Méfiez-vous des propositions alléchantes pour investir dans des projets extraordinaires ou des biens divers censés vous assurer des revenus et une garantie du capital. La seule garantie dont les épargnants peuvent être certains est de se faire avoir par ces attrape-nigauds. Les explications de Deontofi.com.
Cinq minutes pour comprendre :
Retrouvez ici l’interview TV sur ce thème dans l’émission Ecorama du 02/02/2015
Aujourd’hui Parlons Cash avec Gilles Pouzin, journaliste du site de la déontologie financière, Deontofi.com, pour évoquer les placements en « bien divers », une appellation très vague, alors de quoi s’agit-il ?
– Diamants, timbres, lettres et manuscrits, montres de luxe et bouteilles de vin, éoliennes ou panneaux solaires, mobile homes ou villas au bout du monde, holdings nourrices et autres élucubrations exotiques font partie de ce qu’on appelle des placements « en biens divers », c’est-à-dire qui ne sont ni des placements financiers, ni vraiment des investissements immobiliers, dans lesquels beaucoup d’épargnants ont englouti leurs économies.
L’idée n’est pas nouvelle, de tenter la fortune en participant à une aventure commerciale ou en achetant des biens précieux que l’on espère revendre plus cher. En 1637, les bulbes de tulipe ont valu jusqu’à vingt fois le salaire annuel des artisans d’Amsterdam, avant de s’écrouler sur les spéculateurs crédules. La flambée de certaines œuvres d’art élitistes, dans les ventes aux enchères internationales, suscite aussi des vocations.
– Avec la baisse des taux les épargnants sont sensibles à ces propositions ? Pourquoi ? Est-ce qu’ils promettent des rendements fabuleux ?
– La crise a eu un double effet sur les placements financiers et la psychologie des épargnants. D’un côté, le rendement des placements sans risque est devenu ridicule à cause de la baisse des taux des banques centrales. De l’autre côté, les krachs boursiers de 2002 et 2008 ont rendu les épargnants extrêmement méfiants vis-à-vis des placements dynamiques traditionnels comme les actions.
Selon un sondage Ifop de fin 2013 «quatre Français sur dix (40%) considèrent ainsi que le vin, l’art ou la forêt sont des placements relativement peu risqués (contre 10% seulement pour les actions) et un Français sur trois (33%) considère que placer dans le vin, l’art ou la forêt est une bonne façon de conserver ses économies (contre 20% pour les actions) »., Cette perception a pu évoluer avec la hausse de la Bourse ces derniers mois, mais tout au long de l’année 2014, l’Autorité des marchés financiers a manifesté plusieurs fois son inquiétude et ses mises en garde aux épargnants face à la multiplication de ce type de propositions douteuses.
– Les vrais placements sûrs rapportent très peu (1% pour le livre A, autour de 3% pour l’assurance vie en euros) tandis que les marchands de rêves font miroiter des gains et rendements « garantis » bien supérieurs.
– C’est vrai, et c’est même la base pour endormir la vigilance des épargnants. Quand on promet aux gens de gagner de l’argent, beaucoup ont les yeux qui brillent et perdent leurs réflexes de bon sens. Dans le cas des placements en biens divers, on vous promet toujours une bonne affaire, en dehors des sentiers battus, la promesse de faire un bon coup en étant plus malin que les autres. Dans le cas des placements en lettres et manuscrits, des mobile-homes ou des panneaux solaires, les vendeurs de ces montages tentent de vous convaincre que vous pouvez gagner 7 ou 8% sans risque, ce qui est évidemment faux.
– Mais qu’est-ce qui permet de dire que les gains promis sont illusoires, pourquoi ?
– Vous savez, il existe en réalité très peu de placements vraiment garantis sans risque. Et le gendarme de la Bourse a d’ailleurs durci ses règles vis-à-vis de toutes les promesses de rendement ou de garantie du capital car on s’est aperçu que beaucoup de placements financiers faisaient des promesses à garanties variables, comme on l’a vu dès la décennie 2000 avec le fonds Bénéfic, Ecureuil Europe ou Doubl’O. Or, le problème des placements en biens divers est qu’ils échappent aux règles strictes imposées aux établissements financiers, par l’AMF, ou le gendarme des banques et des assurances, l’ACPR rattaché à la Banque de France. En général, quand des épargnants me demandent mon avis sur une proposition d’investissement censée être l’affaire du siècle, il suffit de décortiquer les documents contractuels pour voir que les garanties sont illusoires et ne tiennent pas la route. Dans le meilleur des cas, car bien souvent toutes ces promesses sont orales ou sur de vagues courriels mais sans promesses contractuelles.
– Les garanties n’ont donc aucune valeur, pourquoi ?
– Quand on est face à un placement bidon, il y a plusieurs vulnérabilités à ausculter. Premièrement, quelle est la promesse ? Bien souvent il n’y en a pas. Prenons le cas de placements en lettres et manuscrits d’Aristophil. Des épargnants croyaient qu’on leur promettait un gain, par oral peut-être, mais par écrit il n’y avait aucune garantie, enfin aucune garantie concrète de réalisation de la pseudo-promesse à laquelle ils croyaient. Il y avait une belle liste écrite de 7 garanties, mais aucune ne garantissant de récupérer son argent ou le rendement rêvé. Pour ce qui concerne ce fameux rendement, certains épargnants croyaient pouvoir gagner 8,5% par an car leur contrat prévoyait une « promesse de vente » à un prix « ne pouvant être inférieur au prix d’achat majoré de 8,5% par an », mais une promesse de vente de l’épargnant n’est absolument pas une promesse de rachat du vendeur. En clair, l’épargnant promet qu’il acceptera de revendre son placement plus cher. Mais si personne ne veut le racheter, il ne récupère ni son rendement ni son argent.
– Les épargnants sont donc bien moins protégés qu’avec les produits d’épargne classique, pourquoi ?
– Une première vague d’escroqueries et de scandales liés à ces investissements bidon avait nécessité une législation spécifique pour protéger les épargnants. L’article L 550-1 du Code monétaire et financier prévoyait ainsi de soumettre ces montages à la supervision du gendarme boursier « lorsque les acquéreurs n’en assurent pas eux-mêmes la gestion ou lorsque le contrat offre une faculté de reprise ou d’échange et la revalorisation du capital investi », obligeant les intermédiaires en biens divers à avoir un agrément de l’AMF et à respecter des obligations d’information claire et non trompeuse. Mais on l’a vu, cette réglementation est facile à contourner puisqu’il suffit de ne rien promettre du tout, au moins contractuellement, pour y échapper. Même si on tient un discours laissant croire que c’est un placement sérieux.
– Et aujourd’hui, est-ce que les épargnants sont mieux protégés ?
– Oui et non. En théorie la réglementation est plus protectrice. le gendarme boursier a plaidé sa cause en haut lieu et obtenu une modification de l’article L550-1 du Code monétaire et financier, discrètement insérée dans le projet de loi Hamon. Grâce à la nouvelle rédaction de cet article sur les intermédiaires en biens divers, l’AMF dispose maintenant de nouveaux pouvoir « afin d’assurer la protection des consommateurs tentés par ces produits alternatifs », pour reprendre le terme pudique utilisé par l’AMF pour désigner ces arnaques.
Depuis le 17 mars 2014, le nouvel article L 550-1 du Code monétaire et financier vise deux types d’intermédiaire en biens divers. Premièrement : « Toute personne qui, directement ou indirectement, par voie de communication à caractère promotionnel ou de démarchage, propose à titre habituel à un ou plusieurs clients ou clients potentiels de souscrire des rentes viagères ou d’acquérir des droits sur des biens mobiliers ou immobiliers lorsque les acquéreurs n’en assurent pas eux-mêmes la gestion ou lorsque le contrat leur offre une faculté de reprise ou d’échange et la revalorisation du capital investi ». Deuxièmement : « Est également un intermédiaire en biens divers toute personne qui propose à un ou plusieurs clients ou clients potentiels d’acquérir des droits sur un ou plusieurs biens en mettant en avant la possibilité d’un rendement financier direct ou indirect ou ayant un effet économique similaire ». Ils ne sont plus soumis à un agrément préalable de l’AMF, ni même susceptible d’être poursuivis par sa Commission des sanctions.
En pratique, rien ne remplace le bon sens et la vigilance. On voit encore trop d’épargnants se faire avoir par des arnaques faciles à identifier si on prend la peine de s’informer et de vérifier les pièges éventuels auprès de sources d’informations sérieuses et fiables comme Deontofi.com.
bonjour,
et que faut il penser des offres journalières dans le cadre du CROWFUNDIG / IMMOBILIER
avec des rendements de 9 à 10 % sur période de 24 / 36 MOIS ?
SONT ILS ACCEPTABLES au regard de la loi ?
cdlt
dp
Bonjour cher lecteur et merci pour cette question pertinente.
Le crowdfunding, ou financement participatif, a été progressivement encadré depuis 2014 par des réglementations davantage protectrices des épargnants.
Un cadre légal pour le financement participatif sur les sites de crowdfunding
Les intermédiaires doivent être agréés par l’AMF et respecter de nombreuses règles, prévoyant notamment
le calcul et la publication de taux de défaillance par les plateformes ;
la mise en place d’un dispositif de gestion extinctive pour les plateformes.
Les risques de perte du crowdfunding bientôt mieux exposés aux épargnants
Cela n’empêche évidemment pas les fraudes par des acteurs peu scrupuleux.
Exemple: Nouveau site bidon de financement participatif épinglé par le gendarme boursier
En résumé, de telles publicités sont en principe légales, mais il convient de vérifier de qui elles émanent et de garder à l’esprit que le rendement des prêts participatifs est toujours associé aux risques d’impayés et/ou de défaillance des emprunteurs. Ainsi, le rendement annoncé d’un placement en prêt participatif n’est jamais garanti.
Espérant que cette réponse vous aura été utile, bonne lecture sur Deontofi.com