Catégories de l'article : ImmobilierAcheterChargesLocationTendances
Comment comparer le poids des dépenses de logements entre propriétaires et locataires, si l’inflation ne tient pas compte des prix d’achat des logements ? Explications de l’Insee (photo © GPouzin)

Combien paye-t-on pour se loger ? Pour les locataires, il suffit d’observer les montants et l’évolution des loyers. Mais pour les propriétaires ? Comment évaluer le budget de leurs dépenses de logement ? Et l’inflation annuelle de ce poste ? Une nouvelle publication de l’Insee répond à ces questions.

Le logement dans l’indice des prix à la consommation

Les prix des loyers et charges ont évolué en moyenne de 1,9 % par an de 1998 à 2018, soit un peu plus que l’inflation d’ensemble (1,4 %). Le poids des loyers est faible dans l’indice des prix à la consommation (IPC), principale mesure de l’inflation, compte tenu du fait que cette dépense est nulle pour les propriétaires. Mais même si l’on restreint la mesure aux seuls locataires, l’inflation globale reste en moyenne de 1,4 % par an.

Les prix d’achat des logements ont augmenté régulièrement depuis 2000, à un rythme nettement plus élevé que celui des loyers. Or les achats de logements ne sont pas intégrés dans l’IPC. En effet, il s’agit d’investissement, et l’IPC porte sur la consommation. Cependant, tenir compte des achats de logements a également un impact limité sur l’inflation ces dernières années.

Le taux d’effort en logement permet de compléter l’analyse : entre 2001 et 2013, la part des dépenses de logement dans les revenus des ménages a progressé nettement moins pour les propriétaires non accédants (+ 1 point) que pour les autres catégories de ménages (+ 5 points par exemple pour les locataires du secteur libre).

Deontofi.com reproduit et commente ci-dessous quelques points de cette publication Insee Focus n°152 « Le logement dans l’indice des prix à la consommation » dont la version numérique et les données chiffrées des graphiques sont accessibles ici.

L’indice des prix à la consommation (IPC), principale mesure de l’inflation, permet d’estimer la variation entre deux périodes du niveau général des prix des biens et des services consommés par les ménages. En matière de dépenses en logement, il prend ainsi en compte celles qui constituent de la consommation : les loyers et les charges (alimentation en eau, reprise des eaux usées, etc.), les dépenses en énergie pour le logement (électricité, gaz, etc.) et les petits travaux d’entretien et de réparation. Comme c’est le cas au niveau européen, il exclut en revanche l’investissement en logement (achat ou gros travaux). En effet, les achats en logement ne constituent pas de la consommation, car ils accroissent le patrimoine des ménages ; contrairement à un bien consommé, le logement ne disparaît pas avec son utilisation et peut se revendre. Ainsi, en 2018, les dépenses de consommation en logement pèsent 14,0 % dans l’IPC, les seuls loyers et charges 7,6 %, et les seuls loyers 6,1 %.

Depuis 20 ans, les loyers et charges évoluent en général plus vite (1,9 % en moyenne par an de 1998 à 2018) que l’inflation d’ensemble (1,4 % ; figure 1). Toutefois, de 2000 à 2001, les loyers ont crû moins rapidement que l’inflation, surtout du fait d’un gel des loyers dans le secteur HLM à la suite d’un accord avec l’État ; ces loyers représentent un tiers de la masse des loyers. Cette augmentation modérée est rattrapée les années suivantes. À partir de 2006, la hausse des loyers ralentit, en grande partie grâce à la législation qui met en place un nouvel indice légal de révision des loyers, l’indice de référence des loyers (IRL), directement calculé à partir de l’IPC. En 2011, l’évolution annuelle des loyers est même inférieure à l’inflation. Depuis 2012, la législation continue de contribuer à ces hausses plus modérées : limitation de l’augmentation du loyer à l’IRL en cas de relocation dans certaines zones tendues, encadrement des loyers, notamment à Paris, entre 2015 et 2017, et en 2018 réduction de loyer de solidarité dans le secteur social pour les locataires touchés par la baisse des aides personnalisées au logement.

Commentaire Deontofi.com: L’inflation, c’est-à-dire l’évolution des prix à la consommation, est peu différente entre les propriétaires et les locataires, nous dit l’Insee: « Ainsi, de 1998 à 2018, l’inflation relative aux locataires est en moyenne de 1,4 % par an, comme pour les propriétaires (accédants comme non accédants, figure 2), même si l’évolution peut légèrement différer entre ces catégories selon les périodes. » Mais attention car il ne s’agit ici que de l’évolution des prix, pas du poids des dépenses dans le budget de chacun. Le budget « logement » est évidemment très différent entre un locataire, un propriétaire ayant fini de payer ses crédits, ou un propriétaire endetté jusqu’au cou.

L’affaire des « loyers imputés »

Depuis des années, les « loyers imputés » alimentent bien des fantasmes, rumeurs et provocations politiques. Les loyers imputés permettent de mesurer le « l’inflation du coût du logement » pour les propriétaires, explique l’Insee, mais pas son poids dans leur budget, qui elle, est mesurée par le « taux d’effort en logement ».

Une façon de prendre en compte le logement des propriétaires dans l’inflation d’ensemble est de leur imputer un loyer correspondant à ce qu’ils payeraient tous les mois pour se loger s’ils étaient locataires, conformément à ce qui est fait par la comptabilité nationale. Cette imputation accroît par construction le poids du logement dans l’IPC (25,8 % contre 14,0 % en 2018). Cependant, cet indice de prix « y compris loyers imputés aux propriétaires » évolue à un rythme similaire à celui de l’IPC (figure 3), pour les mêmes raisons que celles évoquées précédemment.

Le taux d’effort en logement augmente depuis 2001

L’IPC mesure la variation des prix, en moyenne, pour l’ensemble des ménages et à qualité constante. La mesure du coût de la vie ne peut donc pas se résumer à cet indice. En particulier, l’évolution des dépenses de logement dans les revenus des ménages dépend d’autres facteurs que les prix ; elle est par ailleurs très différente d’un ménage à l’autre.

L’indicateur de taux d’effort mesure le poids des dépenses en logement des ménages dans leur revenu (loyers, charges, remboursement d’emprunt, taxes foncières, taxe d’habitation, etc.). Ce faisant, il rend compte de multiples facteurs : la hausse des dépenses, dont une partie provient d’une évolution des prix et une autre de l’amélioration de la qualité des logements, mais aussi la variation des revenus sur lesquels pèsent ces dépenses. Entre 2001 et 2013, le taux d’effort en logement a augmenté de près de cinq points dans le secteur locatif libre, pour s’établir à 28 %. La hausse est de quatre points dans le social (24 %), de trois points pour les propriétaires accédants (27 %) et d’un point pour les propriétaires non accédants (9 %). Il a également augmenté plus vite pour les ménages les plus modestes.

Sur la même période, les prix des logements anciens ont été multipliés par 2,3 entre début 2000 et fin 2018 (2,6 en Île-de-France), et ceux des logements neufs par 2,1 (figure 4). Ces hausses pèsent sur le taux d’effort des propriétaires accédants. Elles réduisent aussi les possibilités d’accès à la propriété des ménages qui ne sont pas déjà propriétaires et ne bénéficient donc pas de l’appréciation d’un précédent logement.

Commentaire Deontofi.com: Le taux d’effort en logement des propriétaires accédants a moins augmenté que celui des locataires du secteur libre (locatif privé hors logement social), ce qui peut surprendre quand on sait que les prix d’achat des logements anciens (+130% en France entre 2000 et 2018, +160% en Île-de-France) ont beaucoup plus augmenté que les loyers (+45,7% entre 1998 et 2018).

Comment expliquer aussi que la hausse du taux d’effort des propriétaires accédants (+3 points à 27% de leur budget, soit +12,5% entre 2001 et 2013) est si modeste par rapport à la flambée des prix ?

On peut citer trois raisons:

1/ La revalorisation de l’apport personnel. Beaucoup de propriétaires accédants ne sont pas « primo-accédants », c’est-à-dire qu’ils n’achètent pas leur premier logement. Ceux qui revendent pour acheter subissent moins fortement la flambée des prix dans leur budget logement car ils en profitent aussi lors de la vente de leur précédent logement qui augmente leur apport personnel et réduit le montant de leur emprunt.

2/ La baisse des taux d’intérêt a été le principal moteur la flambée des prix de l’immobilier, mais elle a aussi fortement réduit le poids des mensualités dans le budget des accédants à la propriété. Avec un prêt à 5% en 2008 il fallait rembourser 660 euros par mois pour emprunter 100 000 euros sur 20 ans, tandis qu’avec un prêt à 1,5% actuellement, il faut rembourser 965 euros par mois sur 20 ans pour emprunter 200 000 euros. Avec des mensualités 45% plus élevées on peut emprunter deux fois plus. Ou avoir des mensualités 27% moins chères en empruntant le même capital sur vingt ans, ou encore emprunter 37% de capital en plus avec les mêmes mensualités.

3/ La hausse des revenus et du « standing » des acquéreurs. les 27% du budget des propriétaires accédants de 2013 représentent bien plus, en valeur absolue, que les 23% du budget des propriétaires accédants de 2001. D’abord parce que les revenus ont globalement augmenté en douze ans (on ne parle pas du pouvoir d’achat mais des revenus), mais aussi parce que les accédants d’aujourd’hui sont plus riches que ceux du début du siècle, comme le détaillait l’Insee dans un article sur « Achat d’une résidence principale: entre 2004 et 2015 la crise est passée par là » (Insee Références, Les revenus et le patrimoine des ménages, édition 2018 p.81).

Retrouvez l’intégralité de l’Insee Focus n°152 « Le logement dans l’indice des prix à la consommation » en version numérique avec les données chiffrées des graphiques accessibles ici.

Print Friendly, PDF & Email

Laisser un commentaire