Vous croyez que le voile est enfin levé sur la rémunération des grands patrons de multinationales ? Vous vous trompez. Les péripéties dont sont capables ces dirigeants pour engranger salaires, bonus, parachutes dorés, golden hello et retraites chapeau, sont incroyables. La cagnotte cachée de l’ex-patron de Peugeot en donne un bon exemple.

Alors qu’il avait pourtant annoncé publiquement renoncer à sa retraite dorée, en novembre 2013, l’ex-patron de Peugeot, Philippe Varin, a bel et bien réussi à se faire verser une rente de multimillionnaire jusqu’à la fin de ses jours. Il recevra 300 000 euros par an, ce qui pourrait coûter à Peugeot une quinzaine de millions d’euros, compte tenu de son espérance de vie et des prélèvements de l’Etat.

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Comment cet ex-PDG de Peugeot a obtenu de se faire payer en douce une retraite de rentier multimillionnaire, par le constructeur automobile, pour si peu d’années de service ! Alors qu’il n’y avait pas droit, il avait même fait croire qu’il renoncerait à un tel butin !

Philippe Varin a quitté Peugeot mi 2014, mais il aura fallu attendre avril 2015 pour que l’information apparaisse discrètement dans le document de référence de Peugeot SA. Bien sûr, pas un mot n’a filtré sur cette affaire lors de l’assemblée générale du 29 avril 2015. Il ne manquerait plus que les actionnaires soient informés des rémunérations, payées sur leurs deniers à ces précieux dirigeants !

Retour sur une manipulation médiatique de haut vol, à laquelle ont participé les représentants de l’Etat et le Medef.

Le 25 novembre 2013, Philippe Varin est gentiment conduit vers la porte de sortie par le conseil de surveillance du constructeur automobile, toujours présidé par la famille Peugeot.

Louis Gallois, arrivé six mois plus tôt au conseil, est là pour s’assurer que l’Etat, qui a avancé plusieurs milliards d’euros pour sauver le groupe d’une grave crise de liquidité, veille à la bonne gestion des deniers publics mobilisés pour l’avenir de notre industrie et de nos emplois.

Car chez Peugeot, l’affaire est en train de tourner au fiasco : 8000 emplois supprimés et 5 milliards de pertes en 2012, les syndicats sont vent debout contre ce PDG, dont le bilan est jugé désastreux.

Philippe Varin n’est pas pressé de quitter la présidence du directoire

C’est dans ce contexte en cette fin novembre 2013 que Carlos Tavares, DG délégué de Renault, déboule chez PSA. Il doit remplacer Philippe Varin aux commandes. Le temps presse. Louis Gallois et Carlos Tavares veulent prendre les rênes du groupe automobile qui s’enfonce dans la crise. Le partenaire chinois, le constructeur Dongfeng, est prêt à mettre de l’argent aux côtés de l’Etat, une occasion qui ne se présente pas tous les jours.

Mais Monsieur Varin n’est chez Peugeot que depuis le 1er juin 2009, et s’il part maintenant, il peut faire une croix sur sa retraite chapeau. Ce généreux régime de « retraite supplémentaire », payé par l’entreprise, est réservé aux dirigeants de la firme. Mais il faut y avoir passé 5 ans pour en bénéficier à l’occasion de son départ en retraite.

Entre le 25 et le 27 novembre 2013, l’affaire fait pourtant les grands titres des journaux. Une campagne bien orchestrée met en lumière cet avantage exorbitant. Philippe Varin, qu’on pousse dehors, peut espérer bénéficier d’une retraite chapeau de 420 000 euros brut par an, ce qui risque de coûter au moins 21 millions à l’entreprise et à ses actionnaires.

Jean-Pierre Mercier, le responsable de la centrale syndicale CGT, est partout sur les ondes. C’est lui qui aurait levé le lièvre. Alors que les salariés du groupe doivent se serrer la ceinture, et que des milliers d’emplois sont en jeu, la CGT exige que Peugeot ne paie pas.

Les rémunérations indécentes et les retraites dorées sont la bête noire des syndicats. Parmi eux, la CGT dénonce depuis longtemps ces pratiques qui consistent à multiplier les cadeaux aux dirigeants. Ces enfants gâtés reçoivent souvent une prime lorsqu’ils arrivent – le golden hello, ou « pont d’or »- et un cadeau de départ, même quand ils ont ruiné l’entreprise ou qu’elle est en crise, prenant la forme d’un parachute doré, ou au moins d’une retraite « supplémentaire » de plusieurs centaines de milliers d’euros par an.

Le départ du grand patron fait généralement l’objet de tractations obscures

A Sochaux, siège historique de Peugeot et fief du ministre de l’économie Pierre Moscovici, en 2013, il  y a là le terreau pour une montée en flèche du Front National au sein de la classe ouvrière : 15 000 salariés pointent dans cette 4ème circonscription du Doubs, et Marine Le Pen ramasse des voix à la pelle. Pour le gouvernement et pour Bercy, le danger est patent. D’autant que, si Moscovici part à Bruxelles comme on le murmure, il y aura des législatives partielles dans sa circonscription.

Alors, dans un style tragico-lyrique, et pour le plus grand profit électoral d’un membre du gouvernement, Monsieur Varin va se livrer à la presse la corde au cou, comme un martyr du néo-capitalisme, sacrifiant les cadeaux qui lui semblaient promis, pour l’honneur et l’avenir de son pays.

Le 27 novembre 2013, en fin d’après midi, après avoir vu Pierre Moscovici, il acceptera de faire une déclaration sur sa fameuse retraite chapeau.

C’est alors que la machine médiatique s’emballe

Quoi de mieux que d’organiser une conférence de presse impromptue en fin d’après-midi, pour garantir un sujet ultra frais et une audience record au journal de 20 heures ?

Philippe Varin s’y rend la mort dans l’âme, avec un cahier des charges : il doit laisser entendre qu’il renonce à sa retraite chapeau. En réalité, il est plutôt obsédé par l’idée de sauver discrètement sa cagnotte.

Son malaise est palpable, devant les journalistes, avec des mots bien pesés, il dit renoncer « aux dispositions actuelles de ses droits à la retraite compte tenu de la polémique » soulevée à ce sujet. Rien de tel qu’un bonneteau verbal pour égarer la compréhension. En résumé, Monsieur Varin joue avec les mots.

Il y a juste un point que personne n’évoque : à ce moment, il n’a tout simplement droit à aucune retraite supplémentaire payée par Peugeot, puisqu’il lui manque 6 mois d’ancienneté. Il n’a pas de contrat de travail, donc pas de préavis de départ. En théorie, il peut être remercié du jour au lendemain,  ce qui représenterait une économie substantielle pour  la firme automobile.

Mais ça, c’est la théorie. La pratique dans les grandes entreprises est bien différente. Le départ du grand patron fait généralement l’objet de tractations obscures. Et puis il y a ceux qui pensent que Varin, malgré la situation de PSA, n’a pas failli, qu’il a été empêché par la famille Peugeot de gérer au mieux, et qu’il a bien mérité un petit magot.

Alors personne n’évoquera le problème posé par son ancienneté insuffisante. Il est vrai qu’avec une conférence de presse en fin d’après-midi, les médias télévisés ont à peine le temps de digérer l’information pour le journal de 20 heures et ils ne se livrent pas à ce genre de vérifications.

Le soir même, sur France 2 et partout sur les écrans, le message est le même, sans nuance : « Varin renonce à sa retraite chapeau ».

Qui a pu orchestrer cette fausse information, montée en épingle ? Ce mensonge a-t-il aidé les syndicalistes de Sochaux à repousser la progression du camp de Marine Le Pen parmi les ouvriers ? Mystère.

Tant qu’il n’a pas signé son départ, Philippe Varin garde donc la main chez Peugeot et personne ne bronche. Ni Louis Gallois, ni Geoffroy Roux de Bézieux, vice-président du Medef, tous deux pourtant qualifiés d’administrateurs indépendants, ne prennent la parole.

Louis Gallois, dont l’honnêteté intellectuelle est souvent mise en avant, n’a aucun intérêt à mettre les pieds dans le plat. A 69 ans, il postule à la présidence du conseil de surveillance de Peugeot et l’Etat est son principal soutient.

Quant à Geoffroy Roux de Bézieux, nommé le 30 juillet 2013 à la présidence du Comité des nominations, des rémunérations et de la gouvernance au sein du conseil du constructeur, il vient d’être élu à la vice-présidence du Medef.

La campagne menée contre les retraites chapeau ne sert pas vraiment l’image des patrons, mais ses relations avec les syndicats sont bien plus importantes. Et il doit asseoir son influence au sein du conseil de PSA. Le 29 avril 2014, il sera d’ailleurs nommé numéro deux du conseil de surveillance de Peugeot.

Au sein du parti socialiste, le porte parole du PS salue l’honnêteté de l’homme qui renoncerait à son privilège. C’est faux, mais ça sonne bien !

Voici donc Monsieur Varin blanchi, et devenu un patron exemplaire. Le Medef promet de veiller à l’avenir à une plus grande autorégulation des rémunérations des grands patrons. Tandis que la gauche de la gauche qui réclame une loi sur les retraites chapeau, n’aura pas gain de cause.

Philippe Varin est-il une pièce maîtresse dans la négociation avec les chinois ? Toujours est-il qu’il restera à son poste encore plusieurs mois avec la bénédiction du conseil de surveillance et de ses membres les plus influents.

Les jours passent et cette histoire de retraite dorée passe au second plan. Le 1er janvier 2014, Carlos Tavares entre au directoire de Peugeot. Monsieur Varin est toujours là. Sa date de départ n’est toujours pas fixée. Fin janvier, on apprend qu’elle pourrait être connue le 17 février, puis plus rien. Philippe Varin ne lâche pas prise. Il s’accroche à son fauteuil comme le sparadrap du capitaine Haddock. On explique qu’il restera jusqu’à la visite du président chinois Xi Jinping, prévue en mars. Espère-t-il un sauvetage in extremis par ses amis chinois ?

Finalement, le 30 mars 2014, c’est officiel, Monsieur Varin quitte ses fonctions, remplacé par l’ancien DG de Renault, Carlos Tavares, patron et pilote automobile.

Le départ de Philippe Varin acté, l’affaire aurait dû s’arrêter là. Mais, Philippe Varin a profité du délai de grâce entre son éviction de novembre 2013 et son départ de mars 2014, pour se mitonner un nouveau système de retraite chapeau sur mesure.

Celui-ci s’applique  à compter du 1er janvier 2014. Et qui en est le premier bénéficiaire ?  Monsieur Varin lui-même, pardi ! La plupart des actionnaires présents à l’assemblée n’auront même pas noté qu’en avril 2014, on leur demande d’approuver cette nouvelle convention concoctée avec la complicité de l’Etat, de Peugeot, et surtout du Medef.

Le système de pension est  revu en baisse, le futur ex-patron n’aura droit qu’à 299 000 euros par an au lieu de 420 000 euros. Et il en coûtera tout de même une quinzaine de millions à Peugeot.

Mais il y a un toujours hic. Si le haut comité de gouvernance Afep-Medef en a accepté les conditions, il n’a pas transigé sur une chose: celui qui se voit décerner cette rente à vie, doit afficher au moins 5 ans d’ancienneté dans l’entreprise. Or, fin mars en 2014, le futur ex-patron n’a toujours pas droit à sa retraite dorée.

Autrement dit, il ne doit pas quitter Peugeot avant le 1er juin 2014 pour toucher le pactole. Et il n’est pas question d’échouer si près du but.

Peugeot lui signera donc un nouveau contrat de travail pour une mission temporaire d’assistance à la mise en œuvre des accords conclus avec l’Etat et Dongfeng. Un contrat très obscur puisqu’il n’en est pas question dans les documents officiels. Aucune information ne filtre, ni sur sa durée, ni sur la rémunération qui lui sera versée dans cette période transitoire.

L’essentiel est que le résultat soit là et que les petits arrangements entre amis ne lèsent pas l’élite patronale des hauts dirigeants. Philippe Varin peut remercier Geoffroy Roux de Bézieux du Medef, Louis Gallois qui défend l’Etat, et Denis Ranque (président du haut comité de gouvernance du Medef). Tous trois ont évité qu’une brèche ne soit ouverte dans le privilège des hautes rémunérations patronales. C’est la quintessence de ce que l’Afep et le Medef considèrent comme une autorégulation des butins que leurs dirigeants se constituent sur le dos des contribuables et des autres actionnaires : faire croire au sacrifice en se livrant au pillage !

12 commentaires

  1. BEOTIEN, le

    La question a se poser c’est… POURQUOI ?

    Pourquoi, en logique pacistalistolibérale un type non actionnaire (ou ultraminoritaire) qu’on vire pour cause d’échec peut arriver à imposer ses conditions au conseil d’administration ?

    De quel pouvoir de nuisance bénéficie-t-il ? Prix de son silence sur des secrets inavouables ?

  2. Jean, le

    Ce Monsieur touche un peu plus que moi qui as travaillé 35 ans à Peugeot en doublage ainsi que 2 année de nuit,j’ai commencé à travaillé à l’age de 14ans et je viens de finir au 01/04/2015 et par mois je touche 1290€ complémentaire comprise,trouvé l’erreur.

    • Gilles Pouzin, le

      Merci cher lecteur pour vos encouragements et lecture constructive.
      Deontofi.com ayant des moyens très restreints pour préserver son indépendance, votre relecture nous aide et a permis de rectifier encore quelques coquilles, n’hésitez pas à nous signaler s’il en reste !
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  3. Eric, le

    Gérard Mestrallet touchera en réalité une prime de départ en retraite de 16 millions d’euros et une retraite chapeau de 800.000€ par an…. alors qu’ils sont en train de licencier sous différentes formes, (pour ce ne soit pas visible) quelques centaines de personnes et que l’état est actionnaire majoritaire de GDF SUEZ et surtout avec 4 milliards de bénéfices déclaré en 2014.
    Merci Mr Holland d’augmenter ainsi le nombre de sans dents….

  4. peter, le

    quelle sera reellement la retraite annuelle de Mosieur Hollande

    sauriez vous nous dire ceci en toute honnetete.?,

    et combien devra donc etre la  » provision  » de l Etat francais ( c.a.d. Nous ) ,
    ???

  5. de Saint Jores, le

    Il en est de même pour Patrick Mestralet de Suez qui devrait percevoir 700 000 euros par an de retraite chapeau ( en plus de sa retraite personnelle et de sa complémentaire) pendant 30 ans. Tout cela ne peut que pousser à la révolte.

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