Victimes de rupture abusive de leur contrat de distribution, des espaces SFR indépendants ont fait condamner l’opérateur à les indemniser comme des salariés (photo © GPouzin).

En litige avec SFR pendant des années pour obtenir l’indemnisation par l’opérateur téléphonique de la rupture abusive de ses contrats quand il état dans le groupe Vivendi, des distributeurs d’abonnements téléphoniques avaient obtenu gain de cause devant les tribunaux civils, notamment avec la requalification de leur statut par les prud’hommes.

Mais avec l’aide du tribunal de commerce, SFR était parvenu à faire condamner les sociétés de ses distributeurs à lui rembourser le montant des indemnités que l’opérateur télécom était condamné à verser par la justice d’un autre côté. Une situation ubuesque à laquelle Deontofi.com avait consacré un article il y a tout juste cinq ans (lire ici: Le Quai de Corse soutient SFR et casse la Cour d’appel de Versailles ).

Maître Frédéric Michel a obtenu l’indemnisation des distributeurs SFR avec la reconnaissance de leur statut de gérants salariés. (photo © GPouzin)

Cinq ans plus tard, des lecteurs impliqués dans ces procédures et défendus par le même avocat, Maître Frédéric Michel, nous signalent qu’ils ont enfin obtenu gain de cause devant la Cour de cassation. Dans un arrêt du 11 décembre 2019, notre cour suprême explique pourquoi les juges consulaires (c’est-à-dire non professionnels, pour ne pas dire amateurs) des tribunaux de commerces, ne peuvent pas motiver leurs jugements par le simple fait de condamner les victimes de pratiques jugées illégales, à rembourser les indemnités que la justice leur a accordées.

Retour sur cet arrêt important.

Dans un premier temps, la Cour de cassation rappelle l’historique de l’affaire: le distributeur a obtenu la reconnaissance de son statut de salarié avec ses indemnités, mais l’opérateur poursuit alors la structure commerciale de son ex-salarié.

Or, lorsque le statut de gérant de succursale est reconnu à un individu, le fournisseur pour lequel il travaille n’a pas le droit de réclamer le remboursement de sa condamnation à sa structure commerciale, rappelle la Cour de cassation en citant les articles L7321-1 à L7321-5 du Code du travail.

Dans cette affaire, SFR a déjà été condamnée par la Cour d’appel et la Cour de cassation, à indemniser son distributeur en tant que gérant de succursale.

Mais la condamnation, par le tribunal de commerce, à rembourser l’indemnisation du gérant par sa propre structure, est contraire à l’article 6 § 1 de la Convention européenne des droits de l’homme, et à l’article 12 du Code de procédure civile.

La Cour de cassation rappelle qu’on ne peut pas condamner la structure du gérant à indemniser SFR de sa propre condamnation, qui lui incombe, en s’appuyant sur les articles 1235 et 1376 du Code civil ( avant recodification d’octobre 2016 ).

De plus, on ne peut pas dire que la structure du distributeur ait bénéficié d’un enrichissement sans cause, puisque ce n’est pas elle qui a perçu l’indemnisation versée par SFR au gérant de succursale. (Article 1371 du Code civil quasi-contrats et enrichissement sans cause, avant recodification d’octobre 2016 )

Enfin, la Cour de cassation rappelle aussi qu’on ne peut pas condamner la structure du distributeur à rembourser l’indemnisation payée par SFR à son gérant de succursale, dès lors qu’aucun manquement n’a été constaté. (Article 1147 du Code civil avant recodification d’octobre 2016).

Onze ans après la rupture de leurs contrats par SFR, l’épilogue de cette saga judiciaire devrait permettre aux distributeurs d’abonnements téléphoniques, et aux opérateurs, de tourner la page.

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