Siège de la Société générale à La Défense (photo © GPouzin)

Siège de la Société générale à La Défense (photo © GPouzin)

La Société Générale conteste les demandes des autres parties civiles, mais les avocats des actionnaires et des salariés estiment qu’elle est aussi coupable et doit indemniser leurs clients.

La dixième audience du procès en appel de Jérôme Kerviel, le 25 juin 2012, était consacrée à la plaidoirie des parties civiles : la Société Générale et ses trois avocats (Jean Reinhart, Jean Veil et François Martineau); des actionnaires salariés défendus par maîtres Daniel Richard et Richard Valeanu ; et d’autres actionnaires, petits porteurs ou institutionnels, représentés par maître Frédérik-Karel Canoy.

Dans son jugement du 5 octobre 2010, le tribunal correctionnel avait déjà jugé que « la gravité de la situation et des menaces (…) justifient de la réalité d’un préjudice moral personnel direct
ouvrant droit à réparation », dont la Société Générale devait indemniser deux salariés-actionnaires plaignants. Leur avocat Daniel Richard demande que ce dommage soit réévalué de 2 500 à 10 000 euros et que le préjudice matériel, c’est-à-dire la perte sur l’épargne des actionnaires-salariés, soit aussi indemnisé : «Premièrement, la Société Générale doit répondre de ses fautes dans le défaut de surveillance qui a été sanctionné par la Commission bancaire, explique Daniel Richard. Deuxièmement, elle est responsable des agissements de ses préposés. Nous espérons que la cour d’appel reconnaîtra la part de responsabilité pénale de la banque et confortera le procès civil que nous avons intenté contre la Société Générale au nom des actionnaires salariés.» A la suite de l’assignation déposée, fin 2010, au tribunal de Nanterre avec le soutien de l’Association des actionnaires salariés et anciens salariés de la Société Générale (*), l’audience de ce procès vient d’être fixée au 14 janvier 2013.

Même si les audiences de ce procès d’appel n’ont pas apporté de révélations spectaculaires, expliquant peut-être la place laissée aux bons mots et autres diversions, certains détails laissent croire que le premier jugement pourrait être révisé : «Pour la première fois, Daniel Bouton a fait un aveu de sa responsabilité et la greffière l’a bien noté !», rappelle Frédérik-Karel Canoy. Au-delà des excuses symboliques de l’ancien PDG aux actionnaires, l’avocat aimerait convaincre la cour de la responsabilité pénale de la banque.

Ses arguments s’inspirent du droit et de la jurisprudence. L’avocat cite l’article 1384 alinéa 5 du Code civil, selon lequel «les commettants sont responsables du dommage causé par leurs préposés», invoque les articles 2 et suivants du Code de procédure pénale reconnaissant la légitimité de l’action civile des actionnaires, rejetée en première instance, alors qu’ils ont bien été victimes «du dommage directement causé par l’infraction», c’est-à-dire la chute de l’action. Il rappelle des décisions ayant fait jurisprudence, notamment le jugement du 19 septembre 2006 et l’arrêt du 17 octobre 2008 de la Cour d’appel de Paris dans l’affaire Sidel, selon lesquels «le préjudice direct et personnel subi par les actionnaires, en achetant ou en conservant une action aux perspectives prometteuses surévaluées, est distinct de celui subi par la société elle-même».

Frédérik-Karel Canoy aussi prépare des procès civils, en particulier pour le compte d’actionnaires institutionnels américains clients du cabinet d’avocats américain Robbins réputé pour ses class actions aux Etats-Unis, notamment Enron, qu’il représente en France. Sur le plan moral, l’avocat souligne aussi que la justice pénale ne doit pas faire deux poids deux mesures : «Pourquoi Jérôme Kerviel serait-il condamné à trois ans de prison ferme, alors que Jean-Marie Messier, coupable d’abus de bien social et de diffusion de fausses informations trompeuses aussi catastrophiques pour ses actionnaires, n’a été condamné qu’à trois ans avec sursis?»

Jeudi 28 juin, la dernière audience est consacrée à la plaidoirie de la défense.

G. Pz.

(*) www.assact.org.

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