobayes du gendarme boursier devaient passer cette épreuve en refusant à tout prix de donner leur numéro de carte bancaire et en exigeant de créditer leur compte par virement. Résultat, ils ont perdu les deux tiers des sites en route car ces derniers refusaient d’ouvrir un compte sans pouvoir se servir sur la carte bancaire des clients. Il restait 9 sites qui ont accepté l’ouverture de compte par virement, dont 8 chypriotes un sans aucun agrément.
Ensuite les cobayes ont eu des prétendues formations. Ils se présentaient comme néophyte n’y connaissant rien, on ne leur a pas expliqué les risques, alors que c’est obligatoire au regard de la réglementation française que sont censés appliquer les sites Chypriotes quand ils revendiquent leur agrément européen. Ces plateformes de trading mentent aussi sur les probabilités de perte, et on les incite à spéculer comme de fous. On vous dit par exemple « Un taux de réussite de 100% n’existe pas, mais vous pouvez partir sur 3 trades gagnants sur 5″, c’est-à-dire 60% de transactions gagnantes, ce qui est complètement faux puisqu’on sait que la vérité est autour de 90% d’opérations perdantes.
Enfin quand on ne s’est pas encore fait plumer à ce stade, il est impossible de récupérer son argent chez 80% de ces sites, pourtant agréés (par les Chypriotes…). En faisant des pieds et des mains pour résister aux diversions et arguties des vendeurs, les agents de l’AMF n’ont pu récupérer leur argent qu’avec deux sites de trading sur 9. En clair, dans 80% des cas ils n’ont pas pu récupérer l’argent pourtant présent sur leur compte. Soit la procédure est floue et ils n’ont jamais de réponse, soit le retrait des fonds est conditionné à des critères minimaux, par exemple un montant de transactions à atteindre ou une durée d’activité. Tout est fait pour vous voler !
5 – Alors faut-il interdire la publicité pour le Forex ?
– En théorie ce serait l’idéal pour endiguer cette infection de sites trompeurs qui minent la confiance des épargnants. En pratique ce n’est pas facile. L’AMF obtient régulièrement la fermeture de sites ne respectant pas les règles, par jugement du Tribunal de grande instance de Paris, mais cela prend des semaines ou des mois de procédure, alors qu’il suffit aux escrocs de quelques heures pour ouvrir de nouveaux sites illégaux.
Alors le gendarme boursier voudrait bien que la loi lui donne le pouvoir d’interdire les publicités qui ne respectent pas les règles de mise en garde des risques de perte sur les produits spéculatifs, mais cela va être très compliqué, déjà pour faire voter une telle loi à l’Assemblée, ensuite pour la défendre et la faire appliquer. Car malheureusement beaucoup de sites internet des grands médias profitent de cette manne publicitaire et ne sont pas trop regardants sur la conformité des annonces qu’ils acceptent et diffusent (sauf Deontofi.com bien sûr). Ils pourraient s’opposer à l’interdiction.
Avec un peu de volonté politique il serait néanmoins possible d’interdire les publicités trompeuses, tout comme il existe déjà des lois très strictes concernant la publicité sur les tabacs et l’alcool, ou encore sur les jeux en ligne qui sont dans une problématique proche du Forex, pour lesquels l’Arjel, l’autorité des jeux en ligne, réussit assez bien à encadrer la publicité.
Ensuite, si l’AMF parvient à faire interdire les publicités trompeuses pour le Forex en France, l’Internet est une passoire et les publicités risquent de continuer à y circuler sur des sites étrangers. C’est compliqué à endiguer. Malheureusement, il faut surtout compter sur une meilleure information des épargnants, en lisant Deontofi.com par exemple, où l’on donne des conseils réguliers pour démasquer ces arnaques avec un certain succès puisque beaucoup de lecteurs nous remercient de les avoir aidé à éviter ces escroqueries (Participez au forum Forex de Deontofi.com le plus actif ici).