Escrocs de haut vol, les vedettes de l’arnaque aux panneaux solaires DomTomDéfisc (DTD) reviennent à l’affiche du palais de justice de Paris. Reconnus coupables dans la plus grosse escroquerie à la défiscalisation photovoltaïque l’an dernier, ils étaient rejugés par la cour d’appel au printemps. L’arrêt de la cour d’appel de Paris du 7 mai 2018, réformant le jugement du tribunal correctionnel du 24 février 2017, porte un nouveau regard sur cette affaire rocambolesque. Ce document de 292 pages est riche d’enseignements pour mieux comprendre les méthodes d’arnaques et le rôle des conseillers en gestion de patrimoine ou autres intermédiaires indélicats payés par les escrocs pour soulager leurs clients épargnants de leurs précieuses économies. Deontofi.com revient sur cette décision.
Protéger les victimes
Les victimes d’arnaques sont les prospects des escrocs. Par respect pour leur vie privée, et surtout pour les protéger d’autres arnaques, Deontofi.com a veillé à protéger l’anonymat des 800 épargnants s’étant portés partie civile au procès de l’escroquerie DTD. Afin de pouvoir rendre cette décision de justice accessible au plus grand nombre, notamment pour mieux informer les épargnants des dessous de cette arnaque, nous avons passé des heures à l’éditer, en retirant les pages ne comportant que des noms de victimes, et en occultant un à un leurs noms dans les tableaux récapitulatifs de leurs préjudices (pages 97 à 144, puis pages 225 à 291 de l’arrêt). Les lecteurs souhaitant soutenir Deontofi.com sont invités à souscrire notre abonnement Déontofi Advisor ici (48€/an), pour bénéficier en plus d’avis indépendants sur leurs propositions de placements.
Procès Dom Tom Défiscalisation : la plus grosse escroquerie solaire sur Deontofi.com
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Au début de la décision de justice, la Cour rappelle l’identité et la situation actuelle des prévenus. A défaut d’autre consolation, leurs victimes peuvent constater que les deux cerveaux de l’escroquerie restent derrière les barreaux : Stéphane Jacob, à la prison de Fleury-Mérogis, et Jacques Sordes, au pénitencier de la Santé. Ce dernier a d’ailleurs préféré ne pas faire appel de sa condamnation, plutôt que d’être à nouveau confronté à ses juges. Non seulement il n’a pas fait appel, mais il a « refusé d’être extrait » de sa prison pour être interrogé à nouveau dans le cadre de ce procès en appel.
Bref portrait en creux de l’escroc Jacques Gaston Michel Sordes
Non sans humour, Jacques Sordes se présente comme « investisseur », alors qu’on lui reproche justement d’avoir volé l’argent de ses victimes au lieu de réaliser les investissements lucratifs qu’il leur promettait dans sa supercherie photovoltaïque. En fait d’investisseur, Jacques Gaston Michel Sordes est un flambeur, qui dilapide l’argent de ses victimes pour entretenir son train de vie luxueux et celui de son ex-épouse complice, Michelle Scholastique.
Faux mariage à Las-Vegas, officialisé clandestinement
Au passage, on apprend cependant que la réalité de son mariage fait débat. « Elle soutient ne pas avoir réellement épousé M. Sordes à Las Vegas. Elle explique avoir certes participé à cette cérémonie en 2003, mais affirme qu’il s’agissait surtout de s’amuser. Elle avait été surprise d’apprendre que M. Sordes avait fait retranscrire ce mariage en 2007, à son insu, précise-t-elle. Elle ajoute avoir depuis lors divorcé mais ne produit aucune décision en attestant. » (p.184 de l’arrêt d’appel). Cela dit, beaucoup pensent que le butin de l’escroquerie envolé n’est pas perdu pour tout le monde, et que Jacques Sordes en aurait planqué suffisamment dans des paradis bancaires et fiscaux pour vivre confortablement jusqu’à la fin de ses jours, s’il parvient à remettre la main dessus. Il ne lui reste plus qu’à obtenir une remise de peine pour profiter de ces millions au soleil.
Tout est faux dans cet individu, comme il semble l’avoir toujours été. On apprend par exemple comment Jacques Sordes s’est fait refaire un passeport très simplement, début 2011, en déclarant à la police avoir perdu le sien, alors que la justice lui avait confisqué son passeport pour éviter qu’il quitte le pays, étant déjà sous contrôle judiciaire dans le cadre de l’escroquerie DTD (p.85). L’administration est décidément moins douée dans l’exploitation des données qu’elle possède sur nos concitoyens que les GAFAM (Google, Apple, Facebook, Amazon, Microsoft) champions des big data.
Il est vrai que les banques ne sont guère plus diligentes en matière de vigilance anti-blanchiment. Si leur acharnement, souvent à des fins de marketing, agace les petits clients, elles sont souvent moins regardantes envers les gros blanchisseurs, comme Jacques Sordes ou Aristophil. Certes, on apprend que la banque ING s’est montrée plus scrupuleuses que d’autres en matière de vigilance anti-blanchiment avaient cependant refusé assez vite son argent, mais elle entrait au même moment dans un autre scandale de blanchiment. « Mi-2009, la banque ING avait décidé de mettre fin à ses relations avec Jacques Sordes (…) Jacques Sordes obtenait alors l’ouverture de comptes bancaires auprès de la Banque de Commerce et de Placement (BCP) pour ses sociétés ainsi qu’à titre personnel », nous apprend l’arrêt d’appel (p.172)
Jacques Gaston Michel Sordes garde le silence
Jack Sword, ou encore Jack Michael Sword, plus simplement Jacques Gaston Michel Sordes à l’état civil (p.163), né le 17 novembre 1947 à Courbevoie, a donc refusé d’ouvrir la bouche, les yeux et les oreilles, face au miroir, certes cruel, que s’apprêtait à lui tendre une nouvelle fois la justice. Il faut dire que sa réalité est très éloignée de l’image chic qu’il tentait de se construire quelques années avant son arrestation, allant jusqu’à se pavaner dans des émissions de télé pour raconter son histoire inventée d’un gentil grand-père.
C’était le 11 mai 2011, près d’un an après qu’il ait été mis en examen, le 21 mai 2010, pour escroquerie, blanchiment et exercice d’une activité de gestion d’entreprise malgré son interdiction de gérer, depuis qu’il avait mouillé dans de précédentes affaires louches (p.166).
Décidément les émissions de télé invitent facilement n’importe quel imposteur sans vérifier son alibi, ce qui ne contribue pas à améliorer la crédibilité des médias vis-à-vis de nos concitoyens.
« Dans l’émission « Toute une histoire » de Sophie Davant (N°174) intitulée « A l’âge d’être parents, ils sont déjà grands-parents ! » on peut l’entendre à 25 minutes du début. Présenté comme « 63 ans, chef d’entreprise, 5 enfants » ; il débute par la remarque « j’ai tout fait très jeune », énonçant « qu’il a travaillé à 14 ans », ce qui ferait quelqu’un n’ayant donc pas fait d’études, ce qu’il confirme. Il y présente son fils (Rudi) qu’il a eu à 18 ans (un dirigeant d’une société toulousaine de « soutien aux entreprises » et qui vante ici les mérites de sa famille). « Jack » a été grand-père à 39 ans, apprend-on et en est à 21 petits enfants, il est trois fois arrière grand-père à 63 ans, dont un fils lui-même qui est grand-père à 32 ans). « C’est l’essence de l’être humain la famille » dit-il à propos de sa vie (on pensait que c’était plutôt l’argent…chez lui). », raconte le site Centpapiers.fr (voir la vidéo ici). « J’avais là ces deux petits bouts de viande entre mes mains », explique Jacques Sordes à propos de la naissance des jumeaux de son fils aîné Rudi. « Et mon dernier fils, Franck, puisqu’on est une famille recomposée avec cinq enfants et je ne fais pas de différence entre mes différents enfants, lui il a eu une fille à 16 ans, et sa fille a eu un enfant à 15 ans », ajoute l’escroc sans préciser le contexte (vers la minute 27). Sordide.
Quand on est mytho à ce point, c’est pour la vie
La plupart ne sont pas ses enfants, ni ses petits-enfants, mais des enfants et petits-enfants de ses conquêtes, qu’il s’attribue à son palmarès de mâle reproducteur, heureusement sans une once de son patrimoine génétique. Utile précaution prévenant aussi la consanguinité en cas de dérapage. Cette farce médiatique serait comique si elle ne dissimulait pas une face encore plus sordide de Jacques Sordes, évoquée par son ex-épouse lors des débats à son premier procès.
Quoi qu’il en soit, Jacques Sordes est un escroc de roman, qui n’en était pas à son coup d’essai. Selon les détails croustillants publiés sur le site Centpapiers.fr, apparemment bien renseigné, « notre homme a été mêlé il y a une vingtaine d’années déjà par sa compagne aujourd’hui décédée (Claude Bardin) à ce qui a été défini comme une secte par une commission et un rapport de l’Assemblée Nationale en date du 10 juin 1999. » A moins que ce ne soit lui qui se soit servi d’elle comme femme de paille.
Tout le reste est du même acabit. Contrairement à ce qu’il aime faire croire et qu’on entendait dire au procès en première instance, Sordes n’achète pas d’avions comme des petits pains. Le jet à la sortie duquel il aime poser comme un chef d’état est un vieux coucou, un Gulfstream d’une quarantaine d’années loué et maquillé comme une voiture volée.
D’autres détails croustillants sont racontés brillamment par cet auteur (dont on regrette néanmoins l’anonymat), sur le site Centpapiers.com, qui se présente comme « média libre et citoyen » (malheureusement sans mentions légales au 9/10/2018), à lire ici
Pathétique. Les turpitudes des autres accusés ne doivent pas faire beaucoup plus rêver les apprentis escrocs.
Lire la suite: 2- Le vendeur vedette de l’arnaque aux panneaux solaires, clé de sa propagation
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