Alors que l’assemblée générale de Vivendi se tient ce mardi, l’avocat Frédérik-Karel Canoy veut interpeller les dirigeants du groupe sur l’indemnisation des actionnaires lésés par l’information trompeuse des années 2000-2002.

Actualisation : cet article d’avril 2013 fait le point sur les différentes procédures en cours (civil, pénal, commerce…). Lisez aussi ici : les articles de novembre 2013  sur les audiences devant la cour d’appel.

Les différents volets de l'affaire Vivendi n'ont pas fini leur parcours judiciaire devant les tribunaux. (photo © GPouzin)

Les différents volets de l’affaire Vivendi n’ont pas fini leur parcours judiciaire devant les tribunaux. (photo © GPouzin)

Après la quasi-faillite de Vivendi au début des années 2000, des actionnaires avaient mis en cause la responsabilité de la société et de ses dirigeants, dont son président Jean-Marie Messier. Ils voulaient obtenir une indemnisation des pertes subies par leurs actions, alors que la direction dissimulait, selon eux, les difficultés de l’entreprise. Au terme de nombreux rebondissements, plusieurs procédures judiciaires ont pu avancer devant différents tribunaux.
Aux États-Unis, la procédure collective de type «class action» a été déclarée recevable pour les actionnaires. Mais, une décision de la Cour suprême a limité l’accès à cette procédure aux seuls actionnaires ayant acheté leurs actions Vivendi à la Bourse de New York, c’est-à-dire sous la forme d’ADR/ADS (American depositary receipts/ American depositary shares), qu’ils soient résidents des États-Unis, de France, de Grande-Bretagne ou des Pays-Bas.

Selon Globetax, société spécialisée dans l’administration des procédures de recouvrement pour les actionnaires concernés, ceux de Vivendi ont jusqu’au 9 mai 2013 pour déposer une demande d’indemnisation dans cette procédure, qui donne droit à un versement à concurrence de 10 dollars par action, auprès de l’administrateur désigné par la justice américaine (www.vivendiclassaction.com) : «Le montant total que devra payer Vivendi dépend du nombre d’investisseurs ayant conservé des preuves d’achat de leurs titres pour déposer une demande d’indemnisation recevable», précise Jim Newman, spécialiste des class actions à la société Globetax.

Dans les faits, la class action de New York ne concerne pas les actionnaires ayant acheté leurs actions Vivendi à la Bourse de Paris. Mais trois autres procédures en cours en France, au civil, au pénal et devant le tribunal de commerce, devraient leur permettre d’être peut-être indemnisés d’une partie de leurs pertes. Au pénal, le tribunal correctionnel avait condamné Jean-Marie Messier à trois ans de prison avec sursis dans un jugement du 21 janvier 2011. L’ex-PDG de Vivendi a fait appel avec d’autres anciens dirigeants condamnés. Le procès correctionnel se tiendra devant la cinquième chambre de la cour d’appel de Paris, sous la présidence de Mireille Filippini, comme pour le procès en appel de Jérôme Kerviel, en 2012. Les audiences devraient débuter le 28 octobre et s’étaler jusqu’au 27 novembre prochain.

La responsabilité de la société, en plus de celle de Jean-Marie Messier, a déjà été reconnue par la justice à travers le procès de sa sanction par le gendarme de la Bourse. Condamné, une première fois, le 3 novembre 2004 par la Commission des sanctions de l’AMF, pour information trompeuse, Vivendi avait fait appel de cette sanction devant la Cour d’appel de Paris, qui l’avait confirmée. Le groupe s’était pourvu en Cassation. La Cour de cassation (décision du 19 décembre 2006) a cassé l’arrêt et renvoyé l’affaire devant la Cour d’appel, qui a de nouveau confirmé la sanction et la responsabilité de Vivendi, par un arrêt du 29 septembre 2009. Les juges ont confirmé que l’information financière de Vivendi «était trompeuse et que ce grief était imputable à Vivendi Universal ainsi qu’à son président, M. Messier». Ils avaient même ajouté que «la gravité des manquements s’appréciant aussi à la mesure du public concerné, il convient de relever que la société Vivendi Universal comptait en 2001 et 2002 environ un million d’actionnaires».

Me Frédérik-Karel Canoy, qui travaille depuis plus de dix ans à cette affaire, espère que la justice tiendra compte de la solidité de ce précédent jugement pour reconnaître la responsabilité de la société Vivendi, jusqu’ici partie civile au procès pénal mais ne figurant pas sur le banc des accusés. Parmi les éléments pour faire pencher la balance, de nouvelles pièces devraient être examinées en appel, dont un registre des alertes (book of warnings) rédigées par l’ex-directeur financier, Guillaume Hannezo, qui avait dressé la liste de nombreuses dérives financières de l’entreprise susceptibles d’engager sa responsabilité, notamment la nécessité de réduire les fameuses «charges d’aviation». Jean-Marie Messier s’était ainsi offert un Airbus A-319 pour se déplacer aux frais de Vivendi, une alerte parmi des dizaines d’autres portant sur les risques financiers encourus par l’entreprise. Le procès en appel examinera aussi des paiements et correspondances de Vivendi International ayant trait à des comptes dissimulés en Suisse et aux Îles Caïmans qui seraient liés à Jean-Marie Messier.

Me Frédérik-Karel Canoy explique sa démarche : «Nos objectifs principaux sont d’obtenir une augmentation de l’indemnisation des parties civiles et une mise en cause de la responsabilité de Vivendi». En première instance, le tribunal avait reconnu le préjudice des parties civiles à concurrence de 10 euros par action Vivendi, en condamnant solidairement Jean-Marie Messier et Guillaume Hannezo à indemniser 224 parties civiles à hauteur de 1,2 million d’euros : «En réalité, le préjudice est bien supérieur pour la plupart des actionnaires lésés, certains ayant acheté leurs actions Vivendi à 117 euros en mars 2000, alors qu’elles valent à peine 17 euros aujourd’hui», souligne l’avocat.

Seuls les actionnaires qui s’étaient constitués partie civile lors du procès correctionnel peuvent l’être aussi en appel. Mais le procès civil et le procès au tribunal de commerce permettront aux autres actionnaires ayant acheté leurs titres à la Bourse de Paris de demander l’indemnisation de leur préjudice lié à la communication, à l’époque, trompeuse de Vivendi et ses dirigeants. Au civil, une audience de fixation est annoncée pour le 10 septembre, pour une audience de plaidoirie initialement prévue le 12 novembre prochain. Cette action concerne potentiellement des dizaines de milliers d’actionnaires individuels. Me Canoy a regroupé leurs dossiers moyennant un honoraire forfaitaire de 1.000 euros, hors taxe par dossier, plus 15% de commissions sur les sommes récupérées en cas de victoire judiciaire.

Au tribunal de commerce, il représente les intérêts des actionnaires institutionnels (personnalités morales) qui auraient acheté des actions Vivendi à la Bourse de Paris. Parmi les 6.000 caisses de retraite et autres institutions potentiellement concernées (compagnies d’assurance, etc.), une vingtaine d’entre elles lui ont confié leur demande d’indemnisation. Cette procédure qui s’étend au gré de son ralliement par d’autres actionnaires. Une première audience est annoncée pour le 5 décembre 2013.

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