On n’arrête pas une bulle, quand le moutonisme chasse la raison, que ce soit pour engloutir des économies dans des bulbes de tulipes, des startup 2pointZéro, ou des Bitcoin et autres cryptojetons. Mais on peut prévenir les moutons qu’ils se feront tondre, au moins par acquis de conscience.
J’ignorais qu’il existait des distributeurs automatiques de Bitcoin illégaux dans l’hexagone, comme en a trouvé le gendarme des produits financiers. J’ai croisé ce type de distributeur de cryptojetons dans un supermarché du Connecticut, aux Etats-Unis, en 2023.Curieux, je m’y suis attardé pour voir ce qu’il proposait. En gros, du blanchiment facile et des messages d’enrichissement subliminaux, teintés d’alertes aux arnaques.
L’appareil se présente comme un distributeur automatique « de billets » (DAB), ou plus précisément Automated Teller Machine (ATM) en anglais, puisqu’on peut y faire des opérations « bancaires » (en l’occurrence plutôt « extra-bancaires ») tels que des achats ou ventes de crypto via un courtier partenaire, ou opérateur, de l’appareil.
Sur l’écran d’accueil, on vous propose un éventail de crypto-jetons : Bitcoin, Ethereum, Litecoin, et Dogecoin (la crypto-parodie promue par Elon Musk), ou encore Polygon, Stellar et Chainlink… Comme l’anglais est en baisse aux Etats-Unis d’Amérique du Nord, le menu est aussi en espagnol, langue en hausse.
Ensuite, vous devez « lire et approuver les conditions générales » et « ‘avertissements », comme chacun fait, c’est-à-dire en cliquant « next » (suivant), généralement sans bien lire.
Cette lecture est pourtant instructive. Sur le 1er écran vous lisez d’abord un avertissement, traduit en français, « Avant d’acheter des crypto-monnaies, veuillez lire ce qui suit » :
Ensuite, sur le 2ème écran, arrivent les conditions générales de vente, avec la mention « Pour faire plaisir à nos avocats: SVP acceptez nos termes et conditions », dont on vous épargne les détails, en attirant néanmoins votre attention sur le « Point 7 » (Section 7) concernant les risques, ainsi que le traitement des litiges à la Section 20…
En gros, ce distributeur de crypto-jetons est un attrape nigaud pour coincer les badauds. Sans quasiment aucun droit de recours.
On n’a pas regretté la visite au supermarché, d’autant qu’on était sous haute surveillance d’un robot « pour notre protection », comme nous en plaisantions avec la caissière, nous confirmant qu’elle avait au moins 17 caméras braquées sur elle en permanence. Big Brother !
C’était l’occasion de vous raconter cette petite enquête illustrant les mises en garde du gendarme des placements français, à la vue de telles machines débarquant sur le sol français.
Deontofi.com reproduit ci-dessous le communiqué de l’AMF du 17 décembre 2024
L’AMF agit contre les opérateurs de distributeurs automatiques de crypto-actifs opérant en France sans les enregistrements requis
A la suite d’un signalement de l’AMF, la juridiction inter-régionale (JIRS) de Paris a conduit, les 13 juin 2024 et 17 décembre 2024, des opérations de police judiciaire visant plusieurs distributeurs automatiques de crypto-actifs dans le cadre d’une enquête relative à des faits d’exercice illégal de l’activité de prestataire de services sur actifs numériques (PSAN) et de blanchiment aggravé. L’AMF tient à rappeler à l’ensemble des acteurs fournissant des services sur actifs numériques les obligations qui leur incombent au titre de la réglementation.
Les distributeurs automatiques de crypto-actifs (DAB crypto) permettent l’achat ou la vente d’actifs numériques (tels que le bitcoin) en monnaie ayant cours légal. Pour être licite, un tel service est soumis à un enregistrement obligatoire préalable comme PSAN en application des dispositions de l’article L. 54-10-3 du code monétaire et financier [1]. Un agrément optionnel est également possible en application des dispositions de l’article L. 54-10-5 du code monétaire et financier.
L’AMF rappelle que les prestataires qui exercent une telle activité sur le territoire français sans être enregistrés sont dans l’illégalité et encourent une peine pouvant aller jusqu’à deux ans d’emprisonnement et 30 000 euros d’amende en vertu des articles L. 54-10-4 et L. 572-23 du code monétaire et financier.
Dans ce contexte, lorsqu’elle détecte des acteurs agissant en violation de la réglementation applicable, l’AMF les signale au procureur de la République en application de l’article L.621-20-1 du code monétaire et financier. C’est à la suite d’un tel signalement que la JIRS de Paris a ouvert une enquête préliminaire et mené, les 13 juin et 17 décembre 2024, des opérations de perquisition et de saisie visant plusieurs distributeurs automatiques.
L’ensemble des prestataires fournissant des services liés à des actifs numériques doivent se conformer sans délai aux exigences prévues à l’article L. 54-10-3 du code monétaire et financier, et, à compter du 30 décembre 2024, au règlement MiCA, ainsi qu’à tous les textes législatifs et réglementaires applicables. La liste des prestataires enregistrés ou agréés figure sur la liste blanche de l’AMF.