Opacité et censure instrumentalisant la justice. Dans une lettre ouverte à Pierre-René Lemas, directeur général de la Caisse des Dépôts, et Henri Emmanuelli, président de la commission de surveillance de la Caisse des Dépôts et Consignations, co-signée par Laurent Mauduit et Edwy Plenel, journalistes co-fondateurs de Mediapart, des associations citoyennes et des syndicalistes s’interrogent sur l’utilisation pas très claire de l’argent collecté par les banques sur le Livret A. Depuis qu’elles ont obtenu le privilège de proposer ce placement, jusqu’alors réservé aux clients des Caisses d’Epargne, de La Banque Postale et du Crédit Mutuel (Livret Bleu), les banques privées s’étaient engagées à fournir chaque année un rapport sur l’utilisation de cet argent qui n’est jamais venu. Ils dénoncent aussi des poursuites abusives de la CDC contre Médiapart. Extraits.
Logement social: où va la Caisse des dépôts et consignations?
« Monsieur le Directeur général, Monsieur le Président,
Selon la communication institutionnelle du groupe Caisse des Dépôts, ses domaines d’action sont notamment :
- Protéger l’épargne populaire : « Les fonds centralisés à la Caisse des Dépôts constituent la ressource qui lui permet de financer, sous forme de prêts à très long terme (de 20 à 40 voire 50 ans), des priorités publiques, définies par l’Etat. En premier lieu, l’épargne des livrets A et LDD permet de financer le logement social : les prêts sur fonds d’épargne représentent ainsi 70% du financement d’un logement social. »
- Développer l’immobilier : « Le groupe Caisse des Dépôts s’engage sur le logement pour tous et l’immobilier durable, en accord avec les collectivités. Deux filiales agissent au quotidien : le groupe SNI 1er bailleur de France et Icade, bâtisseur et gestionnaire volontariste ».
Protéger l’épargne populaire
Le 19 juillet 2013, dans un communiqué commun avec le ministère de l’économie, le groupe Caisse des Dépôts annonçait « une mise à disposition des réseaux bancaires de 30 milliards d’euros de ressources centralisées aux fonds d’épargne. Ces ressources permettront aux banques de prêter davantage pour le financement de l’économie, principalement au bénéfice des petites et moyennes entreprises. Les exigences de transparence en matière d’utilisation de ces ressources seront revues à cette occasion. »
Question : êtes-vous en mesure de nous indiquer précisément l’usage qui a été fait de ces 30 milliards d’euros sur la base des « exigences de transparence » évoquées dans le communiqué du 19 juillet 2013 ?
Cette question ne peut être occultée, dans la mesure où Henri Emmanuelli a été amené à déclarer, le 14 novembre 2012, devant la Commission des finances de l’Assemblée nationale : « La liquidité de l’épargne réglementée est primordiale pour financer les urgences du pays. Lorsque la distribution du Livret A a été étendue à toutes les banques, celles-ci se sont engagées à financer les PME et à fournir un rapport sur l’utilisation des fonds collectés. Malgré les demandes répétées du président et du rapporteur général de la Commission des finances, nous n’avons jamais reçu ce document que nous attendons depuis près de deux ans. La semaine dernière encore, j’écrivais à ce propos à M. le gouverneur de la Banque de France ».
Sauf à prendre en considération, sans réserve aucune, le rapport de l’Observatoire de l’épargne réglementée, produit par la Banque de France, qui se caractérise par son caractère totalement et délibérément flou et imprécis, nous n’avons pas connaissance que les banques aient jamais rempli leurs obligations de transparence à l’égard de la représentation nationale. »
Une filiale de la CDC poursuit en diffamation les journalistes révélant ses secrets honteux !
Pour simplifier la lecture, Deontofi.com a voulu pointer cette zone d’ombre spécifique à la conception que les banques ont de la transparence qu’elles revendiquent. Mais le texte de la lettre ouverte aux dirigeants de la CDC traite aussi longuement des enjeux financiers liés à la gestion du logement social par la Caisse des Dépôts, avec des détails très instructifs, concernant notamment les activités de la SNI (Société nationale immobilière) « Premier bailleur de France avec 275 000 logements gérés et un million de personnes logées » qui est, depuis 2004, « la filiale immobilière d’intérêt général de la CDC » dirigée « par André Yché, président du directoire du groupe SNI et membre du Comité de direction groupe de la Caisse des Dépôts. » Deontofi.com reproduit le passage concernant les relations de cette filiale de la CDC avec la presse, qu’elle tente de bâillonner avec des poursuite abusives instrumentalisant la justice.
‘LA SNI ET SA POLITIQUE DE MISE EN CAUSE DU DROIT A L’INFORMATION
La SNI, ainsi que son président, André Yché, ont décidé d’engager des poursuites en diffamation contre Mediapart. Par son ampleur, cette plainte constitue une mise en cause du droit à l’information. La plainte ne vise pas en effet un article en particulier mais presque toutes les enquêtes mises en ligne, au cours des derniers mois, par Mediapart. Les articles qui sont jugés diffamatoires sont en effet pêle-mêle les suivants :
- Le logement social dans le piège des mondanités et de l’affairisme
- Vers une privatisation du n°1 du logement social
- Caisse des dépôts et SNI : le scandale Yché
- Jean-Pierre Jouyet pousse la Caisse des dépôts dans la crise
- Logement social : encore une embauche controversée à la CDC
- Logement social : sous le scandale de la SNI, celui de la Sagi
Or, dans ces enquêtes, Mediapart avait apporté de nombreuses révélations, notamment le contenu d’un rapport secret de la Cour des comptes sur la SNI, rapport dans lequel figuraient de très vives critiques sur l’opération conduite par cette société à l’occasion de la cession des 32 000 logements de la société Icade, autre filiale de la Caisse des dépôts. Les informations contenues dans ces enquêtes, solidement argumentées, ont été relayées par de très nombreux médias. A aucun moment, ni la SNI ni André Yché n’ont cru bon de répondre sur le fond aux très nombreuses révélations contenues dans ces articles.
Monsieur le Directeur général, Monsieur le Président, cette plainte en diffamation a-t-elle toujours le soutien de la Caisse des dépôts, la SNI étant la filiale immobilière d’intérêt général de la CDC ? Cette manière de mettre en cause le droit à l’information du public, sur des questions qui relèvent de toute évidence de l’intérêt général, doit-elle être interprétée comme un précédent destiné à inspirer l’ensemble du groupe CDC dans ses relations avec la presse dès lors que cette dernière exerce ses prérogatives en matière d’enquête et d’investigation ? »
Deontofi.com soutient cette alerte citoyenne et affirme sa solidarité avec nos confrères abusivement poursuivis par des sources à la crédibilité douteuse tentant désespérément de faire taire la révélation de leurs dérives.
Lire l’intégralité de la lettre ouverte ici : http://blogs.mediapart.fr/edition/les-invites-de-mediapart/article/100714/logement-social-ou-va-la-caisse-des-depots-et-consignations