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En Bourse, ignorer les subtilités entre différents types d’ordres peut vous coûter cher ! (photo © GPouzin)

Dans un récent article dédié aux abonnés du Club Déontofi Bourse, nous évoquions les subtilités des ordres « au marché », et les raisons de leur préférer les ordres « à la meilleure limite ».

Les ordres « au prix du marché » ont mauvaise réputation, car ce sont des achats ou vente strictement « à l’aveugle » : on ne sait pas à quel cours ils peuvent être exécutés. Dans certains cas, cela peut être très désavantageux, car cela peut aboutir à vendre au rabais ou acheter trop cher par rapport aux autres transactions de la journée.

Au « prix du marché » ou à la « meilleure limite »

Pour atténuer cet inconvénient, il est préférable de passer des ordres « à la meilleure limite » (AML), une option proche du « prix du marché » mais avec quelques subtilités et garde-fous par rapport à un ordre « au prix du marché », aussi appelé « à tout prix » (ATP).

Dans l’ordre « à la meilleure limite », on passe en fait un ordre à cours limité dons la limite est fixée automatiquement en fonction du dernier ordre opposé arrivé dans le carnet (par exemple le meilleur ordre d’achat si nous sommes vendeurs).

Mais l’ordre s’ajuste alors à la quantité demandée dans l’ordre « meilleure limite ». Ainsi, on a pu voir un ordre de vente AML de 17 actions se transformer en ordre de 16 actions, ou 5 actions passées à 3, simplement parce que l’ordre « mirroir », à la meilleure limite d’achat dans le carnet d’ordres d’Euronext, portait sur ce nombre de titres.

Il faut bien vérifier que la quantité de titres vendus correspond à celle souhaitée, quitte à « forcer » l’ordre en ressaisissant bien la quantité souhaitée. Dans ce cas, on n’est pas 100% garanti que l’ordre sera exécuté en une seule fois, s’il ne correspond pas exactement à la quantité demandée AML, mais il y toutes les chances qu’il soit exécuté en entier dans la journée au cours fixé, surtout pour les valeurs les plus « liquides », c’est-à-dire sur lesquelles il y a le plus de transactions.

Dans son rapport annuel 2020 (p.22), la médiatrice de l’AMF relate une anecdote qui devrait marquer les esprits dans le sens de la recommandation de Deontofi.com : ne passez jamais d’ordre « au marché » ou « à tout prix » dans la mesure du possible en cas de vente, et de façon absolue en cas d’achat !

Extraits du rapport de médiation de l’AMF 2020 (p.22):

EXEMPLE CONCRET DE DÉCONVENUE QUI AURAIT PU ÊTRE ÉVITÉE PAR L’INVESTISSEUR AYANT DONNÉ UN ORDRE D’ACHAT D’UN TITRE AU MARCHÉ

Cette année, un épargnant a saisi le médiateur d’une contestation visant à annuler un ordre d’achat, exécuté alors que, selon lui, il ne disposait pas de la provision suffisante. Il avait en effet saisi un ordre d’achat au marché, c’est-à-dire sans limite de prix, portant sur 15 000 actions d’une société relevant du secteur des biotechnologies, valorisées la veille à 2,39 euros. Or cet ordre avait été exécuté à un cours près de quatre fois supérieur, engendrant un solde débiteur sur son PEA de plus de 150 000 euros.

Après une instruction très approfondie de ce dossier, conduisant à de multiples échanges avec le teneur de comptes, mais également à consulter l’entreprise de marché, le médiateur a pu faire les observations suivantes :

  • compte tenu de ses connaissances, de son expérience et de l’historique de ses transactions, le client ne pouvait se prévaloir de la qualité de novice et avait une appétence au risque avérée ;
  • eu égard aux informations recueillies auprès d’Euronext Paris, le prix d’exécution n’était pas considéré comme aberrant dès lors que c’est le marché lui-même qui a participé à fixer ce cours au moment du fixing de réouverture du titre, traduisant l’engouement des investisseurs ;
  • souhaitant privilégier la priorité et l’exécution totale des quantités demandées, le client avait fait le choix de transmettre des ordres sans limites de prix (ainsi qu’il en avait l’habitude), et ce, dans un contexte de réservation à la hausse, dont il était informé au moment du passage de son ordre ;
  • le client avait conscience d’un possible décalage de cours dès lors qu’il avait constitué une provision plus importante que celle qui pouvait être calculée selon le dernier cours connu, traduisant ainsi la conscience qu’il avait de la nature du risque pris en ne choisissant pas une modalité d’ordre qui l’aurait protégé d’une hausse plus ample de cours ;
  • le contrôle de provision s’est effectué au moment où l’ordre a été donné, sur la base du dernier cours connu : en l’espèce, la valeur étant réservée à la hausse depuis la veille, le dernier cours connu était de 2,39 euros. À ce cours, même si les quantités demandées étaient importantes, la provision constituée sur le PEA était suffisante.

L’ordre a donc pu être régulièrement transmis au marché pour exécution, sortant par là même du périmètre du teneur de comptes, dont le contrôle s’est effectué préalablement ; constatant la suspension du cours de l’action, le client avait contacté la salle des marchés, et le médiateur a pu constater, en procédant à l’écoute de cet enregistrement téléphonique, qu’il avait été informé qu’en cas de reprise de cotation le jour même, le cours théorique de reprise serait alors à 13,80 euros, comme cela figurait sur son carnet d’ordres.

Malgré cette information essentielle, le client a fait clairement le choix de maintenir son ordre en carnet alors qu’il avait, encore à ce stade, la faculté de l’annuler ; en l’absence d’instruction d’annulation et faute d’avoir fixé une limite de prix à son ordre, celui-ci a été exécuté à la réouverture de la cotation en début d’après-midi, au cours de 13,70 euros, entraînant le solde débiteur contesté ; l’article L. 211-17-1 du code monétaire et financier dispose que : « L’acheteur et le vendeur d’instruments financiers mentionnés (…) sont, dès l’exécution de l’ordre, définitivement engagés, le premier à payer, le second à livrer, à la date mentionnée au III de l’article L. 211-17. »

Ainsi, dès lors qu’un ordre est exécuté, il appartient à chaque contrepartie de remplir ses obligations et le client ne pouvait donc, en aucun cas, se soustraire au paiement des titres achetés, et ce, malgré l’important solde débiteur engendré par cette opération sur son PEA, ce qui a conduit son teneur de comptes à lui réclamer de couvrir ce solde débiteur prohibé par la réglementation applicable au PEA.

 En conclusion, eu égard aux conditions de marché non considérées comme aberrantes par Euronext, au profil investisseur du client et, surtout, compte tenu de l’appel passé à la salle des marchés qui lui a donné l’occasion d’éviter la situation dans laquelle il s’est trouvé, le médiateur a considéré qu’aucun élément ne lui permettait de considérer l’exécution de cet ordre comme anormale et d’en demander l’annulation.

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