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Les cabinets d’audit ne sont pas plus fiables que les faux diplômes des agences de notation financière (image icij)

Commander une enquête indépendante auprès d’un cabinet de conseil, pour s’innocenter des fraudes, discréditer les lanceurs d’alerte, et remettre le couvercle sur la marmite, est une pratique courante des dirigeants confrontés à leurs failles.

Le rôle ambigu des grands cabinets d’audit internationaux, dans cette forme de dédouanement ou blanchiment des fraudes, est largement documenté.

Impliqué, comme ses homologue, dans toutes sortes de scandales liés au blanchiment, ou d’aide aux multinationales pour contourner les réglementations ou sanctions, notamment à des fins d’évasion fiscale, le nom d’Ernst & Young (ou EY) est placardé sur le site www.icij.org, regroupant les enquêtes du Consortium International des Journalistes d’Investigation (ICIJ), auxquelles participent des médias du monde entier, ayant révélé tant de scandales (Panama Papers, Pandora Papers, Uber Files, Implant files, LuxLeaks, etc…).

C’est le cas dès 2014 dans le scandale des Luxembourg Leaks, ces accords d’exonérations fiscales négociées, aux conditions contestables, dans lesquels Ernst & Young a joué un rôle actif, ainsi que d’autres grands cabinets d’audit, comme Deloitte et KPMG, aux côtés de PricewaterhouseCoopers PWC.

Quelques exemples.

« À Dubaï, affirment les activistes anti-corruption, Ernst & Young a aidé le plus grand raffineur d’or du Moyen-Orient à dissimuler des pratiques susceptibles de violer les normes internationales visant à lutter contre le trafic d’or « de guerre », provenant de régions où la concurrence pour ce minerai nourrit les carnages ».

In Dubai, anti-corruption advocates claim, Ernst & Young helped the Middle East’s largest gold refiner obscure practices that may violate international standards aimed at combatting trafficking in “conflict gold,” which comes from regions where competition for the mineral breeds bloodshed.

écrivait encore l’Icij fin 2014

 « Les « Big Four » désignent les cabinets internationaux d’expertise comptable et de conseil – PwC, KPMG, Deloitte et Ernst & Young. Tous les quatre sont apparus à plusieurs reprises dans les enquêtes de l’ICIJ sur les Paradise Papers, les Panama Papers et les LuxLeaks ».

The ‘Big Four’ refers to the international accounting and consulting firms – PwC, KPMG, Deloitte and Ernst & Young. All four appeared multiple times in the ICIJ’s Paradise Papers, Panama Papers and LuxLeaks investigations.

explique le site d’investigation dans un article de la journaliste Cécile Schilis-Gallego, sur la réaction du Parlement Européen au scandale des Paradise Papers (sur les affaires louches des paradis fiscaux européens, notamment anglo-normands).

En 2011, le bureau moscovite du cabinet comptable EY a aidé le milliardaire Alexander Ponomarenko, aujourd’hui sanctionné, à créer une société offshore avec un partenaire commercial et ancien politicien, Alexander Skorobogatko, pour acheter un jet Gulfstream de 44,5 millions de dollars.

Les avocats d’Appleby, un cabinet d’élite fondé aux Bermudes, étaient là pour aider.

Ils se sont associés au géant de la comptabilité Ernst & Young, basé à Londres, pour élaborer un plan obscur permettant de contourner la TVA »

écrivait encore l’Icij fin 2017.

NDLR, le cabinet d’avocat des bermudes Appleby, fidèle partenaire d’Ernst & Young dans les affaires louches, apparaît aussi comme conseil sur des documents de Leonteq relatifs à son circuit de blanchiment, publiés par le média d’investigation financière zurichois Inside ParadePlatz.

Bombardier in Canada sold the jet to Rotenberg’s offshore company. Ernst & Young, also known as EY, advised on taxes.

« Bombardier au Canada a vendu le jet à la société offshore de Rotenberg. Ernst & Young, aussi connu sous le nom de EY, a conseillé sur les taxes », explique un article plus récent (11/4/2022) intitulé « Qui aide les oligarques russes à acheter secrètement des jets, des yachts et autres joujoux de luxe ? »

https://www.icij.org/investigations/pandora-papers/oligarchs-jets-yachts-luxury/

Deontofi.com partage sans l’amoindrir l’analyse de cette duplicité, résumée par l’Icij dans un article sur l’aide fournie par les cabinets d’audit à Isabel dos Santos, fille du dictateur éponyme et femme la plus riche d’Afrique, pour blanchir sa fortune douteuse, notamment pompée sur les richesses de son pays, l’Angola.

“Un scandale de fraude chez Enron au début des années 2000 a entraîné la chute du géant de l’énergie et de son auditeur, Arthur Andersen. Chacun des quatre grands cabinets restants a depuis connu ses propres déboires, notamment des allégations selon lesquelles il aurait aidé des clients à commettre ou à dissimuler des actes répréhensibles.

Mais en raison de leur rôle subsidiaire dans le système financier et d’une réglementation moins stricte que celle des banques et d’autres acteurs, les comptables ont, pour la plupart, réussi à échapper à l’attention du public. Un procès intenté par des procureurs de New York, par exemple, a allégué qu’Ernst & Young avait contribué à cacher les problèmes de Lehman Brothers qui ont déclenché la crise financière mondiale de 2008, et la Chambre des Lords a reproché à l’ensemble de la profession comptable britannique d’être « complaisante ». Ces taches, cependant, se sont perdues dans la tourmente de la Grande Récession. (Ernst & Young a accepté un règlement de 10 millions de dollars, mais n’a pas reconnu ses torts). »

Extrait : https://www.icij.org/investigations/luanda-leaks/western-advisers-helped-an-autocrats-daughter-amass-and-shield-a-fortune/

Il n’y a pas besoin d’aller jusqu’en Suisse, pour trouver des rapports bidon, commandés aux auditeurs indépendants, pour couvrir les bévues de leurs clients, près de chez nous, à Paris.

On retrouve encore des cabinets d’audit, dont Ernst & Young, s’indignant d’avoir été trompés par les dirigeants qu’ils avaient d’abord couvert dans le scandale de comptabilité frauduleuse de la société d’ingénierie Altran.

« les Commissaires aux comptes (CAC) ne décèlent généralement rien d’illégal tant que les irrégularités comptables de leurs clients ne font pas l’objet d’une procédure judiciaire ou d’un scandale public », écrivions-nous aussi en 2014.

Sanction record d’EY par la SEC en 2022 !

Encore plus récemment, notre confrère L’Agefi rappelait qu’Ernst & Young s’est fait pincer cette année par le gendarme des marchés américains, la Securities & Exchange Commission (SEC) qui lui a infligé son record d’amende pour un cabinet d’audit.

La SEC se félicite aussi qu’en 2022 l’amende de 100 millions de dollars infligée à Ernst & Young pour avoir couvert certains de ses employés qui avaient triché à leur examen d’expertise comptable a constitué la plus grosse pénalité infligée à une société d’audit.

Extrait de l’article « Le gendarme américain de la Bourse a infligé un montant record d’amendes en 2022 » de Franck Joselin dans l’Agefi du 17/11/22

En résumé, personne ne peut vraiment nous garantir à 100%, et surtout pas Leonteq, qu’Ernst and Young n’aurait pas pu fermer les yeux, ou manquer de perspicacité, en exonérant un peu vite ses versements aux îles Vierges, d’une simple déclaration de soupçon anti-blanchiment.

Vous ne croyez tout de même pas être au bout de vos surprises…

Retrouvez ici toute la saga Leonteq sur Deontofi.com :

  1. Leonteq flashé par le FT, une saga des structurés
  2. Que lit-on sur Leonteq dans le Financial Times ?
  3. Ernst & Young et les audits serviables
  4. Des structurés perdants de Leonteq (EMTN)
  5. Au cœur de Leonteq, une conformité foutraque
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