Si l’épargne salariale reste globalement un très bon moyen de faire fructifier ses économies, quelques mauvaises surprises rencontrées par des épargnants avec leur plan d’épargne entreprise (PEE) ont néanmoins attiré l’attention du médiateur de l’Autorité des marchés financiers (AMF), Marielle Cohen-Branche, comme elle l’expliquait en présentant son rapport annuel 2013.

Marielle Cohen-Branche, médiateur de l'Autorité des marchés financiers (AMF) traite avec succès les réclamations des épargnants lésés. (photo © GPouzin)

Marielle Cohen-Branche, médiateur de l’Autorité des marchés financiers (AMF) traite avec succès les réclamations des épargnants lésés. (photo © GPouzin)

« Parmi les nouveautés de 2013, nous avons assisté à un doublement des dossiers liés à l’épargne salariale. Je reçois des dossiers car il y a mes coordonnées sur les relevés envoyés aux épargnants salariés », explique Marielle Cohen-Branche aux journalistes venus découvrir les dernières tendances des réclamations d’épargnants mécontents, dans les locaux du gendarme boursier, le 22 mai 2014. Dans son rapport annuel, le médiateur indique avoir reçu 42 réclamations liées à l’épargne salariale en 2013, contre 19 en 2012 (+120%), à cause de l’instruction n° 2012-07 de l’AMF qui « requiert que les réponses des services clients aux réclamations non satisfaites citent le nom et les coordonnées du ou des médiateurs compétents, en l’occurrence le médiateur de l’AMF ». Et encore, toutes les banques n’indiquent pas cette mention obligatoire à leurs clients mécontents. « Il faut s’attendre à ce que cette tendance s’accroisse lorsque tous les teneurs de compte se seront conformés à cette instruction », prévient le médiateur avec tact.

L’épargne salariale représente des enjeux importants pour notre économie comme pour les consommateurs concernés, avec des encours approchant 100 milliards d’euros. « On compte 11 millions de détenteurs d’épargne salariale au total, dont 3,5 millions d’actionnaires salariés, soit autant que d’actionnaires individuels, mais c’est un public captif moins bien protégé que les épargnants ordinaires », poursuit le médiateur de l’AMF. Contrairement à toute logique, les détenteurs de plans d’épargne d’entreprise (PEE) et de fonds communs de placement d’entreprise (FCPE) ne sont pas couverts par la directive européenne sur les marchés d’instruments financiers (MIF), en vigueur depuis novembre 2007, qui est censée améliorer la protection des consommateurs les plus néophytes en matière financière. Or, c’est précisément le cas des salariés épargnants.

« Les questionnaires de connaissance des clients, le devoir d’information, d’évaluation de l’adéquation des placements proposés à la situation des clients, aucune de ces mesures de protection des épargnants prévues dans la directive MIF ne s’applique à l’épargne salariale, déplore Marielle Cohen-Branche. Dans 90% des cas, l’AMF n’est pas compétente pour les réclamations dont elle est saisie, car la plupart des textes réglementant l’épargne salariale relèvent du Code du travail et leur application est de la responsabilité de l’employeur. » Pas toujours très coopératif, notamment vis-à-vis de ses actionnaires-salariés, comme Deontofi.com l’a observé récemment avec le détournement de vote des actionnaires salariés par la Société générale.

« Le seul angle pour l’AMF est celui de l’activité du teneur de comptes, indique Marielle Cohen-Branche, mais son client n’est pas directement l’épargnant, c’est l’entreprise ». Plus ou moins en concertation avec les élus du personnel, selon les cas, l’employeur choisit et paye l’établissement financier « teneur de compte » du plan d’épargne d’entreprise (PEE) auquel souscrivent ses salariés. « Vous voyez des conventions entre employeurs et syndicats dont l’épargnant est un bénéficiaire tiers », résume le médiateur sur un plan juridique. Autre conséquence de ce particularisme, « l’épargne salariale n’est pas soumise à la loi Murcef », observe Marielle Cohen-Branche. La loi Murcef du 11 décembre 2001 accorde aux banques, contrairement à d’autres commerces, le privilège de pouvoir changer leurs tarifs en cours de contrat sans l’accord de leurs clients. Mais elle les oblige en contrepartie à une information plus transparence sur leurs frais qu’avant cette loi. Tandis que pour l’épargne salariale « on ne sait pas quels frais vont être facturés », rappelle Marielle Cohen-Branche. Pour couronner le tout, le médiateur de l’AMF indique encore qu’elle n’est pas compétente pour les réclamations liées au Perco, plan d’épargne retraite collectif, proposé dans un cadre proche de l’épargne salariale qui relèvent du gendarme des assurances, l’ACPR.

Les détenteurs d’épargne salariale sont principalement confrontés à quatre types de problèmes, selon les réclamations qu’ils adressent au médiateur de l’AMF. « Il y a d’abord les cas de déblocage anticipés », explique Marielle Cohen-Branche. En principe, les versements sur un PEE sont bloqués cinq ans, à l’issue desquels les plus-values sont exonérées d’impôt pour ne subir que les prélèvements sociaux en cas de retrait. Il existe de nombreux cas de déblocage anticipé (départ de l’entreprise, mariage, achat de résidence principale, etc.) dont les règles sont déjà complexes (certains cas de déblocage étant valables six mois, d’autres sans limite). L’opacité de fonctionnement des PEE ajoute à la confusion alimentant les réclamations auprès du médiateur boursier. « Il peut y avoir un délai de 30 à 45 jours entre un ordre de versement sur un PEE et sa comptabilisation par le teneur de compte, détaille Marielle Cohen-Branche. Si le salarié s’est marié entre temps, il ne peut plus retirer son argent. Il y a un problème de visibilité et il faut attirer l’attention des épargnants en les informant clairement des possibilités réelles de déblocage ».

Dans le cas de l’actionnariat salarié, qui est une catégorie spécifique au sein des dispositifs d’épargne salariale, « les épargnants ne comprennent pas que leurs parts de FCPE ne répliquent pas les évolutions du cours de l’action de leur entreprise, signale encore le médiateur de l’AMF. Il faut un effort de pédagogie pour expliquer l’impact des mouvements de trésorerie qui expliquent ces écarts ».

Une troisième source de réclamation en matière d’épargne salariale survient après le départ de l’entreprise. « La plupart du temps, les droits de garde deviennent alors payants, explique Marielle Cohen-Branche. Et le teneur de compte n’ayant pas les coordonnées bancaires de l’épargnant, le Code du travail l’autorise à percevoir ces frais par prélèvements de parts ». Slurp !Comment les établissements teneurs de comptes s’y prennent-ils pour se servir dans les poches des épargnants ? « C’est variable, répond le médiateur de l’AMF, par exemple sous forme d’écrêtage. On a eu le cas d’un retraité qui avait conservé 150 euros d’épargne salariale en quittant son entreprise et n’avait plus rien au bout de quatre ans car les frais avaient tout mangé. »

On comprend le profit des banques à conserver l’épargne d’anciens salariés qu’elles siphonnent discrètement, mais le médiateur boursier estime qu’un peu de déontologie atténuerait la déception légitime de leurs victimes. Dans cet esprit, Marielle Cohen-Branche suggère que l’on pose cette simple question aux salariés quittant leur entreprise : « voulez-vous récupérer tout de suite votre épargne salariale ou laisser l’argent et payer des frais ? ». On saurait mieux à quoi s’en tenir.

Alors que les obligations d’information et de conseil de la directive MIF renforcent depuis sept ans la protection des consommateurs de produits et services financiers, elles laissent injustement de côté les 11 millions de détenteurs d’épargne salariale. En attendant que la réglementation progresse, le médiateur boursier voudrait simplement qu’on donne à ces épargnants, souvent néophytes, un peu plus d’informations utiles pour éviter les mauvaises surprises.

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2 commentaires

  1. André, le

    « On a eu le cas d’un retraité qui avait conservé 150 euros d’épargne salariale en quittant son entreprise et n’avait plus rien au bout de quatre ans car les frais avaient tout mangé »

    que se passe-t-il dans ce cas? dans le cas d’un PERCO? est-il cloturé ou lé détenteur doit-il s’aquiter des frais de gestion même si il n’a plus de capital?

    • Gilles Pouzin, le

      Bonjour cher lecteur et merci pour votre témoignage sur Deontofi.com
      Malheureusement il n’y a pas grand-chose à faire et peu d’espoir de récupérer les 150 euros spoliés par la banque à l’insu de l’épargnant.
      La meilleure chose à faire est sans doute de témoigner en détail de votre cas dans ce même espace de commentaire en précisant bien le nom de l’entreprise dans laquelle l’épargne salariale avait été souscrite et le nom de la banque qui a mangé ladite épargne.
      Dans le cas d’un Perco on n’est pas mieux loti, en revanche il n’est évidemment pas question que la banque prélève plus de frais qu’il n’y a d’épargne sur un compte pour la tenue de ce compte.
      En espérant que cette réponse vous aura été utile, merci de partager les articles de Deontofi.com qui vous intéressent avec vos contacts et amis sur Facebook, Twitter et les réseaux sociaux.

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