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Profits magiques, effets tragiques, système endémique.

Quand les intérêts croisés tournent au système clos. La crise de Leonteq ne peut se comprendre sans une analyse de ce qui est présenté comme son « écosystème de produits structurés », abus de langage pour un réseau complexe de partenariats qui, au lieu de garantir la bonne gouvernance, a pu favoriser des « dérives entre soi ». Au cœur de cette tempête, ce n’est pas seulement l’entreprise qui est mise en cause, mais un « système » où la recherche de rentabilité maximale semble pouvoir s’affranchir de la conformité sans garde-fou, rappelant les recettes de crises financières passées (et à venir).

Le modèle d’affaires de Leonteq, basé sur l’émission et la distribution de produits structurés, s’est appuyé sur un vaste réseau de partenariats et un « écosystème » technologique intégré, visant à optimiser la chaîne de valeur. Cependant, la crise actuelle révèle l’ambiguïté de ce contrôle étendu.

  • BX Swiss: En décembre 2023, Leonteq a acquis une participation de 10 % dans BX Swiss, la bourse suisse. En avril 2024, Leonteq est devenue le teneur de marché exclusif pour les actions et les ETF sur BX Swiss. Cette intégration verticale, où Leonteq est à la fois émetteur et teneur de marché sur une plateforme où elle détient une participation, peut soulever des questions de transparence et de conflits d’intérêts potentiels.
  • LYNQS: La plateforme numérique LYNQS est un pilier central, permettant la création, la tarification et la gestion automatisées des produits structurés. En 2024, le nombre de produits initiés via LYNQS a augmenté de 96 %, atteignant 10 915 produits, et le ratio « click ‘n’ trade » est passé de 15 % en 2023 à 23 % en 2024. Si cette automatisation est un atout, elle peut aussi, en l’absence de contrôles suffisants, faciliter la distribution de produits non conformes. La FINMA a d’ailleurs reproché à Leonteq une surveillance insuffisante de sa chaîne de distribution.
  • Saxo Bank et Bergos (partenariats de marque blanche): Leonteq a développé un modèle d’émission en marque blanche standardisé. Des institutions comme Saxo Bank (collaboration lancée en septembre 2024) et la banque portugaise Bergos (octobre 2024) peuvent fabriquer et distribuer des produits structurés sous leur propre nom, en utilisant la technologie de Leonteq. Le modèle de marque blanche introduit des risques de gouvernance significatifs si la diligence n’est pas extrême, notamment en matière de conformité KYC/AML, ce que les manquements de Leonteq avec des distributeurs non réglementés ont amplement démontré.
  • Emirates Islamic: Le 11 juin 2025, Leonteq a annoncé un nouveau partenariat avec Emirates Islamic pour la fabrication et la distribution de produits structurés conformes à la Sharia. Cette collaboration, s’appuyant sur l’expertise de Leonteq en marque blanche, vise à étendre son offre au Moyen-Orient, où l’amas croissant de nouveaux riches, investisseurs inavertis, lui ouvre un beau filon.

Le contrôle de cet écosystème par Leonteq, stratégiquement avantageux, est aussi à double tranchant. La FINMA a explicitement ordonné à Leonteq de renforcer sa gouvernance d’entreprise et ses contrôles, notamment sur sa chaîne de distribution. Cela démontre que le modèle d’affaires de Leonteq, certes novateur, a pu « involontairement » (ou délibérément) exploiter les lacunes de surveillance, créant un risque systémique pour l’intégrité (déjà douteuse) du marché des produits structurés.

Cette Saga Leonteq est emblématique des tensions entre l’innovation financière, la rentabilité et la conformité. Sa rentabilité passée était dopée aux pratiques irrégulières, notamment des distributeurs non réglementés avec blanchiment de commissions offshore, et la vente de produits dans des juridictions non autorisées. Les produits structurés sont pour les observateurs attentifs des outils financiers « mal régulés » avec des « commissions occultes corruptrices ». Ce n’est pas une opinion mais un fait, si l’on compare le laxisme d’encadrement de leur transparence par rapport aux exigences comptables imposées à leurs cousins les fonds structurés (protégés ou garantis avec promesses de gains fixes ou indexés), soumis à la directive UCITS. Cette opacité sur les frais implicites rend impossible toute connaissance de la « vraie valeur des coûts implicites » de ces produits, non seulement pour les investisseurs, mais même pour les superviseurs, ne voyant que la partie émergée de l’iceberg.

Les scandales passés, comme l’affaire ID Formation et Eramet en France, ainsi que les allégations de blanchiment d’argent et d’évasion fiscale, ont mis en lumière les risques inhérents à un modèle de distribution peu scrupuleux. La décision des Prud’hommes de Paris de réintégrer un lanceur d’alerte, et la reconnaissance par la FINMA de « manquements graves », confirment que les pratiques de Leonteq ont bien pu s’écarter des normes éthiques et légales, déjà faiblardes dans cette industrie douteuse.

Ces révélations rappellent des épisodes sombres de l’histoire financière, notamment la crise des subprimes. Les parallèles reposent sur trois constats :

  • Complexité, opacité, effet de levier: Les produits structurés sont intrinsèquement complexes. Cette opacité, combinée à des « commissions occultes », peut masquer des risques et incitations perverses. Par ailleurs, ils sont connus pour leur effet de levier dévastateur, qu’on retrouve dans tant d’explosions bancaires sur les produits dérivés. Souvenirs ? Jérôme Kerviel et la Société Générale, Nick Leeson et la Barings, l’assureur AIG et ses Credit Default Swaps, les CDS, ces mêmes instruments cuisinés différemment dans la fameuse recette des CLN-Rallye, vendus par Leonteq et les grandes banques françaises (BNPP, Socgen…) pour se refaire en fourguant la faillite Casino-Rallye aux épargnants.
  • Arbitrage réglementaire: La collaboration avec des « distributeurs non réglementés » et la vente de produits dans des « pays non prévus contractuellement » suggère une stratégie d’arbitrage réglementaire, exploitant les lacunes ou les différences entre les juridictions. La gouvernance de la conformité est une affaire sérieuse, qui s’effiloche sous les coups de boutoirs des fragmentations réglementaires et des lobbys de l’autorégulation. Au point que même l’Autorité des Marchés Financiers (AMF) se plaint régulièrement d’être bridée, ou d’avoir les mains liées, l’empêchant d’intervenir sur des arnaques qu’elle n’aurait même pas le droit de dénoncer, après leur découverte, au motif qu’elles sont hors du champ de compétence de cette autorité administrative indépendante (non agréées), ou relevant d’un autre gendarme (passeport européen chypriote, code isin suisse et autres bullshit…).
  • Conflits d’intérêts: Les teneurs de marché et émetteurs peuvent être confrontés à des conflits d’intérêts. La FINMA a souligné que Leonteq avait « gravement manqué à ses obligations » en matière de gestion des risques. On retrouve à ce chapitre les ingrédients des dérives observées dans tous les systèmes d’intérêts croisés mal contrôlés, trop entrelacés ou tournant au huis clos. On se souvient de la corruption des agences de notations financières auxquelles les banques achetaient des faux diplômes de solvabilité infaillible AAA, pour mieux refourguer leurs mille-feuilles de prêts toxiques, sitôt en défaut. Quant au Ponzi de Bernard Madoff, s’il a prospéré en Europe via sa scandaleuse sicav Luxembourgeoise LuxAlpha, éclaboussant la banque suisse UBS et l’auditeur serviable Ernst & Young (encore!), c’est grâce à la naïveté d’autorités bienveillantes, ayant laissé son « gérant » contrôler lui-même sa fonction de « dépositaire », censé vérifier la réalité des titres inexistants. Alors un « structureur » architecte, émetteur et trader de produits structurés opaques, contrôlant sa distribution via n’importe quels pays ou partenariats en marque blanche, vendus et livrés via ses plateformes de transactions, avec une main sur le marché secondaire de leur cotation « indépendante », voilà une belle recette à surprises. On va se marrer au déballage, sauf les pigeons au menu des gloutons.

La Saga Leonteq nous rappelle que la rentabilité à court terme obtenue par des pratiques non conformes est insoutenable à long terme. L’injonction de la FINMA de cesser les relations avec les distributeurs non réglementés, et les enquêtes en cours en France, forcent Leonteq à revoir en profondeur son modèle, au moins dans son affichage. Cette crise souligne la vulnérabilité systémique des produits financiers opaques, et l’urgence d’une supervision moins naïve, pour endiguer leurs dérives. Il semble néanmoins illusoire qu’une telle supervision protège les épargnants, face à des pratiques illicites. Même la justice leur laisse entrevoir peu de chances d’obtenir réparation, des préjudices causés par ces produits structurés, et leurs méventes trompeuses, comme on le voit en France. Pour éviter le pire, lisez Deontofi.com et détendez-vous. Vous informer aux bonnes sources (avant de souscrire) vous procurera une sérénité apaisante, par rapport au stress des épargnants victimes, de ce qu’ils croyaient être les belles promesses des produits structurés.

C’est la morale et la fin de cette saison 2.
À quand la saison 3 ?
Allez savoir, avec Leonteq vous n’êtes jamais au bout de vos surprises…

Saga Leonteq, saison 2:

  1. Leonteq pincé en Suisse
  2. Sanction Leonteq Suisse sur la voie de la vérité
  3. Sanction FINMA éclaire procès Leonteq
  4. A / Leonteq et les bancassureurs accusés
  5. B / Pertes abyssales Leonteq en pagaille
  6. C / Leonteq, barattage à tous les étages
  7. Scandales d’assurances-vie Leonteq outre-manche
  8. Leonteq la Suisse cache son jeu
  9. Eramet embusqué, Leonteq esquivé
  10. Règlements de comptes et purge chez Leonteq
  11. Leonteq entre sanctions et naufrage des structurés
  12. Vider la caisse avant la casse ?
  13. Dérives entre soi, dissection du système Leonteq

Saga Leonteq, saison 1:

  1. Leonteq flashé par le FT, une saga des structurés
  2. Que lit-on sur Leonteq dans le Financial Times ?
  3. Ernst & Young et les audits serviables
  4. Des structurés perdants de Leonteq (EMTN)
  5. Au cœur de Leonteq, une conformité foutraque
  6. Fraude Leonteq Eramet, l’omerta française brisée
  7. Leonteq et le CLN-Rallye pas nickel d’Eramet
  8. Produits structurés danger : Déontofi alerte la justice !
  9. Maximum 12,62% ? Décrément à la loupe

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