Mots-clés de l'article : Marielle Cohen-Branche, médiateur de l'AMF
Dans son rapport annuel, la médiatrice de l’AMF dévoile des informations utiles pour mieux esquiver les litiges et déjouer la prolifération de nouvelles arnaques

En cas de litige sur un produit financier avec un prestataire de services d’investissement, les épargnant ont la possibilité de saisir le service de médiation l’Autorité des marchés financiers (AMF). Ce service a de nombreux avantages. D’abord la médiation est gratuite. Ensuite elle préserve intégralement les possibilités de recours judiciaire devant les tribunaux, contrairement aux procédures d’arbitrage. Enfin, elle permet souvent de tester la solidité juridique d’une cause, permettant de vérifier si elle tiendrait devant un tribunal.

Chaque année, la médiatrice de l’Autorité des marchés financiers présente son rapport annuel au cours d’une conférence de presse exposant son examen des réclamations dont elle a été saisie. Comme chaque année depuis sa nomination en tant que médiatrice de l’AMF il y a bientôt dix ans, Marielle Cohen-Branche, a ainsi présenté les principaux enseignements de son rapport annuel le 19 mai dernier.

Faisant le bilan d’une année de médiation dans le contexte de la crise sanitaire et des confinements de 2020, Marielle Cohen-Branche a insisté sur l’influence croissante d’Internet à double tranchant.

Ravages des arnaques en ligne

D’abord, Internet a confirmé son rôle de pire vecteur d’escroqueries au monde. Pour la médiatrice de l’AMF : « se sont multipliés les placements frauduleux après un hameçonnage par internet ; les tentatives d’escroqueries se sont aggravées par de nouvelles tendances aux usurpations d’identité. Elles ont porté sur le Forex, les placements divers atypiques, sans parler du bitcoin, profitant de ce que ces mêmes, épargnants étaient rivés à leur ordinateur par l’effet des confinements ».

Pas de médiation avec les escrocs

Le problème des escroqueries est qu’elles sortent du champ de compétence de la médiation. Il n’existe aucun moyen de pression ou d’incitation pour encourager les escrocs à négocier l’indemnisation amiable de leurs victimes, puisque par définition ils méprisent les lois et leurs représentants. Bien sûr, il est important de porter plainte en cas d’escroquerie, et l’AMF a aussi la possibilité de transmettre les dossiers d’escroquerie au procureur de la République pour que des enquêtes et poursuites soient engagées pour arrêter les escrocs. Mais c’est quasi impossible avec le labyrinthe d’Internet et des médias sociaux et pays complices protégeant les escrocs. La médiation est quant à elle impossible. « Dans ces types de dossier, comme on le sait, le médiateur ne peut que constater leur irrecevabilité », rappelle la médiatrice.

Saisir le médiateur par Internet : plus efficace et pertinent

L’apport positif d’Internet lors de la crise sanitaire a été de faciliter l’orientation des réclamations des épargnants.

« Pour la première fois, les épargnants ont utilisé majoritairement le formulaire internet pour saisir la Médiation, à 58 % contre 27 % en 2019 », explique la médiatrice de l’AMF. Déposer sa réclamation par Internet a plusieurs avantages. D’abord c’est plus pratique et moins coûteux que d’envoyer un dossier papier. Mais surtout, l’assistance à la saisine à distance aide les épargnants à déterminer si leur litige relève bien du médiateur de l’AMF, et pas de celui des banques ou des assurances, par exemple, qui ont des compétences différentes selon l’objet du litige. Résultat : « seulement 25 % des saisines par Internet sont hors du champ de compétence (et même 15 % si l’on exclut des réclamations pour escroqueries, non filtrées volontairement), contre 46 % des demandes par courrier.

Au-delà de ce constat, l’année 2020 a connu une nouvelle augmentation des réclamations et demandes de médiation : « Le nombre de demandes reçues s’est en effet accru de 14 %, soit 1 479 demandes, contre 1 295 en 2019. La hausse s’est accélérée s’agissant des demandes reçues dans le champ de compétence du médiateur : + 27 %, soit 966 demandes contre 762 en 2019 ».

Certaines demandes de médiation qui ne relèvent pas de l’AMF peuvent parfois être orientées vers un autre médiateur compétent selon la nature de la réclamation, par exemple le médiateur des assurances pour un litige d’assurance-vie, ou un médiateur bancaire pour des différents liés aux moyens de paiement.

« Sur les 518 dossiers hors du champ de compétence traités et clôturés en 2020 (contre 551 en 2019), 236 concernaient le domaine bancaire, soit 46 %, contre près des deux tiers les années précédentes, explique la médiatrice de l’AMF. Il n’est en effet pas toujours simple pour les épargnants de distinguer ce qui relève d’un placement bancaire (épargne réglementée, compte à terme) ou d’assurance (contrat d’assurance-vie en euros ou en unités de compte) de ce qui relève d’un placement financier (bourse, OPC, tracker, SCPI, FCPI, FIA, PEA, etc.)1. De même, les services liés à l’exécution d’ordres, au conseil financier, à la tenue de compte-conservation (avec le calcul des prix de revient), au transfert de compte, qui relèvent du médiateur de l’AMF, doivent être distingués des calculs fiscaux liés à la tenue de compte-titres, des interprétations fiscales des opérations financières, de la contestation de tarifications bancaires, etc., qui ne relèvent pas du médiateur de l’AMF. » (p.8)

Escroqueries en 1ère ligne

Malheureusement, une large part des demandes de médiation irrecevables concerne des escroqueries, pour lesquelles aucune médiation n’est possible : « Sur les formulaires reçus et hors du champ de compétence de la Médiation, une bonne partie (40 %) concerne des dossiers à caractère pénal, lesquels ne sont volontairement pas filtrés », confirme la médiatrice de l’AMF. « Pour les dossiers hors champ de compétence relevant d’un litige pénal, il ne peut être engagé de médiation. De surcroît, la demande n’est pas couverte par la confidentialité. Le dossier est alors adressé au procureur de la République par la Direction des affaires juridiques de l’AMF (88 dossiers en 2020). Parmi ces 88 dossiers, 60 constituent des demandes concernant le même professionnel, dont certaines activités ont fait l’objet d’une mise en garde de l’AMF, publiée le 18 novembre 2020 ».

Deontofi.com avait relayé cette mise en garde dès sa diffusion par l’Autorité des marchés financiers (relisez ici: Une arnaque aux formations de trading démasquée). Nous consacrons un nouvel article plus détaillé aux explications du rapport de la médiatrice de l’AMF concernant les arnaques des sites Legendary Learning ou Tradinvest, et leur animateur, un certain Laurent Chenot.

Des médiations apaisantes

Les règles du jeu sur les marchés financiers et dans le monde des placements sont complexes. Au point que de nombreux professionnels ont eux-mêmes le plus grand mal à les respecter, et qu’elles sont aussi loin d’être évidentes à comprendre pour le commun des mortels. Le but de la médiation est d’abord d’apaiser un litige, en examinant le respect des règles juridiques, et son lien éventuel avec un préjudice subi. Au final, la médiation ne vise pas à donner raison ou tort au consommateur ou au professionnel, mais à trouver un terrain d’entente au regard des règles juridiques. Ainsi « sur les 505 avis rendus en 2020 (+12 % par rapport à 2019), 53 % étaient favorables aux épargnants et ont été suivis à 95 %. Et les 47 % d’avis défavorables n’ont été contestés que par 4 % des épargnants », résume le rapport de la médiation de l’AMF.

Le montant total des indemnisations obtenues via la Médiation en 2020 s’est élevé à 533.562 euros, contre 716.992 euros en 2019, principalement du fait de la baisse du nombre de saisines en matière de Forex.

Dans les cas de litiges classiques, près d’une réclamation sur quatre concernait par exemple un problème de défaut d’exécution, ou de mauvaise exécution, des instructions d’un client. Malheureusement, les torts dans ce domaine sont parfois partagés pour plusieurs raisons. Parfois les instructions ne sont pas assez claires, parfois les employés d’agences bancaires n’ont pas des compétences asses pointues sur les marchés financiers pour les exécuter correctement, ou pas un accès direct leur permettant de les exécuter rapidement. Parfois des instructions peuvent être transmises oralement et bien exécutées, parfois l’institution ne réagit qu’à des instructions adressées en recommandé avec accusé de réception, voire une réelle mise en demeure.

Parfois, dans des dossiers en apparence aussi simples que le transfert des parts de SCPI consécutif à une donation, une médiation de l’AMF est pourtant nécessaire pour résoudre une situation ubuesque et obtenir l’exécution d’une instruction.

LES RÉSULTATS OBTENUS EN 2020 GRÂCE À LA MÉDIATION

La proposition d’avis favorable du médiateur, lorsqu’elle est suivie par les parties concernées, peut, selon les cas, prendre deux formes : soit obtenir l’exécution d’une instruction (53 % des avis favorables suivis) ; soit obtenir la réparation du préjudice par son indemnisation (47 % des avis favorables suivis). (extraits du rapport de médiation de l’AMF 2020, p.14)

Le montant total des indemnisations obtenues en 2020 s’est élevé à 533 562 euros, contre 716 992 euros en 2019. Sur l’ensemble des dossiers clôturés en 2020, 266 recommandations favorables ont été rendues, dont 126 recommandations financières.

Pour ces 126 recommandations financières, les gestes vont de 4 euros à 150 000 euros, avec une moyenne de 4 235 euros et une médiane de 404 euros. Sur les dossiers Forex clôturés en 2020, trois recommandations favorables ont été rendues, toutes financières. Pour ces trois recommandations financières : les gestes sont de 2 500 euros, 4 500 euros et 5 200 euros.

Sur les dossiers d’épargne salariale clôturés en 2020, 73 recommandations favorables ont été rendues, dont 27 recommandations financières.

Pour ces 27 recommandations financières, les gestes vont de 16 euros à 62 000 euros, avec une moyenne de 2 938 euros et une médiane de 808 euros.

Enfin, Marielle Cohen-Branche a pu se féliciter d’un bond de 50% de l’audience de son Journal de bord du médiateur. En particulier son dossier du mois, qui décrypte un cas de médiation, en respectant l’anonymat des parties, a comptabilisé plus de 57 000 visites en 2020, soit 4 757 visites par mois.

Chaque mois, Deontofi.com encourage d’ailleurs ses lecteurs à découvrir les cas pratiques traités dans ce Journal de bord, dont nous publions des extraits, car ce sont des références pédagogiques précieuses pour comprendre les enjeux pratiques et juridiques de nombreuses situations, ordinaires ou imprévues, auxquelles les épargnants peuvent être réellement confrontés. Retrouvez le Journal de Bord de la médiatrice de l’AMF sur son blog ici !

Print Friendly, PDF & Email

Laisser un commentaire