Sommaire :
- Edito : Pourquoi une Lettre dédiée à la déontologie financière ?
- Déontologie financière et santé au travail : Risque de syndromes anxio-dépressifs accru dans les activités financières
- Réglementation et déontologie financière : Les réclamations des clients maltraitées !
- Déontologie financière et médias : Fideo, organe d’autorégulation de la presse financière à la dérive.
- La déontologie financière en procès : jurisprudence, audiences et sanctions. Déontologie financière et délit d’initié : sondage de marché et information privilégiée.
Pourquoi une Lettre dédiée à la déontologie financière ?
La crise a fait entrer la gouvernance du système financier dans la vie des citoyens. Depuis 2008, la solidité, la transparence, et l’efficacité des banques sont des enjeux de débat public dont s’emparent aussi les clients, épargnants, contribuables, travailleurs de tous secteurs et de tous statuts, étudiants ou retraités. La déontologie financière, c’est-à-dire l’ensemble des règles morales régissant les institutions financières, concerne tout le monde. Les dérives déontologiques expliquent les catastrophes de la dernière décennie : maquillage des chiffres d’endettement de la Grèce avec l’aide des banques, entraînant la crise de l’euro ; titrisation de prêts mal garantis vendus comme des placements sûrs, entraînant la crise des subprimes et les faillites bancaires ; manquements professionnels et défauts de contrôle de banques françaises entraînant leur ruine, celle de leurs actionnaires ou de leurs clients. La déontologie financière est un sujet au cœur de bien des problèmes, qui mérite d’être mieux expliqué et commenté, pour que chacun prenne conscience de son importance. Lisez-nous et parlez-en !
Déontologie financière et santé au travail :
Risque de syndromes anxio-dépressifs accru dans les activités financières
D’un côté, les dirigeants financiers ont un discours uniforme sur la nécessité d’entretenir le plus haut niveau de déontologie dans leurs institutions. De l’autre, bien des clients ont l’impression que leurs intérêts passent après ceux des banques, compagnies d’assurance ou sociétés de gestion dont ils payent les services ou à qui ils confient leur argent. Entre les deux, les salariés sont le relais concret sur lequel repose la mise en œuvre de la déontologie. Mais ils sont souvent soumis à des injonctions contradictoires entre l’intérêt des clients et les exigences de profits, objectifs commerciaux et autres pressions de productivité incompatibles avec les bonnes pratiques déontologiques.
Les objectifs contradictoires des salariés du secteur financier nuisent autant à leur santé qu’à l’intérêt des clients. Plusieurs suicides témoignent du mal être dans les banques, dont celui d’une responsable de déontologie de BNP Paribas le 23 octobre 2010, confirmé par une grande étude menée depuis dix ans sur les conditions de santé au travail en France, dans le secteur financier (lire Libération du 22/12/2010 p.12 suicide en sourdine a la bnp paribas et la lettre ouverte au président de la BNP, aux dirigeants et actionnaires adressée par Médiapart le 16/11/2010 ).
Le Réseau national de vigilance et de prévention des pathologies professionnelles ( mv3p ), coordonné par l’Agence nationale de sécurité sanitaire (Anses.fr) a publié un bilan sur plus de 200 000 consultations pour des problèmes de santé au travail dans 32 hôpitaux entre 2001 et 2009. Les pathologies ou symptômes psychiques tels que les syndromes anxio-dépressifs, représentent 22 % des pathologies officiellement en relation avec les conditions de travail, ce qui en fait le second plus grand fléau professionnel après les pathologies respiratoires (24%).
Ces pathologies entrainent comparativement plus de consultations dans les secteurs tertiaires, « notamment pour les activités financières », citées en tête de liste par les auteurs de l’étude. Ils observent une « sur-notification » de ces pathologies par rapport à d’autres dans le secteur financier, les problèmes de santé observés ayant 11 fois plus de chances d’être d’origine psychique que d’une autre nature (pages 8-9-74 et 75 du rapport). Lire les conclusions générales et l’intégralité du rapport de 282 pages.
Réglementation et déontologie financière :
Les réclamations des clients maltraitées !
Comment améliorer le traitement des réclamations dans les banques et chez les assureurs ? Il suffit de s’être plaint à sa banque, ou de connaître quelqu’un qui l’a fait, pour savoir qu’il s’agit souvent d’un parcours du combattant au résultat décevant. Soucieuses d’améliorer cette situation, l’Autorité de contrôle prudentiel (ACP, qui regroupe la supervision des banques et des assurances) et l’Autorité des marchés financiers (AMF), ont analysé les difficultés rencontrées par les clients dans cette situation. Grâce aux 55 000 appels téléphoniques reçus en dix mois par leur plateforme commune Assurance Banque Epargne Info Service (www.abe-infoservice.fr, Tél : 0811 901 801), l’ACP et l’AMF, en lien avec des associations professionnelles et de consommateurs, ont pointé trois sources de dysfonctionnement :
- le client ne trouve pas à qui adresser sa réclamation (les noms des services ne sont pas clairs, le client n’est pas informé du déroulement ni du délai de réponse…) ;
- les banques, assureurs et sociétés de gestion sont mal organisés pour traiter les réclamations (manque de formalisation des procédures, pas de récépissés…).
- les institutions financières n’exploitent pas les réclamations des clients pour améliorer leurs pratiques internes.
Fortes de ce bilan, l’ACP et l’AMF ont annoncé des mesures d’amélioration lors de leur conférence de presse du 15 décembre 2011, autour de trois axes :
- garantir une information claire, compréhensible et transparente sur les réclamations.
- permettre un traitement efficace et harmonisé des réclamations;
- inciter les professionnels à exploiter ces sources, mettre en place des actions correctives et améliorer leurs procédures.
L’ACP a publié une très officielle « Recommandation sur le traitement des réclamations » de 8 pages, la Recommandation 2011-R-05, tandis que l’AMF modifiera les dispositions de son règlement général concernant les réclamations des clients après une consultation publique. Seul bémol, ces mesures n’entreront en vigueur qu’au 1er septembre 2012.
Déontologie financière et médias :
Fideo, organe d’autorégulation de la presse financière à la dérive.
La presse est un acteur important pour promouvoir la déontologie financière, à condition qu’elle soit elle-même vertueuse. Après l’éclatement de la bulle internet en 2000, la directive « abus de marché » (2003/125/CE adoptée par la Commission européenne le 22/12/2003) avait prévu de renforcer la vigilance déontologique de la presse financière. Sa transposition en droit français par la loi du 26 juillet 2005 pour la confiance et la modernisation de l’économie, avait abouti à la création, le 7 novembre 2006, de l’association Fideo avec pour mission « d’assurer le respect par ses membres du code de bonne conduite des médias sur la présentation équitable des recommandations d’investissements et la mention des conflits d’intérêt » (source : Fideo ). Dans la pratique, Fideo doit assurer la mission qui lui est dévolue par les articles L621-31 à L621-35 du Code monétaire et financier, sous la supervision de l’AMF. Pendant cinq ans, Fideo est restée inconnue du public, et même de la plupart des journalistes. Jusqu’à ce que plusieurs articles de presse (notamment : Rue89 du 24/11/2011 ) révèlent les conflits d’intérêt d’un éditeur de presse secrétaire général de l’association Fideo. Les doutes sur la capacité de Fideo à améliorer la déontologie de la presse financière sont malheureusement confirmés (lire le Bulletin de l’Association de préfiguration d’un conseil de presse APCP n°8 et les pistes pour un Code de déontologie de la presse de la CFTC). L’Autorité des marchés financiers, légalement chargée de surveiller Fideo, ne s’est pas encore prononcée sur ce dossier délicat.
La déontologie financière en procès : jurisprudence, audiences et sanctions.
Déontologie financière et délit d’initié : sondage de marché et information privilégiée.
Commission des sanctions de l’AMF, séance du 24/11/2011.
Les faits.
Fin 2008, en pleine crise de liquidité suite à la faillite de la banque Lehman, Schneider Electric et Saint Gobain s’apprêtent à émettre deux nouveaux emprunts. BNP Paribas et Société général, chargés de vendre ces nouveaux emprunts aux investisseurs, effectuent des sondages auprès des gérants de Sicav. Les banques sondent l’intérêt des acheteurs, selon différents prix proposés. En matière obligataire, le prix des titres est déterminé par leur écart de taux avec les emprunts d’Etat de même durée. Le 12/01/2009, les banques proposent ainsi un emprunt St Gobain sur cinq ans et demi avec un taux supérieur de 4,5 à 5% par rapport aux emprunts d’Etat (spread de 450 à 500 points de base). La demande potentielle de titres étant trop faible, ils sondent les acheteurs le lendemain, 13/01/2009, en proposant un taux supérieur de 5,25% par rapport aux emprunts d’Etat (spread de 525 points de base). La demande potentielle atteint 500 millions d’euros et l’emprunt est officiellement lancé le 14/01/2009 avec ces caractéristiques (St Go. 8,25% 28/07/2014). Les caractéristiques du nouvel emprunt représentent une décote par rapport au cours des obligations St Gobain existantes les plus comparables (St Go. 7,25% 09/2013) dont le cours s’ajuste avec une chute de 5,6%.
Point litigieux :
La Société générale a sondé la société Allianz Global Investors (Allianz GI) une première fois le 12/01/2009 à 15h07 en lui donnant les caractéristiques indicatives du nouvel emprunt. Un gérant de fonds d’Allianz GI informé de l’opération a vendu pour 3 millions d’euros d’anciennes obligations St Gobain pour le compte de ses clients, le 12/01/2009 Entre 15h25 et 15h33, avant la chute de leur cours provoquée par l’arrivée du nouvel emprunt. S’agit-il d’un délit d’initié ? Devait-il s’interdire de vendre ces titres à la suite du sondage ?
Débat juridique :
Qu’est-ce qu’un délit d’initié ? Selon l’article L465-1 du Code monétaire et financier, c’est le fait de réaliser des transactions sur des titres sur lesquels on a des informations privilégiées. L’article 621-1 du règlement de l’AMF précise qu’il s’agit d’une information précise qui n’a pas été rendue publique et qui, si elle l’était, pourrait influencer le cours des titres concernés.
Délibéré :
après six heures de débats, la décision de la Commission des sanctions est attendue début janvier 2012. Bonne année 2012