S’ils étaient les vedettes de cette audience du 11 avril 2014 devant la Commission des sanctions de l’AMF, les cousins golden boys n’en étaient pas les seuls accusés. Deux autres individus, sans lien entre eux ni avec messieurs Raad et Rosier, étaient aussi jugés pour avoir profité de délits d’initiés à l’occasion de l’OPA d’IBM sur Ilog, ainsi que d’une autre OPA en préparation de SAP sur Business Objects. Enquête de Brigitte Poteau, rédaction assistée par Gilles Pouzin.

Siège de l'Autorité des marchés financiers (AMF), 17 Place de la Bourse, à Paris (photo © GPouzin)

Siège de l’Autorité des marchés financiers (AMF), 17 Place de la Bourse, à Paris (photo © GPouzin)

Abraham Benhamron, gérant de bijouterie de son état, a aussi flairé le bon coup sur Ilog. Client de la First International Bank of Israël (FIBI), il l’appelle le vendredi 25 juillet 2008 dès l’ouverture, à 8h39 du matin heure de Paris, pour acheter 3000 actions Ilog. Une transaction « à caractère atypique » qui éveillera la vigilance du service de surveillance des marchés à l’AMF. Pourquoi monsieur Benhamron s’empresse-t-il d’acheter des actions Ilog par sa banque israélienne plutôt que par Boursorama et BNP Paribas chez qui il gère habituellement son portefeuille ?

Les enquêteurs ne tarderont pas à trouver quelques réponses intéressantes à cette question. Monsieur Benhamron semble pressé d’acheter un maximum d’actions Ilog, et discrètement, pour profiter du projet d’OPA dont il a connaissance à la veille du week-end, et qui sera annoncé le lundi suivant. L’enregistrement que se procurent les services de l’AMF auprès de la FIBI le trahit, malgré sa tentative un peu naïve de leur dissimuler l’existence de ce compte.

Deux initiés récidivistes, connus des lecteurs de Deontofi.com, entendus à l'audience de la Commission des sanctions de l'AMF du 11 avril 2014.

Deux initiés récidivistes, connus des lecteurs de Deontofi.com, entendus à l’audience de la Commission des sanctions de l’AMF du 11 avril 2014.

A 9h39 en Israël (8h39 en France), monsieur Benhamron appelle son correspondant à la FIBI et demande le montant disponible sur son compte. Il veut tout miser sur Ilog. « On a raté le truc », s’inquiète-t-il auprès de son interlocuteur « il va y avoir une opération sur cette action ». Avec les 21 600 euros disponibles sur son compte il achète 3000 actions Ilog pour un prix de revient de 7,20 euros, revendues quelques jours plus tard au prix de 10 euros fixé pour l’OPA, réalisant une plus-value de 8 400 euros.

Pour les enquêteurs, le commentaire de monsieur Benhamron dans cet appel est un aveu de l’information privilégiée qu’il détient sur l’imminence de l’OPA. L’origine de ce bon tuyau se perd en revanche dans des potins de voisinage. Abraham Benhamron est bien ami avec son voisin Simon Abou, qui travaille chez Ilog. Monsieur Abou aurait pu confier imprudemment cette information confidentielle sur l’OPA d’IBM à son épouse. Trop bavarde, cette dernière l’aurait répétée à sa voisine, qui aurait pu elle-même rapporter cette information, sans en mesurer l’importance, à son mari, monsieur Benhamron. Un vrai Vaudeville boursier ! Mais aucune preuve de tels commérages n’ayant dépassé les murs de leur immeuble, aucun des voisins ou amis de monsieur Benhamron n’était convoqué à l’audience et l’AMF se contente de tenir le bénéficiaire ultime de cette affaire, contre qui elle requiert 17 000 euros d’amende, soit le double du profit illicites.

Ce « coup de filet » de l’AMF, aussi croquignolesque qu’anecdotique, a bien une valeur d’exemple. Il rappelle aux citoyens ordinaires que les réglementations boursières s’appliquent aussi aux petits investisseurs individuels, et que ce n’est pas bien de tricher car cela cause un préjudice à la communauté des investisseurs qui ne trichent pas.

Dans l’absolu, cela reste pourtant du menu fretin, à côté des filouteries et supercheries pratiquées à bien plus grande échelle par des professionnels de la finance peu scrupuleux. Deux autres délits d’initié épinglés par l’AMF autour de cette affaire Ilog en donnent un exemple intriguant :
Le délit d’initié que l’AMF a failli ne pas voir parmi tant de fraudes impunies

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