Vu sur Facebook, une des nombreuses campagnes de publicité pour piéger les épargnants

A l’occasion de la présentation de son rapport annuel 2018, la médiatrice de l’Autorité des marchés financiers (AMF), Marielle Cohen-Branche, est revenue sur le fléau des arnaques à l’épargne propagées par Internet.

Fidèle à ce rendez-vous, Deontofi.com vous livre son compte-rendu de la présentation du 18 avril 2019 mis renvoyant aux extraits correspondants du rapport annuel.

Quand ils saisissent le médiateur d’un litige, les épargnants demandent souvent l’indemnisation d’un préjudice. De ce point de vue, la baisse des montants obtenus par la médiation de l’AMF en 2018 est surtout liée à la diminution des litiges avec des sites de trading Forex agréés avec un passeport européen dans un pays étranger, grâce aux évolutions réglementaires réclamées par l’AMF pour réduire leurs nuisances (interdiction de publicité depuis fin 2016, interdictions des options binaires et restrictions des CFD à partir de l’été 2018).

« L’essentiel des grosses sommes récupérées étaient liées au Forex, on en a beaucoup moins et c’est plutôt bon signe, concède Marielle Cohen-Branche. Le problème du passeport européen est que les régulateurs n’ont pas tous les mêmes pouvoirs et moyens de contrôle dans les 28 pays membres de l’Union Européenne. Par exemple à Chypre des courtiers agréés se conduisent comme les non-agréés. La plupart ne sont agréés que pour le routage et la transmission d’ordres (RTO) ce qui ne les autorise pas à donner des conseils, or nous avons des preuves de conversations conservées par des clients montrant bien leurs méthodes. »

« Grâce à la bataille menée par l’AMF avec l’ESMA, le gendarme boursier européen [European Securities Market Authority] nous avons obtenu du superviseur européen l’interdiction des option binaires dans toute l’Europe. Et les CFD ont été strictement réglementés avec un effet de levier limité à 5, pas 400 comme avant.

Le problème est que l’Esma n’a pas le droit de prendre des dispositions permanentes. L’interdiction des options binaires a été prise le 1er juillet 2018, l’interdiction des CFD le 1er août, pour trois mois, puis elles ont été renouvelées trois fois. En principe au 1er juillet prochain y n’y aura plus d’interdiction. Les grands pays qui ont suivi continuent à lutter pour empêcher le retour de ces produits.

Mais à ce stade, il faudrait un changement dans les textes au niveau européen pour que l’Esma puisse prolonger ses interdictions. Chaque pays peut prendre des décisions nationales pour pérenniser ces interdictions mais avec des justifications. En France, une consultation est en cours. Mais les petits pays lèveront probablement l’interdiction.

Les arnaques aux placements bidon se transforment

Pendant un an, les prédateurs se sont reconvertis. Les CFD et options binaires sont des instruments financiers. C’est donc de la compétence de l’AMF. A la place certains ont développé l’idée de proposer des biens réels, plus tangibles, proposés en faisant miroiter un rendement financier, ce sont les biens divers, par exemple des placements en éoliennes, vins, diamants ou vaches laitières. On vous propose d’y investir avec l’espoir d’un rendement, on vous dit que vous allez faire un placement conservé en Suisse pour ne pas payer d’impôts. En réalité les gens n’étaient propriétaires que d’un bout de papier. Cela a duré peu de temps.

L’AMF a obtenu déjà il y a un an que ces propositions soient interdites sans un agrément préalable des intermédiaires en biens divers et de leurs publicités. Aucune société en France n’est autorisée à proposer des placements en diamants. Aujourd’hui il n’y a que six offres de placements en biens divers autorisées, 5 en vin et 1 en forêt, aucune en diamants. L’AMF met régulièrement à jour une liste noire des sites de placements en biens divers interdits, mais elle ne sera jamais exhaustive, on préfère la liste blanche. »

Les prédateurs du trading Forex reconvertis dans les crypto-arnaques

« Il y a eu un déplacement des arnaques vers le Bitcoin et les crypto-actifs, je préfère parler de reconversion des prédateurs, selon la formule de mon délégué, François Denis du Péage. Nous avons reçu 35 dossiers de ce type en quelques mois, c’est énorme ! Car on est dans un microcosme, et certains se sont fait avoir les placements de toute une vie. À 99%, ces victimes ont utilisé le site web de l’AMF pour leur demande de médiation, certains s’étant fait voler jusqu’à plus de 100 000 euros.

Vous avez le profil des 35 personnes ratissées, des hommes d’une moyenne d’âge de 56 ans, des retraités vivant dans des petites communes.

Les techniques utilisées sont celles des sectes, ça commence toujours par les banquiers vous volent, les taux sont à zéro, quand on leur dit qu’ils peuvent gagner des taux à deux chiffres, beaucoup y croient simplement parce qu’il y a une perte totale de repères, quand on voit les retraites chapeau… On leur envoi de faux relevés sur lesquels ils gagnent. Quand ils veulent retirer leurs gains et leur argent, on leur dit qu’il n’y a pas de problème il suffit de payer d’abord une taxe, qui est bien sûr aussi fausse.

Zéro espoir de récupération de pertes des sites d’arnaque

Sur les 35 il y en a eu 34 qui ont reversé pour payer cette fausse taxe. Un seul leur a dit qu’ils devaient pouvoir payer la taxe avec l’argent gagné. A ce stade ils n’ont pas encore conscience d’avoir été escroqués et ils saisissent le médiateur pour intercéder auprès des sites. Mais on ne peut rien faire, c’est du pénal. On leur explique qu’il vaut mieux déposer plainte mais que les espoirs de récupérer leurs pertes, c’est zéro. »

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