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Après la sanction de l’AMF contre le dépositaire SGSS, pour défaut de contrôle de ses clients gérants, il convient de s’interroger pour savoir si la protection de l’épargne placée dans des fonds d’investissement offre toutes les garanties possibles.

Comment sont contrôlés les sociétés d'investissement à capital variable (Sicav) et autres fonds communs de placements (FCP) ? (photo © GPouzin)

Comment sont contrôlés les sociétés d’investissement à capital variable (Sicav) et autres fonds communs de placements (FCP) ? (photo © GPouzin)

La Société Générale a été condamnée à 500.000 euros d’amende, par une décision de la Commission des sanctions de l’Autorité des marchés financiers du 29 juillet 2013, pour défaut de contrôle de ses activités de dépositaire de titres. La banque a minimisé la gravité de ces griefs en soulignant «qu’aucun porteur ni aucun client n’avait subi un quelconque préjudice dans ce dossier, les constats de l’AMF étant d’ordre organisationnel».

Les épargnants qui détiennent des parts de Sicav ou de fonds communs de placement (FCP) doivent-ils pour autant réduire le contrôle exercé par un dépositaire de titres à une vague formalité administrative ? Nullement. Il s’agit là d’un pilier essentiel des dispositifs qui existent pour assurer la sécurité des épargnants, comme on l’a bien vu dans l’affaire Madoff, mais aussi au regard de la dernière sanction de l’AMF à l’encontre de la Société Générale.Le dépositaire est le gardien des économies confiées aux sociétés de gestion. Son rôle consiste à «conserver les actifs, notamment afin d’en garantir la ségrégation, et à s’assurer du respect par les organismes de gestion des dispositions législatives et réglementaires applicables aux organismes de placements collectifs», précisent les juges de l’AMF en préambule de leur sanction.

On a vu l’importance d’une ségrégation scrupuleuse des actifs dans l’affaire Madoff, dont aucun dépositaire ne vérifiait la réalité des transactions revendiquées par l’escroc. Les dépositaires français sont, jusqu’ici, plus sûrs que d’autres en ce domaine, grâce à une législation stricte. En 2010, le dépositaire RBC Dexia a ainsi été condamné à restituer au fonds Delta Alternative Management des titres appartenant à ce fonds, dont le dépositaire avait perdu la trace, lors de la faillite de Lehman Brothers.

Il en va autrement concernant la mission de contrôle des dépositaires. À première vue, les fonds d’investissement semblent bien surveillés en France, avec une transparence annoncée de nature à rassurer les épargnants : quand un gérant reçoit des souscriptions, achète et vend des titres, ou calcule la valeur de son portefeuille, la réalité et la conformité de ces opérations doivent être vérifiées par la banque dite «dépositaire» du fonds, responsable de la conservation des titres et des actifs pour le compte des souscripteurs.

Ces opérations, qui rythment la vie d’un fonds dans les coulisses de sa gestion financière (middle-office et back-office), font l’objet de règles et procédures appliquées par les sociétés de gestion, qui doivent être contrôlées par leur dépositaire, en application des articles A 323-18 et A 323-19 du règlement de l’AMF. Mais, c’est là que le bât blesse. Dans le cadre de son activité de dépositaire, baptisée Société Générale Securities Services (SGSS), la banque devait mettre en œuvre les moyens nécessaires pour pouvoir contrôler de manière effective les 2 .118 fonds (1.833 fonds à vocation générale et 285 fonds d’actifs non cotés type FCPR, FCPI, FIP et OPCI) dont 124 sociétés de gestion lui avaient confié la conservation.

En vertu de l’article A 323-5 du règlement de l’AMF, le plan de contrôle de la banque devait notamment porter sur le respect des règles d’investissement et de composition de l’actif. Par exemple, il faut que les fonds PEA ou les FIP et FCPI respectent les ratios de titres éligibles à leur statut fiscal. Mais, doivent être aussi scrupuleusement respectées les règles et procédures d’établissement de la valeur liquidative, avec les problèmes épineux de valorisation d’actifs non cotés.

Dans la réalité, SGSS n’avait que deux salariés au pôle «audit» du département «contrôle dépositaire», selon le rapport de l’AMF, tandis que les 51 salariés de la fonction dépositaire dans son ensemble réclamaient des renforts face à «une surcharge de travail se traduisant par une procédure de simplification du contrôle à l’extrême augmentant le risque de ne pas détecter des anomalies». En outre, ces salariés étaient «encadrés par des responsables n’ayant pas le niveau de compétence suffisant», note encore l’AMF concluant logiquement que «l’effectif existant n’a pas permis d’assurer la fonction de suivi».

En foi de quoi, en trois ans (2008, 2009 et 2010), sur les 124 sociétés de gestion ayant choisi SGSS comme dépositaire de leurs 2.118 fonds, seules 24 ont fait l’objet d’un audit, dont 9 seulement concernant un audit global. Les 15 autres audits, dits thématiques, étant restreints à la vérification plus ou moins approfondie de quelques aspects seulement du respect réglementaire par les sociétés de gestion. Ces audits n’empêchent donc pas les dérapages de gérants peu scrupuleux, comme le montre l’exemple de l’une des sociétés de gestion de FCPI et FCPR auditées par SGSS.

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