Tout le monde pouvait le voir, qu’on soit recéleur, commercial, ou agent de paille, quand on voit la montagne de fric qui abonde sur les comptes personnels de l’escroc, et côté raccordement, nada, explique le procureur. (photo © GPouzin)

11ème épisode du procès de Dom Tom Défiscalisation, la plus grosse escroquerie à l’investissement défiscalisé en panneaux solaires Girardin industriel. Tout le sommaire des articles de Deontofi.com sur cette arnaque photovoltaïque ici.

Vendredi 18 novembre 2016 au Palais de justice de Paris.

Deux heures et demi. Coincés dans cette salle, plutôt calme comme une salle de classe un après-midi d’automne, bercée par la pâle dorure d’un soleil affaibli, à peine troublé par quelques sursauts de scies électriques, nous étions là, une quarantaine, enfermés sans interruption, oubliant l’inconfort de nos bancs de bois, le temps d’un long métrage : le réquisitoire du procureur de la République.

Deux heures trente de réquisitoire, 36 000 signes de texte, c’est un peu long d’une traite, nous l’avons découpé en épisodes. La parole est à monsieur le procureur de la République :

J’étais il y a quelques jours faire passer à des avocats leur examen au barreau. Je me retrouve dans la même position qu’eux, avec des prévenus pour lesquels je vais requérir des années d’emprisonnement. Le dossier est complexe, mais on n’en aurait pas plus fait le tour en prolongeant les débats. Je vais résumer pourquoi c’est une escroquerie photovoltaïque, pourquoi il y avait déjà escroquerie dans le matériel envoyé aux artisans, pourquoi elle est en bande organisée sans aucun doute, et qu’il y a bien délit de blanchiment et recel, qui concernent M. Sordes et Mme Scholastique.

Je ne pourrai faire l’économie d’un point sur la personnalité de Jacques Sordes, dont les méthodes éclairent ce dossier. La personnalité de Jack Sword, personnage central de cette affaire, rejaillit sur tous ceux qui l’entourent.

Cette escroquerie aux centrales photovoltaïque est extrêmement difficile à saisir, à chaque fois on a l’impression de pêcher une anguille à la main. Ce mécanisme d’investissement en Loi Girardin est extrêmement complexe, avec ce fameux crédit fournisseur, les marges, le mecanno des sociétés… On s’y perdrait, c’est le but !

Pour comprendre, j’utiliserai plusieurs analogies. Prenons la vente de voitures. Si vous venez acheter une voiture à 30 000 euros au garage Sordes, on vous la vend 60 000 euros avec un crédit de 40 000 euros, vous repartez avec le sourire et une surfacturation. Ce montage n’a aucune chance de séduire, il est débile, sauf si le surfacturé n’est pas celui qui paye. Comme avec la Sécurité sociale, quand un patient va voir le médecin, il peut surfacturer, ce n’est pas lui qui paye, comme ici c’est l’Etat sous forme de subvention. Je poursuis l’analogie: ce médecin fait l’ordonnance, facture le produit et fabrique le médicament. La surfacturation, caractéristique dans une telle escroquerie, dépend du taux, de 88 à 96% dans le cas présent.

Il y a beaucoup plus grave, dans la manœuvre qu’on appelle pompeusement intégration verticale, qui est une escroquerie écrite noire sur blanc pour qui se donne la peine de lire.

Première manœuvre, géniale dans l’escroquerie, c’est la surfacturation associée au crédit fournisseur. Le client apporte 40, c’est déjà plus que le prix de revient de ce qu’on lui vend. On dit qu’il met 60, on le trompe, c’est zéro ! Appelez ça comme vous voulez, Lynx Industries ou autre. Il vous prend 40, vous refile un truc qui vaut 5 ou 10, on est associés. Tout le monde pouvait le voir, qu’on soit recéleur, commercial, ou agent de paille, quand on voit la montagne de fric qui abonde sur les comptes personnels de l’escroc, et côté raccordement, nada.

Cette première manœuvre, qui combine le crédit fournisseur à une surfacturation gigantesque, se combine à une deuxième manœuvre, un système de cession de créances et de compensations, comme le tribunal en a l’habitude dans cette chambre [ndlr, la 32ème chambre correctionnel traitant de délinquance économique et financière]. Lui revient en bout de chaine. La manœuvre est de dire qu’on vendra une production à EdF pour 59 600 euros, et voila l’existence comptable de cette créance fournisseur qui apparait, mais calculée sur quoi ? Rien, pas de production, pas de rendement, personne n’a cherché. Qui compte ? Son fils Rudy, le centralien ? La seule qui comprend, c’est Julia Chanteur, qui dit que les son estimation des rendements est de 1000 euros de rendement annuel, selon l’expérience de Tenesol, son ex-employeur. Harry, le premier technicien envoyé à Caza Sun ? C’est un clown ou un expert, selon que ce qu’il dit arrange ou non.

On ne s’est posé aucune question sur l’avis d’experts et on a fixé la rentabilité sur 25 ans à l’euro près.

Cette valorisation, c’est la seconde escroquerie, ne vaut rien. Peanuts ! Tous les techniciens disent que la capacité de production est à minima dix fois moins.

La troisième manœuvre qui caractérise la fraude ? Pourquoi ces 56 000 euros ? Pour faire des SEP [ndlr sociétés en participation] sous le radar fiscal. Je m’attends à entendre l’argument « C’est la faute de l’Etat ». Pourquoi passer sous le radar ? Pour deux raisons : éviter l’agrément et ne pas essuyer de refus ou remarques. Pour un montant supplémentaire il faut un agrément et on ne peut plus utiliser les SEP, mais des sociétés ayant la personnalité morale soumises à l’IS.

C’est une manœuvre pour saucissonner les investissements en SEP. La seule société bénéficiaire est Caza sun, qu’on découpe en Solar, société ultramarine, il fait créer des fausses sociétés par la secrétaire de direction qui vient de passer son brevet, il choisit des petites mains qui ne comprennent rien et qui ne posent pas de questions.

La comptabilité des Solar [surnom des SEP], elles sont là pour parcelliser Caza sun, la société ultramarine bénéficiaire officielle. Le découpage en Solar constitue une amélioration géniale de la méthode antérieure. Qui l’a fait ? Pas Sordes. Jacob dit en avoir parlé, et on en retrouve le schéma dans la voiture de M. Esnault.

Y a des notes juridiques du cabinet Alpha Magellan du 20 septembre 1994, qui parle de délégation pour faire des créances entre la SEP et la société de défiscalisation. On déporte le risque de défaillance de la société locataire. La nécessaire information loyale des investisseurs n’est pas prévue, mais ce serait quand même mieux d’indiquer les montants supportés par l’épargne. On ne l’entend pas trop dans la bouche de Sordes quand on parle de cette note.

On parle du Girardin artisanal, four à pain, etc. Et Sordes ne parle pas à Magellan de la manœuvre qui consiste à inventer des revenus futurs.

la note d’Acta Antilles, tout le monde l’a, datée du 12 mars 2007, c’est presque un plagiat de la note de Magellan, sur les délégations de créances, les SEP. Quand ça chauffe, il faut une nouvelle note, pas plus claire. Mars 2009, je veux bien qu’on nous dise qu’il n’y a pas besoin de poser les panneaux, mais personne ne l’a demandé avant à un avocat car il dira que ce n’est pas possible, il faut demander au fisc et il dira non. On ne demande pas. Juste quand ça commence à chauffer, on sert une explication de plus en plus floue, incompréhensible. A part pour les rats du port de Pointe-à-pitre, qui profitent peut être de l’ombre des panneaux solaires, ils ne produisent rien du tout. Il faut du talent pour le justifier en expliquant qu’il faut que l’investissement soit productif. Il faut être crétin ou malhonnête pour le croire.

Si on explique qu’on gagne plus avec les surfacturations qu’avec la défiscalisation, cela pose un problème. Si on explique qu’on calcule la rentabilité sur mesure des panneaux sans les installer, c’est bizarre. Dans la note Acta du 30 novembre 2009, vous avez des indications portant sur une installation de production électrique avec une petite éolienne, qui sont revues pour un système photovoltaïque posé au sol. Vous avez indiqué installer déjà des toitures à un rythme qui va s’intensifier, mais les premières installations sont de juillet 2009, chez une dame à Trois Rivières. Tout le monde en parle ébahi, on en arrive là après avoir collecté des millions d’euros pendant des années.

Là encore Julia Chanteur est la seule qui connaît, elle dit qu’installer des éoliennes aux Antilles est aberrent, débile. C’est là-dessus qu’on a vendu un produit de défiscalisation dont la spécialiste technique dit que deux ans après les éolienne se retrouveraient a Miami avec le premier cyclone. On s’en fiche, d’installer des panneaux, ou de voir si ça marche, mais l’expert constate qu’il y a zéro.

Deux questions sont absente, à ce moment de la défiscalisation. On a une première réponse en mars 2009. On pourrait faire une analogie avec l’immobilier Girardin, c’est différent mais c’est une construction en dur, les panneaux solaires sont du régime mobilier ou immobilier quand ils sont posés sur le toit, c’est bien expliqué dans le Lefebvre.

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