Depuis des années, Deontofi.com a soulevé de nombreuses irrégularités et conduites malhonnêtes de gérants de FCPI, subissant parfois leurs représailles et pressions dans les plus grandes rédactions. Et pourtant c’était vrai ! Parmi les défaillances chroniques de ces fonds, Deontofi.com a été un des premiers organes de presse à souligner l’incapacité de nombre d’entre eux à liquider leurs actifs dans les délais prévus par leur engagement initial, même en usant de leurs possibilités de prolongation contractuelle.
Nous avions également dénoncé la facilité avec laquelle ces sociétés obtiennent des dérogations de leur superviseur les autorisant à ne pas respecter leurs propres contrats, « dans l’intérêt des porteurs » (selon la terminologie de ces dérogations).
L’argument suprême étant que si on rendait trop vite leur argent aux clients, cela risquerait de pénaliser encore davantage les performances déjà guère reluisantes de ces fonds en actions non cotées qui promettaient monts et merveilles. Au passage, on notera que le lobby du non coté continue à communiquer de prétendues performances moyennes à deux chiffres, alors qu’aucune base de données transparente et sérieuse ne permet de corroborer ces affirmations destinées à attirer les prospects.
(Extraits du rapport annuel 2020 de la médiation de l’AMF p.34)
LE DÉLICAT PROBLÈME DU DÉPASSEMENT DE LA DURÉE DE VIE DANS LES FONDS DE CAPITAL INVESTISSEMENT (FCPI, FIP)
Le médiateur a reçu, cette année encore, de nombreux dossiers portant sur la liquidation longue de fonds communs de placement à risques (FCPR). Dans ces dossiers, les porteurs, ayant investi dans des FCPR, et plus particulièrement dans des fonds communs de placement dans l’innovation (FCPI) ou des fonds d’investissement de proximité (FIP), souhaitent, à l’arrivée de l’échéance du fonds, prévue dans le prospectus, racheter leurs parts. Ils découvrent alors que les actifs détenus par le fonds n’ont pas été liquidés en totalité par la société de gestion et sont encore en phase de liquidation voire de préliquidation, périodes durant lesquelles aucun rachat n’est possible. Ils contestent donc cette situation, et ce, d’autant plus quand la performance du fonds est particulièrement mauvaise. Dans ces dossiers, le médiateur rappelle aux porteurs les caractéristiques de leur placement.
Les FIP et FCPI sont des organismes de placement collectif à risque, investis principalement dans des petites entreprises innovantes ou régionales, non cotées. Dès lors, l’investissement dans ces fonds présente un fort risque d’illiquidité et de perte en capital. En contrepartie, un avantage fiscal important est accordé dès la souscription de parts de FCPI/FIP, sous réserve de conserver les parts au minimum pendant cinq ans. Ces produits sont gérés par une société de gestion, qui annonce une durée de blocage de huit à dix ans.
La documentation juridique de ce type de produit est constituée par le DICI du FCPI et du FIP qui comprend les informations principales relatives au produit. Ce document est complété par un règlement, disponible sur simple demande auprès de la société de gestion. Cette documentation prévoit, le plus souvent, que les porteurs de parts ne peuvent pas demander le rachat de leurs parts lorsque le fonds est en période de liquidation ou de préliquidation. Des distributions ou des remboursements partiels ont pu intervenir au fur et à mesure des cessions de participations lors des opérations de liquidation. Cependant, aucun rachat de parts n’est possible durant cette période. Les rachats exceptionnels prévus, notamment en cas de décès du porteur, sont également bloqués pendant cette période, ce qui pose des difficultés lors d’une succession.
Le blocage des rachats de parts en cours de vie du produit a pour objet de respecter l’égalité des porteurs. Un FCPR est, en effet, principalement composé d’actifs non cotés, qui sont par nature peu liquides. Ainsi, leur valorisation estimée, avec une fréquence en général semestrielle, en cours de vie du produit, peut être différente de leur valeur réelle, lors de leur revente au moment de la liquidation. Dans ces conditions, rendre possibles les rachats avant la liquidation du produit permettrait à certains investisseurs de sortir du fonds à un cours supérieur à la valorisation des actifs lors de la revente. Par conséquent, dans ces dossiers, le médiateur ne peut pas reprocher à la société de gestion de ne pas procéder au rachat des parts du fonds dès lors que les rachats ne sont pas possibles sur ce produit.
Concernant le dépassement de la durée de vie d’un FCPR, l’AMF (note 5) rappelle que le FCPR a une durée de vie contractuelle et que la liquidation de l’ensemble des actifs détenus par le FCPR doit être terminée à la date fixée dans le règlement. Il appartient à la société de gestion de gérer le portefeuille du fonds dans des conditions permettant de respecter cette contrainte. Ceci implique, notamment, que le processus des cessions des actifs soit engagé suffisamment tôt pour arriver à son terme avant la fin de vie du fonds concerné.
Dans le cas contraire, la société de gestion engage sa responsabilité dès lorsqu’elle n’agit pas dans l’intérêt des porteurs de parts, en prorogeant la période de liquidation au-delà de la durée de vie prévue dans le règlement.
Toutefois, la décision de la Commission des sanctions du 14 décembre 2012, à l’égard de la société X, anciennement dénommée Innoven Partenaires SA, et de MM. Walter Meier, Gilles Thouvenin et Thomas Dicker, qui s’est prononcée sur le sujet, a précisé que la liquidation au-delà de la durée de vie réglementaire du FCPI/FIP n’est pas, à elle seule, constitutive d’un manquement.
Pour déterminer s’il y a manquement, il convient donc d’examiner si la société a été diligente dans le processus de liquidation du fonds. Par exemple, si elle a pris des décisions de gestion tardives ou si ses derniers investissements sont proches de l’entrée en liquidation, cela pourrait conduire à estimer que la société de gestion n’a pas agi au mieux de l’intérêt des porteurs et a rendu impossible l’achèvement de la liquidation dans les délais prévus par le règlement.
Mais le médiateur ne dispose pas de moyen d’investigation ou de contrôle pour le déterminer. Parallèlement, il appartient au porteur de démontrer que cette absence de diligence lors de la liquidation lui a causé un préjudice. Il est souvent complexe pour ce dernier d’être en mesure de fournir une telle démonstration. Dès lors, l’instruction de ces dossiers en médiation révèle ses limites et, faute de preuves, débouche souvent sur un avis défavorable au porteur.
Ce risque de dépassement de la durée de vie réglementaire du FCPI/FIP, qui peut être de plusieurs années au-delà des dix ans,est un risque certes rare, mais loin d’être théorique. Or, manifestement, il n’est porté à la connaissance des porteurs qu’au moment où ces derniers y sont confrontés. Ils sont alors démunis et ne peuvent pas procéder au rachat de leurs parts quand bien même ils ont conservé leur investissement pendant la durée fixée dans le prospectus. Le travail d’investigation des services de l’AMF et de la Commission des sanctions a cependant permis d’aboutir à des décisions de sanction à l’encontre des sociétés de gestion dont la gestion des fonds en fin de vie est contestable.
À cet égard, il faut saluer la décision du 24 septembre 2020de la Commission des sanctions de l’AMF contre la société Nestadio Capital.
Cependant, au-delà des sanctions, qui par nature ne permettent pas d’indemniser les porteurs, et compte tenu de la persistance du nombre des demandes de médiation à ce sujet, le médiateur suggère que puisse être entamée, en 2021, une réflexion sur une comparaison avantages/inconvénients d’une meilleure information, dès la souscription,par exemple, dans le DICI ou le bulletin de souscription des porteurs, n’excluant pas le risque de circonstances exceptionnelles d’une liquidation très longue de leur investissement, pour que ce risque puisse être mieux pris en compte.
(5) Article AMF, paru le 22 avril 2008, relatif à l’arrivée à échéance des fonds de capital investissement.