Première offensive de la Loi Macron contre la transparence financière, le secret des affaires a failli être érigé en rempart contre la révélation des turpitudes politico-financières. Un comble, quelques semaines après le défilé des dirigeants politiques pour la liberté d’expression.
Alors que les syndicats de journalistes se plaignaient depuis quelques mois des atermoiements du gouvernement pour renforcer la protection du secret des sources des journalistes, comme François Hollande s’y était engagé dans son programme électoral, le président de la République semblait prêt à faire un pas dans ce sens, en reprogrammant le projet de loi sur la protection du secret des sources des journalistes, un temps reporté sine-die.
Mais dans l’ombre, ses ministres et députés faisaient le contraire. La première offensive de la Loi Macron contre la transparence est venue d’un amendement déposé par un complice à l’Assemblée nationale, le 12 janvier 2015, menaçant les lanceurs d’alerte en organisant une protection renforcée des entreprises et de leurs dirigeants contre la révélation de leurs coups tordus, sous prétexte de « secret des affaires ».
L’amendement litigieux proposait notamment de modifier le Code du commerce comme suit : « Art. L. 151‑2. – Nul ne peut obtenir une information protégée au titre du secret des affaires en violation des mesures de protection prises pour en conserver le caractère non public, ni utiliser ou communiquer l’information ainsi obtenue. Nul ne peut non plus utiliser ni communiquer une information protégée au titre du secret des affaires, sans le consentement de son détenteur duquel il l’a obtenue, de façon licite, directement ou indirectement », parmi d’autres coups fourrés.
Cette offensive de l’obscurantisme entraîna une levée de bouclier immédiate des sentinelles de la transparence, journalistes (notamment Médiapart, Le Monde, Libération…), avocats, syndicalistes ou acteurs politiques (Eva Joly…), qui réclamèrent le retrait de l’amendement, à grand renfort d’articles et de pétitions, promptement relayées sur les réseaux sociaux, notamment par Deontofi.com. «Loi Macron : prison pour les lanceurs d’alerte, syndicalistes et journalistes ?», titrait une tribune signée par de nombreuses personnalités dans Libération du 28 janvier 2015, selon qui «En introduisant la notion de secret des affaires, la France deviendrait le premier pays européen à pénaliser la divulgation d’informations «à valeur économique».
Dans un examen des enjeux réels de cet amendement, les journalistes « décodeurs » du Monde confirment la réalité de cette menace en rappelant notamment qu’une telle initiative serait contraire à la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme, car en infraction avec l’article 10 de la Convention européenne des droits de l’Homme.
Grâce à cette mobilisation citoyenne, l’amendement de la Loi Macron contre les journalistes et les lanceurs d’alerte était finalement abandonné vendredi 30 janvier 2015.