Deontofi.com revient sur le procès des contrats d’assurance Visa Vie, disparus au préjudice de leurs souscripteurs et assurés. [sommaire]
En février 2009, AlsAss a souhaité mettre un terme à ses relations contractuelles avec le Groupe Monceau, et « transférer » ses contrats à la compagnie d’assurance Spheria Vie.
« Ces deux sociétés ont conclu le 19 février 2009, à effet du 1er mars 2009, un contrat « Temporaire décès AlsAss lla » afférent à la reprise des assurés anciennement couverts par le groupe Monceau et un contrat « Temporaire décès AlsAss llb » concernant les affaires nouvelles à compter du 1er mars 2009, lequel n’a jamais été mis en œuvre », détaille le jugement (p.9 §4-5).
AlsAss quitte le Groupe Monceau pour Sphéria Vie
Dès le lendemain de la signature de son partenariat avec Sphéria Vie, AlsAss annonce son départ au Groupe Monceau. Le 20 février 2009, la société AlsAss, en qualité d’adhérent des contrats qu’elle distribue auprès du groupe Monceau, demande le rachat, à effet du 1er mars 2009, de 494 contrats souscrits auprès de Monceau Retraite & Epargne (MRE) et de 167 contrats souscrits auprès de la mutuelle d’assurance Capma & Capmi, exigeant le règlement à son ordre (Jugement du TGI d’Orléans p.13 §4).
661 contrats dans la nature
En réponse, les compagnies d’assurance du groupe Monceau ont demandé à AlsAss de leur fournir les certificats d’adhésion originaux, et surtout « l’accord des assurés [ndlr les patrons de PME souscriptrices] ainsi que des contractants bénéficiaires du second contrat, dans la mesure où, les rachats mettant fin aux contrats « Vis-à-Vie », le bénéfice en cas de décès ne pouvait plus leur revenir » (p.13 §5).
AlsAss tente d’empêcher Monceau de contacter « ses » clients directement, en saisissant le juge des référés du TGI de Strasbourg, qui rejette cette requête par un jugement du 8 décembre 2009.
Défaut de régularisation des nouveaux contrats
Monceau Retraite & Epargne (MRE) et Capma & Capmi adressent alors des courriers « à chacune des sociétés dont l’assuré est le gérant, et à chacune des personnes physiques assurées, les avisant de la demande de rachat formulée par AlsAss, ajoutant que cette opération de rachat constitue une rupture anticipée du contrat libérant les parties de leurs engagements réciproques ». Probablement sans comprendre l’enjeu de ce changement, les victimes du drame auraient donné leur accord à cette demande de rachat effectuée par AlsAss. (p.21 §2-3).
AlsAss a ensuite demandé au groupe Monceau de transmettre directement l’argent correspondant aux valeurs de rachat des contrats concernés à Sphéria Vie.
De son côté, Sphéria a « rédigé et mis à la disposition d’AlsAss des demandes d’adhésion envoyées à chaque assuré et entreprise qui devaient les retourner complétées et signées. Cependant AlsAss n’a pas envoyé ces documents aux assurés et s’est contenté de leur faire parvenir un exemplaire des nouvelles conditions générales ainsi que deux nouveaux exemplaires des documents de cession de clause bénéficiaire à renvoyer complétés et signés par les assurés et leurs entreprises. » p.9 §6-7.
Le gendarme des assurances prévient Sphéria du risque de nullité des contrats
Le gendarme des assurances, probablement opportunément alerté de la situation, débarque alors au siège d’AlsAss pour un contrôle, et informe Sphéria Vie que le contrat pourrait être entaché de nullité, du fait qu’AlsAss n’a pas obtenu le consentement écrit et valable des assurés. (jugement p.9 §8).
Réalisant que les contrats ne seraient pas valables sans l’accord explicite signé de chaque souscripteur, qu’AlsAss ne produisait pas, Sphéria a refusé l’argent correspondant et demandé en justice l’annulation de ses propres contrats de reprise de ces assurances avec AlsAss. (p.13 §6).
Sphéria estime ne pas être responsable de la nullité de son contrat avec AlsAss, qu’elle a pourtant elle-même demandé et obtenu en justice. « AlsAss n’a pas respecté son obligation de recueillir le consentement exprès des assurés imposé à peine de nullité par l’article L132-2 du Code des assurances », observent les juges (p.10 §8).
L’article L132-2 du code des assurances dispose que » L’assurance en cas de décès contractée par un tiers sur la tête de l’assuré est nulle, si ce dernier n’y a pas donné son consentement par écrit avec indication du capital ou de la rente initialement garantis.
Le consentement de l’assuré doit, à peine de nullité, être donné par écrit, pour toute cession ou constitution de gage et pour transfert du bénéfice du contrat souscrit sur sa tête par un tiers ».
« AlsAss, qui a présenté l’opération comme un simple transfert d’un assureur à l’autre, n’a pas adressé ces bulletins d’adhésion à ses clients de sorte que le consentement des assurés n’a pu être valablement recueilli et formalisé ».
13,4 millions d’euros orphelins d’assureur
Sphéria Vie a donc refusé les fonds transmis par les assureurs du groupe Monceau, pour un total de 13,4 millions d’euros. (p.13 §7).
Le 19 mai 2009, dans une lettre à la société ALSASS, la société SPHERIA VIE, sous prétexte de se conformer aux préconisations de l’ACAM (devenue ACP – Autorité de Contrôle Prudentiel), a invoqué la nullité des contrats « Temporaire décès ALSASS II a » et «Temporaire décès ALSASS IIb» sur le fondement de l’article L. 132-2 du Code des assurances.
En effet, l’ACP a estimé que les contrats litigieux ne pouvaient être considérés comme des contrats collectifs mais comme des contrats individuels pour lesquels il était nécessaire de solliciter le consentement de chaque assuré.
La société SPHERIA VIE a donc décidé de revenir sur son engagement alors même que la plupart des assurés lui avaient déjà été transférés, et cela, alors qu’elle admettait elle-même que la nullité invoquée pouvait être « juridiquement considérée comme fragile et sujette à contestations ».
Sphéria dénonce ses contrats bancales avec AlsAss
Le 19 septembre 2009, deux conventions de séquestre étaient conclues entre la société ALSASS et la société BNP PARIBAS pour séquestrer l’ensemble des valeurs de rachat des anciens contrats et des sommes reçues par la société SPHERIA VIE et par le GROUPE MONCEAU.
Le 15 octobre 2009, la société SPHERIA VIE dénonçait le contrat «Temporaire décès ALSASS II a» en le déclarant nul.
Le courtier AlsAss se retrouve en faillite
Le 12 novembre 2009, la société ALSASS était placée sous administration provisoire par une décision de l’ACP et M. Philippe BORGAT était nommé administrateur provisoire. Depuis cette date, des centaines d’assurés se retrouvent sans assureur et privés des effets de leurs contrats.
« La société SPHERIA VIE a provoqué la situation désastreuse dans laquelle se trouvent aujourd’hui les requérants, explique Maître Nicolas Lecoq-Vallon dans ses conclusions.
La société ALSASS a été placée en sauvegarde par jugement du Tribunal de grande instance de Strasbourg du 13 février 2012, procédure convertie en redressement judiciaire par jugement du 21 janvier 2013, puis en liquidation judiciaire par jugement du 12 février 2013. Maître Jean-Denis Mauhin ayant été désigné comme liquidateur judiciaire. En conséquence, les assurés ont été contraints de déclarer leurs créances pour qu’elles soient admises au passif de la société ALSASS. »
Lire la suite / sommaire du procès:1- L’assurance-vie envolée, au procès Visa Vie2- Un contrat d’assurance-vie dont le courtier est bénéficiaire !3- Brouille entre assureurs et faillite du courtier4- Capitaux irrécupérables : qui est responsable ?5- Quelle indemnisation pour les victimes de l’assurance Visa Vie ?