La déontologie financière est la clé de la confiance. Et cette confiance est vitale pour l’économie, comme pour la démocratie. L’objectif éditorial de Deontofi.com est d’expliquer ces enjeux de déontologie financière, c’est-à-dire le respect de règles équitables, de façon compréhensible par tous, pour permettre à chacun de mieux discerner les pratiques contestables et les améliorations souhaitables. Dans cet esprit, la revue internationale Ethique Publique nous a associé à son ouvrage sur les nouvelles alternatives et les nouveaux enjeux d’une reconfigurations éthique de l’économie de marché.
Il y avait tant à dire sur les nouveaux enjeux d’une reconfiguration éthique de l’économie de marché. On aurait dit un sujet de bac philo. Par où commencer ? Plutôt que de faire des plans sur la comète en prescrivant d’improbables changements de mentalité, de pratiques, de réglementation ou d’organisation de la société, il semblait salutaire de dresser d’abord un bilan de la situation, telle qu’elle ressort factuellement des nombreux sujets de déontologie financière traités sur Deontofi.com. On aurait pu choisir d’autres histoires, pour arriver au même constat. Car en suivant l’enchaînement logique des problématiques soulevées par chacune des anecdotes racontées ci-dessous, on conclut inévitablement que « La fraude intrinsèque à l’économie de marché rend son éthique illusoire ».
Cette contribution est parue dans la revue internationale d’éthique sociétale et gouvernementale Éthique publique, n°2014-vol. 16, n°2, Éditions Nota bene, sous la direction de la Chaire d’éthique appliquée de l’Université de Sherbrooke (Québec, Canada). On y parle des lanceurs d’alerte et de l’impunité des fraudeurs avec la complicité des autorités, de l’inanité des règles et de l’inefficacité des contrôles dans un contexte d’auto-réglementation, et au final de la main-mise des milieux d’affaires sur la fabrique des lois, pour garantir leurs intérêts particuliers au détriment du fonctionnement démocratique. Ce n’est pas une vision très rose, mais une analyse réaliste et documentée de notre monde actuel, à travers des exemples concrets illustrant parfaitement les dérives qui nous affligent.
Pouvoir financier et puissance du mensonge
Le manque d’éthique financière désavantage tout le monde. Sans sauvetage public, la crise bancaire aurait coulé l’économie de marché en 2009. Le coût de l’irresponsabilité financière (l’aléa moral) est transféré aux États et aux citoyens. Les prêts subventionnés aux banques pénalisent l’épargne et les pensions. La croissance, l’emploi, les recettes fiscales, les services publics et la protection sociale sont dégradés. Malgré des scandales et des procès médiatisés, les lanceurs d’alerte subissent des représailles, tandis que l’impunité des fraudes et la complicité du pouvoir dominent, en France (Vivendi, Altran, Truffle Capital…), en Suisse (Julius Baer, Sarazin, BNS…) ou aux États-Unis (Bernard Madoff…). La collusion entre les pouvoirs publics et la finance explique leur connivence. L’autorégulation est un échec tandis que la réglementation est dictée par les lobbies bancaires dans leur intérêt, au détriment des citoyens. La fraude intrinsèque à l’économie de marché rend son éthique illusoire.
En 2008-2009, la plus grave crise bancaire et financière depuis celle de 1929 a mis l’économie de marché en potentielle faillite, avant qu’elle ne soit sauvée par l’intervention publique (injections de capitaux, nationalisations des pertes, reprise et garantie des créances douteuses, prêts quasi gratuits aux banques, etc.), au prix d’une dégradation des finances publiques (flambée des déficits et de l’endettement, etc.) nuisant aux citoyens et à la cohésion sociale (suppressions d’emplois, pression fiscale, dégradation des services publics et de solidarité tels que l’assurance maladie, les allocations, les pensions). Les effets de la crise ont été endigués (en évitant la faillite du système bancaire mondial), mais cette catastrophe a déclenché des réflexions sur tous les plans (politique, universitaire, citoyen, etc.) au sujet des reconfigurations possibles de l’économie de marché par le changement ou la modification des règles.
Dans ce processus, l’examen des carences éthiques aide à comprendre pourquoi les garde-fous n’ont pas fonctionné. L’économie de marché étant tributaire des institutions financières, la puissance de celles-ci et l’influence de leurs dirigeants sur les États sont déterminantes. L’éthique des affaires concerne tout le monde. Le terme déontologie, qui désigne en français l’ensemble des règles morales régissant une profession, a été inventé par l’idéologue anglais Jeremy Bentham (1748-1832) à partir de deux mots grecs : deontos (ce qu’il convient de faire) et logos (discours, doctrine). Pour Bentham, la déontologie est une « éthique appliquée » : « Ethics has received the more expressive name of Deontology » (Centre national de ressources textuelles et lexicales CNRTL.fr). L’analyse des problèmes éthiques abordés dans le présent article permettra de mettre en évidence le décalage entre les paroles et les actes vécu dans la « fabrique » financière.
Découvrez ce feuilleton illustré ci-dessous (ou le texte intégral de cet article académique ici).
- Intro / sommaire : La fraude intrinsèque à l’économie de marché rend son éthique illusoire
- L’investissement responsable, en paroles ou en actes
- Les lanceurs d’alerte, ou crieurs d’alarme, plus menacés que protégés
- De la surveillance à la bienveillance des autorités de connivence financière
- De l’absence de sanction dissuasive au sentiment d’impunité dans les banques
- L’autorégulation et la perte de contrôle des autorités sur les fraudes financières
- Des lois financières rédigées sous contrôle du lobby bancaire
- La lutte des banques contre la taxation de leurs transactions spéculatives
- L’achat des parlementaires par les groupes de pression financiers
- Conclusion : La fraude financière a de beaux jours devant elle ! (et bibliographie)
Mots-clés : éthique financière, fraude, impunité, lobby bancaire
Keywords : ethics, fraud, impunity, banking lobby
La revue internationale d’éthique sociétale et gouvernementale Éthique publique a été créée en 1999 à l’initiative d’Yves Boisvert (professeur à l’École nationale d’administration publique – Québec). La revue Éthique Publique est diffusée dans le monde francophone et bénéficie d’une très bonne réputation auprès des chercheurs et des praticiens intéressés par les questions d’éthique publique.
Nous avions déjà contribué à un précédent numéro d’Éthique publique sur le thème : Comment améliorer la déontologie de l’information en France ? En complément de ces extraits, retrouvez ici l’intégralité de notre contribution académique à la revue internationale d’éthique sociétale et gouvernementale Éthique publique (n°2013-vol. 15, n°1), sous la direction de la Chaire d’éthique appliquée de l’Université de Sherbrooke (Québec, Canada).
Intéressé par vos informations je ne parviens à m’inscrire à votre bulletin d’information
Merci de votre réponse
Eric Bocquet
Marquillies
France
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