Le succès commercial des placements boursiers à capital plus ou moins garanti a connu une dérive ayant entraîné des déceptions croissantes chez les épargnants, avec des vagues de procès sans précédent à l’encontre des promoteurs et distributeurs de ces produits financiers. Pour y remédier, l’Autorité des marchés financiers vient de publier une nouvelle recommandation qui devrait contribuer à clarifier les appellations utilisables par les professionnels pour réduire les risques de confusion. Explications de La Lettre de La Déontologie Financière Déontofi.

Beaucoup de placements à formules n'ont pas tenu leurs promesses (photo © GPouzin)

Beaucoup de placements « structurés » à formules complexes n’ont pas tenu leurs promesses (photo © GPouzin)

Les épargnants apprécient les placements simples et rassurants. Quoi de plus légitime ? Face à ce constat, les professionnels de la finance français, réputés plus matheux que d’autres, on inventé au début des années 1990 des placements « garantis » permettant de profiter partiellement des hausses de la Bourse avec la garantie de récupérer leur capital à une date fixée d’avance, grâce à de savants cocktails d’options sur les marchés à terme, pour profiter des performances boursières, mélangées avec des obligations sans risque, dont le rendement confortable permettait d’assurer le remboursement du capital. Présentés sous forme de fonds d’investissements (Sicav, fonds communs de placements…) ou d’obligations indexées à valeur de remboursement variables, émises par les banques à leur profit (EMTN…), ces placements ont été baptisés « produits structurés » dans le jargon financier, et « placements à promesse », pour le grand public.

De mémoire, les premiers fonds garantis proposaient une formule claire, par exemple 50% de la hausse de l’indice CAC 40 (hors dividendes) au bout de six ans, avec une garantie du capital en cas de baisse de la Bourse. Le haut niveau des taux d’intérêt (proches de 10% en 1992), permettait de garantir le capital à terme en gardant une partie importante de chaque souscription pour miser sur des options permettant de profiter d’un rebond de la Bourse.

La baisse des taux a rendu ces formules simples impossibles à mettre en place. Pour garder des formules « attractives », les banques ont continué à garantir le capital et à promettre des gains élevés, par exemple jusqu’à 40% de la hausse de l’indice CAC 40, mais avec une petite ligne expliquant « 40% de la moyenne des cours constatée trimestriellement ». En clair, cela rapportait deux à quatre fois moins en période de hausse régulière.

Les taux d’intérêt ayant encore plus baissé au tournant des années 2000, il devenait impossible de promettre un gain suffisamment attractif en garantissant totalement le capital. Les banques ont alors proposé des placements permettant de profiter d’une partie des gains de la Bourse, dans certains cas, avec une garantie du capital, mais seulement partielle. Un des plus célèbre fut le fonds Bénéfic de La Poste, qui promettait 23% de gains, même si la Bourse gagnait 0% ! Avec même une garantie du capital, sauf si l’indice CAC 40 perdait plus de 23%.

D’autres placements garantissaient intégralement le capital, en promettant des gains très alléchants, par exemple un doublement du capital, sauf si les indices boursiers ou actions de référence de la formule baissaient sous un certain niveau pendant la vie du fonds. Un des plus célèbre fut le fonds Doubl’Ô des Caisses d’Epargne, qui promettait le doublement du capital, sauf si l’indice boursier baissait d’un certain niveau. Pour stigmatiser cette clause « piégeuse », nous les avons appelé les placements « sauf si ».

Qu’il s’agisse de Bénéfic, Doubl’Ô, ou de centaines de placements comparables proposés par la plupart des banques, la promesse n’a pas été tenue, entraînant des milliers de déceptions et de litiges.

Les placements « structurés », « à promesses » ou « garantis » sont devenus la première source de réclamations auprès du gendarme de la Bourse. Les tribunaux ont été saisis de dizaines, voire centaines de procès, au civil et au pénal, contre les promoteurs de ces placements. Au terme d’un long combat juridique, des avocats défenseurs des épargnants, Maîtres Hélène Feron-Poloni et Nicolas Lecoq Vallon, ont obtenu la condamnation des Caisses d’Epargne par un arrêt de la Cour de Cassation du 24 juin 2008 qui a reconnu la responsabilité des promoteurs et distributeurs de ces placements vis-à-vis des épargnants lésés en raison de leur présentation trompeuse.

De leur côté, dans une recommandation commune du 15 octobre 2010, les gardiens de l’épargne, l’Autorité des marchés financiers (AMF) pour les produits financiers, et l’Autorité de contrôle prudentiel (ACP) pour les produits financiers en assurance vie, ont annoncé des mesures pour mieux encadrer la commercialisation de ces placements. En gros, les autorités n’interdisaient pas ces placements (elles n’en ont pas le pouvoir), mais interdisait leur commercialisation sans un avertissement plus clair sur leurs inconvénients et leurs risques, comme la possibilité de ne rien gagner et de subir une perte en capital.

Malgré cette contrainte, les banques ont continué à proposer des placements structurés à formule de plus en plus complexes, difficiles à comprendre même pour des professionnels avertis, et absolument impossibles à expliquer clairement et simplement, tant ils ne sont ni simples ni clairs.

Dans ce contexte, la position AMF n°2013-12, publiée par l’AMF le 20 septembre 2013, améliore encore un peu la protection future des épargnants, autant qu’elle les éclaire sur les dérives passées. En résumé, l’AMF considère officiellement illégal d’utiliser le terme « garanti » pour un placement ne garantissant pas aux épargnants de récupérer l’intégralité de leur investissement.

Sources et liens :
Cour de Cassation 06-21.798 Arrêt n° 740 du 24 juin 2008

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