Pourquoi Bercy se prive de milliards d’euros de taxes, faciles à récupérer, quand le ministre de l’économie cherche 10 milliards pour réduire le déficit budgétaire ? C’est tout le paradoxe au cœur du mystère de la TTF, la Taxe sur les Transactions Financières, version moderne de l’impôt de Bourse.
Ce secret honteux aurait pu rester bien caché du grand public, sans la persévérance d’un chercheur au Centre d’Economie de la Sorbonne, Gunther Capelle-Blancard. Alors qu’il avait été un des seuls en France à étudier l’impact sur les marchés de cette TTF, entrée en vigueur le 1er août 2012, ses travaux ultérieurs l’ont mené de surprise en surprise.
Au point que l’association Action Santé Mondiale (Global Health Advocate) a soutenu ses travaux, avec l’appui des ONG partenaires ONE Action, Oxfam France et Global Citizen, compte tenu de l’enjeu pour le financement de l’aide au développement. En effet, les recettes de la TTF sont partagées entre le budget de l’Etat et le Fonds de solidarité pour le développement (FSD) (72% budget / 28% FSD en 2022).
« Ce qu’on demande, c’est d’abord plus de transparence et de contrôle », réclame Gautier Centlivre, coordinateur du plaidoyer de l’association Action Santé Mondiale. Une requête à l’unisson des représentants d’Oxfam France et Global Citizen, aussi présents lors de la conférence de presse organisée avec l’auteur du rapport « Taxation des Transactions Financières : Optimiser le dispositif français », présenté le 24 juin dernier à une vingtaine de confrères (AFP, Le Monde, Radio France, Ouest France…).
Ailleurs dans le monde, la TTF est une manne fiscale non-négligeable pour de nombreux pays : 1,5 milliard d’euros en Suisse, près de 5 milliards d’euros au Royaume-Uni, et plus de 7 milliards d’euros en Corée du Sud, à Hong Kong, ou à Taïwan. En France, la taxation des opérations boursières rapporte moins de 2 milliards par an.
Pourquoi l’essentiel des opérations boursières passent au travers de cette taxe ? 85% des transactions sur les actions françaises échappent à cet impôt de Bourse, en partie sans raison, voire frauduleusement.
Comment vérifier la réalité des transactions soumises à la TTF et celles exonérées ?
Pourquoi la collecte de la TTF est-elle déléguée par Bercy à une société privée, prestataire des banques dont elle doit collecter les taxes « auto-déclarées » ?
Pourquoi Bercy cache les rapports mensuels sur la collecte de la TTF, que doit lui remettre Euroclear ?
Pourquoi même la Cour des Comptes s’inquiète, dès 2017, que «la gestion de la taxe, et plus particulièrement son contrôle, doivent être améliorés » ?
Pourquoi, plus de sept ans après le « référé » sur la TTF, adressé par la Cour des Comptes (le 19 juin 2017) à Bruno Le Maire (Ministre de l’économie) et Gérald Darmanin (à l’époque Ministre des comptes publics), Bercy l’a enterré sans rien changer ?
Au gré des obstacles rencontrés dans ses recherches, Gunther Capelle-Blancard se heurte à un mur de silence… Voire une omerta aux allures de collusion, entre Bercy, Euroclear, et leurs protégées ou maîtres, les banques. Même l’Autorité des marchés financiers (AMF), aujourd’hui présidée par l’ex-dirigeante du lobby bancaire français, esquive ce sujet, en dépit des clés qu’elle détient pour l’éclairer : sa vision exclusive et jalousement gardée des transactions taxables.
Certes, la TTF est une taxe inconnue du grand public, qui ne passionne pas les foules. Alors que les ministres sursitaires du gouvernement en déroute, exhortent les contribuables à se serrer la ceinture, en menaçant de nouvelles coupes budgétaires, à l’approche d’un Projet de loi de finance confisqué, le scandale de l’impôt de Bourse est un vrai scénario de polar politico-financier.
Sommaire :
1- Taxe sur transactions financières, le magot fiscal caché par Bercy
2- Mensonge bancaire, l’impôt de Bourse n’est pas nuisible
3- Spéculation exonérée, épargnants taxés : objectif raté
4- Percepteur privé : l’impôt de Bourse endormi par Euroclear
5- Taxe passoire : 1000 milliards d’euros de soupçons !
6- Bercy et l’AMF ont la clé pour réduire le déficit budgétaire avec la TTF
7- 7 mesures pour mieux taxer les transactions financières et réduire le déficit