Pour comprendre l’enjeu et les intrigues de ce polar sur la « taxe passoire », reprenons depuis le début. L’histoire de la TTF française commence en 2012, avec la « restauration » de l’impôt de Bourse à la française. En effet, l’idée de taxer les transactions boursières n’est pas nouvelle. « La TTF existe depuis plusieurs siècles, rappelle Gunther Capelle-Blancard. Au Royaume-Uni, elle a été introduite en 1694, sous la forme d’un droit de timbre (stamp duty) et c’est le plus vieil impôt encore en vigueur outre-Manche ».
En France, l’impôt de Bourse existait depuis 1893, mais avait été supprimé le 1er janvier 2008, en pleine crise bancaire. Cet impôt frappait uniquement les achats d’actions. De fait, les transactions inférieures à 7.623 euros (initialement 50 000 FRF avant 1999) en étaient exonérées depuis longtemps, ce qui le rendait indolore pour la plupart des actionnaires individuels.
La grande crise bancaire et financière de 2008 a remis la taxation des transactions financières, au sens large, au goût du jour.
Contrairement aux mises en garde mensongères des lobbies bancaires sur ses prétendus effets néfastes pour l’économie, la TTF fonctionne très bien dans beaucoup de pays. Aucun effet néfaste n’est prouvé, aucun effet néfaste n’a été observé. « Les débats sur la taxation des transactions financières (TTF) sont anciens et portent surtout sur ses effets sur les marchés et l’économie, rappelle Gunther Capelle-Blancard, en préambule de son étude dans le cadre de du Centre d’Economie de la Sorbonne. En pratique, toutefois, la TTF est moins un outil réglementaire qu’un instrument fiscal ».
Alors que les débats sur la TTF ont longtemps porté sur son utilité pour endiguer ou pénaliser les spéculations financières les plus préjudiciables à l’économie, on découvre avec l’usage qu’elle n’a aucun effet sur les marchés ni sur la spéculation.
Résultat, « telle qu’en vigueur aujourd’hui en France ou à l’étranger, la TTF n’a guère de visée réglementaire. Les taux sont faibles (entre 0,1% et 0,5% en général), l’assiette ne porte que sur les actions (et très rarement sur les produits financiers les plus spéculatifs) et les exemptions sont nombreuses » (p.5).
« La problématique n’est pas de savoir si la TTF est le bon outil pour lutter contre la spéculation ou les crises, ni son impact sur la liquidité des marchés. Ces questions sont bien sûr importantes, mais font déjà l’objet de plusieurs travaux théoriques et empiriques.1 Globalement, il en ressort que, tant que les marchés sont suffisamment liquides et le taux suffisamment faible – ce qui est le cas aujourd’hui – la TTF a peu d’effet sur les marchés financiers ». (p.5)
Le vrai débat n’est plus de savoir si la taxation des transactions pénalise l’économie, comme les lobbies bancaires tentent encore de le faire croire, mais de vérifier si elle est bien appliquée en France, douze ans après son entrée en vigueur.
Refusant de se laisser détourner des questions qui fâchent par un débat stérile sur l’utilité de cette taxation financière, qui n’est plus à démontrer, le chercheur a donc voulu « examiner deux questions généralement ignorées dans les travaux antérieurs : qui paie la TTF et comment ? »
Deux questions simples… aux réponses floues.
En effet, le vrai scandale de la Taxe passoire sur les Transactions Financières (TTF) mis en évidence par ce rapport, est que l’écrasante majorité des transactions, surtout les plus spéculatives, passe complètement à travers cette taxe passoire, alors qu’il y aurait des milliards à ramasser facilement, pour redresser notre déficit budgétaire et financer l’aide au développement !
Sommaire :
1- Taxe sur transactions financières, le magot fiscal caché par Bercy
2- Mensonge bancaire, l’impôt de Bourse n’est pas nuisible
3- Spéculation exonérée, épargnants taxés : objectif raté
4- Percepteur privé : l’impôt de Bourse endormi par Euroclear
5- Taxe passoire : 1000 milliards d’euros de soupçons !
6- Bercy et l’AMF ont la clé pour réduire le déficit budgétaire avec la TTF
7- 7 mesures pour mieux taxer les transactions financières et réduire le déficit