Catégories de l'article : DéontologieInstitutionsJustice

(Tout le procès Pérol ici) Pérol10. Mercredi 24 juin 2015, second jour du procès de François Pérol. L’ex-secrétaire adjoint de l’Elysée raconte comment le patron des Caisses d’épargne, qu’il a remplacé depuis, demande à l’État de renflouer l’Ecureuil menaçant de faillite.

Le jour où la France apprit que l'Ecureuil avait perdu ses noisettes en pariant plus que sa mise, sa mascotte errait au Forum de l'investissement, tandis que le régional de l'étape s'inquiétait de la réaction des clients à cette bévue. "Ils vont me lancer des tomates", répétait-il affolé. (photo © GPouzin)

Le jour où la France apprit que l’Ecureuil avait perdu ses noisettes en pariant plus que sa mise, sa mascotte errait au Forum de l’investissement, tandis que le régional de l’étape s’inquiétait de la réaction des clients à cette bévue. « Ils vont me lancer des tomates », répétait-il affolé. (photo © GPouzin)

11h25. À la reprise après la pause, le juge président ce tribunal, Mr Peimane Ghaleh-Marzban, revient sur les événements des dernières semaines ayant précédé le parachutage de François Pérol à la tête du groupe BPCE dont il avait accompagné la fusion en tant que secrétaire générale adjoint de l’Elysée sous la présidence de Nicolas Sarkozy.

– Janvier 2009, on observe une sorte de compression du temps. Le décrochage de Mr Dupont, fin janvier, va modifier le cours des événements. Le samedi 21 février à 11h45, il y a une réunion chez le président de la République, avec l’annonce des pertes des Caisses d’épargne prévue le 25 février. On doit considérer aussi le contexte de pertes de trading d’une autre grande banque, expose le juge, conscient que chacun aura reconnu l’épisode Kerviel / Société générale. Le 2 janvier Comolet voit Lagarde, le 5 janvier le premier ministre, le 12 janvier Dupont voit Guéant.

Les deux dirigeants me disent que Natixis est en grande difficulté en raison d’un portefeuille d’actifs de 60 milliards d’euros susceptible d’entraîner des pertes supérieures à 10 milliards, considérant que la viabilité du groupe est en jeu, raconte François Pérol. Comolet, plus inquiet que Dupont, me dit « les Caisses d’épargne vont sauter ». Je leur ai demandé des pistes. Ils avaient deux idées, que Natixis soit nationalisée, ou comme pour Dexia que l’État donne sa garantie sur Natixis. Ces mesures extrêmement importantes n’entraient pas dans le cadre de la loi de 2008. Je leur ai demandé s’ils avaient pris contact avec Bercy et la Banque de France, en leur expliquant que je ne pouvais pas grand-chose pour eux.

– Vous en parlez au président de la République ?

– Certainement.

– Oui, puisqu’il vous dit d’en parler avec Trichet, l’encourage le juge.

– Même si la BCE n’a pas le rôle de supervision qu’elle a aujourd’hui, le président de la BCE voit les demandes individuelles de chaque établissement, précise François Pérol.

– Est-ce que vous rentrez dans le sujet de la recapitalisation, des niveaux de risque…

– Compte tenu des indications données par les dirigeants des deux banques, à l’époque la Commission bancaire, aujourd’hui l’ACPR, s’est livrée à un diagnostic sur la situation des deux groupes et de Natixis. La Commission bancaire supervise en permanence tous les établissements bancaires, ses services ont fait une nouvelle analyse approfondie. La direction du Trésor n’a pas les moyens de faire ce diagnostic. Sur cette base, la conclusion qui s’impose sur le minimum de fonds propres réglementaires s’appelle le pilier 1, puis en analysant la situation de chaque banque on a le pilier 2, que la Commission bancaire ajoute à ses exigences en fonds propres. La nécessité de recapitaliser signifiait qu’ils avaient besoin de 5 milliards d’euros. C’est inenvisageable pour Natixis par un appel aux marchés de capitaux, et comme les deux groupes ne sont pas cotés, ils ne le peuvent pas non plus. La seule solution est une recapitalisation par l’État. La direction du Trésor a une compétence techniquement liée sur le montant, mais elle est aidée par la Commission bancaire, explique François Pérol avec une pédagogie certaine, bien qu’elle laisse un arrière goût de diversion à l’auditoire.

– Le rôle des pouvoirs publics dans la recapitalisation, le choix des dirigeants, on l’évoquera à propos d’autres réunions, interrompt le juge. Nous entendrons Christian Noyer demain, précise-t-il. L’évaluation de 5 milliards d’euros ne peut pas être faite par Monsieur Pérol, seule la Commission bancaire et la Banque de France peuvent le faire. Mr Mettling dit qu’il n’a pas connaissance d’intervention politique. Pourtant, nous avons des déclarations constantes disant que, si le chiffre n’a pas été évalué par vous, sa mise en œuvre n’aurait pas pu se faire sans l’intervention du président de la République. Stéphane Richard, cote d122, à qui on demande « sans accord de l’Elysée, la fusion pouvait-elle se faire ? », répond « il n’y aurait pas eu de recapitalisation de 5 milliards sans l’accord de l’Elysée, et sur sa mise en œuvre ». Il y avait donc une implication du président de la République sur l’aide de l’État, je présume que la décision politique dépendait du président de la République sur avis du ministère des finances. Cote D113, déclaration de Bernard Comolet : « qui a déterminé les 5 milliards ? Le président m’a dit : je sais que vous avez besoin de 5 milliards et on vous les prêtera. Je présume que François Pérol, par son expérience de la banque et sa connaissance des dossiers Banque Populaire et Caisse d’épargne, a pu conseiller le chef de l’État »« on sentait une vraie prise en main de ce dossier par le président de la République ». Mettling à nouveau, cote d118 p.5, est interrogé sur la possibilité d’une aide de l’État sans l’autorisation du président et les conseils de Claude Guéant et François Pérol, répond : « il n’y aurait pas eu d’aide si ces instances ne l’avaient pas validée. Mais dans ces périodes, il n’était pas anormal de le porter à la connaissance du président de la République ». Cote D133 p.4, une déclaration de Minc plus générale: « Une aide sans l’accord de l’Elysée ? Bien sûr que non, l’affaire Dexia s’était réglée à 5 heures du matin dans le bureau du président. C’était l’état d’urgence au sens constitutionnel. L’urgence était qu’il y ait quelqu’un à la barre de ce vaisseau le jour où on lui donnait l’argent. C’était géré par un petit collectif : Sarkozy, Lagarde, le Trésor, la Banque de France. Sans la crise financière, François Pérol ne serai jamais devenu président car les établissements mutualistes ont horreur des pièces rapportées qu’ils savent tenir à distance ».

– Je vais vous expliquer la façon dont cela s’est vraiment passé, réagit François Pérol, car j’y étais contrairement à Monsieur Minc que ne n’ai jamais vu mais qui en parle avec style. La décision politique résulte du discours de Toulon, du sommet de la zone euro et de la loi du 16 octobre 2008, votée au parlement et mise en œuvre par le gouvernement concernant l’aide pour les banques. Elles n’ont pas été validées par le président de la République car l’ensemble des aides individuelles étaient préparées et validées par le ministère des finances. C’était une déclinaison de l’aide générale. Le président validait les plans, 40 milliards plus 320 milliards, soit 360 milliards…

Vous nous dites que le président décidait de l’enveloppe dont les aides sont la déclinaison… On vous reproche d’avoir donné un avis sur cette recapitalisation de 5 milliards. Est-ce que le président de la République décide des 5 milliards dans le cadre des 360 milliards, et dans ce cas êtes-vous partie prenante ?

– J’ai aussi conseillé la suppression de la taxe professionnelle et des exonérations dont ont bénéficié de nombreuses entreprises. Dans ce cas je souhaite bonne chance à la commission de déontologie. Je vous dis la vérité.

– C’est une chose qui nous intéresse. Avez-vous donné un avis sur cet engagement ?

Le président a donné un engagement, validé les 360 milliards, j’ai donné mon avis dessus. Ensuite savoir si BPCE devait y avoir droit, comme la BNP, le Crédit agricole ou le Crédit mutuel, c’est une décision préparée et mise en œuvre par le ministère des finances.

– Dans la note du 21 février vous évoquez cette recapitalisation. Quand en avez-vous connaissance ?

– Difficile de se souvenir six ans après les faits. Il faut que cela reste dans le cadre de la loi du 16 octobre qui dit que « le ministère des finances peut engager la responsabilité de l’État jusqu’à 360 milliards ». Par exemple BNP tire 5 milliards d’actions de préférence sur le deuxième plan de recapitalisation sur la base des chiffres calculés par le Trésor. J’ai donné un avis sur le traitement de la crise, dans le discours de Toulon.

(Tout le procès Pérol ici) 

Laisser un commentaire