L’audience du 19 novembre 2013 est consacrée aux plaidoiries des parties civiles victimes des dérives de Vivendi et ses ex-dirigeants, rejugés devant la 5ème chambre de la Cour d’appel de Paris. Deontofi.com publie les quatre principales plaidoiries. (Tout le feuilleton ici)
Plaidoirie de Maître Hervé Pisani, avocat de Vivendi :
– Suivants, pour la société Vivendi Universal, partie civile et civilement responsable, annonce la présidente.
– Vivendi Universal peut vous paraître un Goliath de ce côté de la barre, entame Maître Hervé Pisani. C’est une partie civile qui a aussi intérêt, parfois, à s’opposer aux petits porteurs car elle est redevable vis-à-vis de tous les actionnaires. Vivendi Universal s’est constitué partie civile très tôt sur décision de la nouvelle direction représentée par Monsieur Jean-René Fourtou. Nous avons la certitude que Vivendi Universal n’a pas été confronté à une fraude généralisée, ses activités étaient saines.
L’enquête de la COB était très approfondie, assure-t-il, mais les griefs retenus assez limités (NDLR, constat partagé à l’audience du 4 novembre, pour des raisons étranges, lire : Les manipulations de Vivendi sous l’œil du gendarme boursier).
L’enquête n’a pas été complaisante, poursuit l’avocat de cette entreprise en rappelant les 25 000 pages réunies dans le dossier d’instruction (NDLR dont les avocats des épargnants se plaignent qu’une grande partie a mystérieusement disparu des scellés conservés par le tribunal). Il rappelle également « l’action introduite par Vivendi Universal auprès du tribunal correctionnel de Paris pour faire bloquer les sommes à payer à Jean-Marie Messier ».
Vivendi Universal s’est battu et n’a pas payé un centime d’euro, poursuit Maître Pisani. Elle a payé les avocats en vertu de la décision de la SEC, mais nous considérons qu’elle n’a pas subi de préjudice puisqu’elle s’est battue pour ne rien payer.
Après ce plaidoyer contre les préjudices de l’abus de biens sociaux poursuivi, l’avocat du groupe précise que Vivendi n’a pas subi de préjudice du fait des autres infractions « ni pour manipulation de cours, ni pour délit d’initié ». Partie civile censée réclamer réparation d’un préjudice né des infractions poursuivies, Vivendi voudrait surtout démontrer que son ex-PDG n’a causé aucun préjudice dont elle serait responsable juridiquement et financièrement.
« Sur l’information financière, la raison pour laquelle Vivendi Universal n’a rien réclamé est que sur la fausse information, nous considérons que les faits n’ont pas eu d’impact sur le cours de Bourse et qu’elle n’a pas subi de dommage », explique l’avocat de l’entreprise.
La suite de son exposé confirme que Vivendi est clairement venu plaider sa cause en défense, plutôt que demander réparation aux accusés comme l’avait fait la Société générale contre son salarié Jérôme Kerviel.
« Sur l’article 1385 alinéa 5 du Code civil, je n’ai pas entendu beaucoup pourquoi il constituerait un fondement valable, commente l’avocat de Vivendi. Ce serait plutôt l’article 1382 sur la responsabilité du commettant du fait de ses préposés, mais de façon très éloignée. Je ne vois pas en quoi Jean-Marie Messier ou Edgar Bronfman étaient des préposés de Vivendi Universal. Et la jurisprudence de la Cour de cassation établit qu’on ne peut pas poursuivre dans deux instances différentes, d’abord le préposé, puis le commettant une fois que le préposé a été condamné.
Sur le fondement même de la responsabilité civile et sur le lien de causalité, il faut avoir un préjudice indépendant de la société. Et il faudrait prouver que le communiqué de presse a induit un comportement d’acheter ou de conserver ses titres, on est loin de cette preuve. Les éléments de communication de Vivendi Universal sont en réalité sans effet, ni à la hausse ni à la baisse, sur le cours de Vivendi Universal.
Oui, j’ai écris qu’il me paraît difficile pour un actionnaire qui n’a pas assisté à l’assemblée générale de revendiquer un
préjudice. Les actionnaires qui ont acheté à cette époque ont eu un comportement spéculatif, ce n’est pas péjoratif mais ils ont spéculé sur les perspectives de hausse.
Selon les propos recueillis lors de la class action aux Etats-Unis, Vivendi Universal pourrait devoir payer 8 milliards d’euros aux actionnaires. Aujourd’hui sa capitalisation boursière est de 23 milliards d’euros pour 1,3 milliard d’actions. Si on indemnise les actionnaires, ce qu’il se passe est que les actionnaires d’aujourd’hui vont indemniser les actionnaires d’hier (NDLR, cet argument est la tarte à la crème des dirigeants contre le grand public, elle a été formulée par Accor dès 1991 lors de son affrontement avec le cabinet Déminor qui réclamait une indemnisation plus équitable des actionnaires dans le cadre du rachat de la société Wagons-Lits, Accor avait finalement perdu).
Nous avons assigné Madame Neuville car elle a considéré un bon moyen de conduire un débat sur les class actions en France en faisant une action collective aux Etats-Unis. Nous avons, grâce à l’arrêt Morrison, obtenu gain de cause (NDLR, dans cet arrêt du 24 juin 2010 sur une affaire sans lien avec Vivendi, la Cour suprême américaine a décidé que les actionnaires de sociétés non américaines ayant acheté leurs actions hors des Etats-Unis ne pouvaient pas participer aux class actions. Une décision utile à Vivendi qui a bénéficié du soutien actif de l’Etat français).
Pour conclure sa plaidoirie, l’avocat de Vivendi insiste surtout sur le fait qu’il s’oppose aux demandes de Maître Canoy, c’est-à-dire à la reconnaissance de responsabilité de Vivendi pour dédommager les actionnaires victimes de son ex-PDG.