En assurance vie, certaines promotions vous font miroiter un rendement plus élevé grâce à un fonds en euros réservé aux souscripteurs acceptant de placer une part importante de leurs versements sur des fonds plus risqués, avec plus de frais. Questions-réponses pour vous aider à décrypter les publicités et ce type d’offres promotionnelles sur les placements, en particulier dans le cadre de l’assurance vie multisupports.

En succombant aux promesses séduisantes des publicités, les épargnants peuvent aussi se faire tondre comme des moutons par les frais cachés des placements (photo © GPouzin)

En succombant aux promesses séduisantes des publicités, les épargnants peuvent aussi se faire tondre comme des moutons par les frais cachés prélevés en toute discrétion sur leurs placements (photo © GPouzin)

Cinq minutes pour comprendre :
Retrouvez ici l’interview TV sur ce thème dans l’émission Ecorama du 09/03/2015

– On voit que les rendements des fonds en euros sans risque de l’assurance vie ont encore baissé en 2014, autour de 2,5% pour la moyenne des contrats. Certains rapportent plus, notamment les contrats sur Internet encore un peu supérieur à 3% pour la plupart, et surtout on voit des publicités pour des fonds en euros un peu plus dynamiques rapportant encore plus, mais avec des conditions un peu particulières. Alors d’abord, comment s’y retrouver parmi ces offres ?

 – Vous avez bien résumé la situation, on assiste effectivement à cette segmentation et hiérarchie des rendements que vous décrivez pour les fonds en euros sans risque de l’assurance vie, avec des scores très contrastés. Alors que la moyenne des rendements pour 2014 s’est établie autour de 2,5%, on voit que les gros contrats des réseaux bancaires traditionnels ont rapporté entre 1,8% et 2,4% environ, tandis que les rendements étaient encore supérieurs à 3% pour les contrats sans frais sur versements proposés par les banques et courtiers en ligne.

– Et on peut même avoir plus en souscrivant un fonds en euros dynamiques, comment ça marche ?

 – Les fonds en euros dynamiques fonctionnement exactement comme les fonds en euros classiques, c’est-à-dire que les épargnants bénéficient d’une garantie de leur capital à tout moment avec des intérêts crédités et accumulés chaque année. Mais pour doper un peu leur rendement en période de taux d’intérêts très faibles comme actuellement, les assureurs gèrent une parti des réserves correspondant à ces fonds en immobilier, par le biais de SCPI, et en actions, principalement à travers des produits structurés, genre fonds à formule ou à promesse. On voit par exemple en ce moment des publicités pour un fonds en euros « Opportunités » de l’assureur Suravenir, ayant rapporté 3,85% en 2014 avec une répartition à 32% en immobilier et 18% en actions.

– Mais pour y souscrire il y a des conditions.

 – Oui, et c’est bien là-dessus qu’il faut faire ses calculs pour savoir si cela vaut vraiment le coup. Car pour avoir accès à ce fonds « bonifié », on vous explique dans les petites lignes du contrat qu’il faut placer au moins un quart de votre versement sur ce contrat en « unités de compte », les fameuses UC, c’est-à-dire des supports principalement constitués de fonds Boursiers comme des Sicav ou en immobilier comme des SCPI, avec plus de risques et aussi plus de frais que le fonds en euros classique.

– Vous voulez dire qu’il y a plus de frais sur l’épargne en assurance vie placée dans les unités de compte et les fonds boursiers que sur le fonds en euros sans risque ?

 – Absolument. D’abord il y a les frais du contrat proprement dit. Sur le fonds en euros, ces frais sont de 0,6%, qui sont déjà intégrés dans les performances du fonds en euros, c’est-à-dire que le rendement du fonds en euros de 3,85% ou celui de 3,22% tiennent déjà compte de ces 0,6%. Dans le cas des unités de comptes, les frais du contrat sont du même ordre, ou parfois un peu plus élevés, jusqu’à 1%. Dans notre exemple ils sont de 0,75% sur les Unités de Compte. Il y a ensuite des frais prélevés dans les fonds qui constituent ces fameuses « unités de compte ». Malheureusement ils ne sont pas indiqués dans la notice du contrat, il faut aller les vérifier fonds par fonds en lisant les prospectus officiels.

On a alors un empilage de frais assez impressionnant : les frais de gestion prélevés sur le contrat, plus les frais de gestion prélevés à l’intérieur de chaque fonds, plus les frais de mouvement facturés aux épargnant à travers le fonds à chaque fois que les gérants achètent ou vendent des titres. Le total de ces frais peut facilement atteindre 3% de l’épargne placée en unités de compte chaque année. Pour notre exemple, nous avons effectué une comparaison des frais en prenant un fonds proposé sur ce contrat le plus international possible, pour augmenter la diversification et réduire les risques. Sur ce fonds, les frais courants sont de 2,54%, sans compter les frais de mouvement à l’intérieur du fonds.

– Mais comment comparer ce qu’on aurait avec le fonds en euros dynamique ou avec le fonds en euros classique ?

 – Concrètement, si vous avez 20 000 euros à placer, vous avez le choix entre deux possibilités. Une en optant pour le fonds en euros à rendement bonifié, en plaçant 25% de votre capital en unités de comptes. Ou l’autre, en plaçant trois quarts de votre capital sur le fonds en euros non bonifié, et le quart restant sur un fonds boursier équivalent, mais en dehors de votre assurance vie avec moins de frais de gestion sur le fonds et sans les frais rajoutés par le contrat.

– Alors qu’est-ce que cela donne ?

 – D’un côté vous placez 75% à 3,85% et 25% en unités de compte. Les 15 000 euros placés à 3,85% vous rapportent 577 euros, au lieu de 483 euros avec le fonds en euros à 3,22% sans bonus.

D’un autre côté, vous placez 5000 euros en unités de comptes, sur un fonds qui suit l’indice MSCI World, c’est-à-dire l’indice des bourses mondiales, beaucoup plus diversifié et moins risqué que les actions européennes ou françaises ou de n’importe quel pays pris isolément.

Sur ces 5000 euros, on vous prélèvera des frais de gestion de 2,5% à l’intérieur du fonds, soit 125 euros, puis 0,75% de frais sur la part de votre contrat en unités de compte, soit 37,50 euros, ce qui fait un peu plus de 160 euros de frais. Donc d’un côté on vous donne un bonus de rendement de 94 euros, mais de l’autre on vous prélève discrètement 162 euros, sans compter les frais de mouvements à l’intérieur du fonds.

– Oui, mais il y a aussi des frais à prendre en compte si vous faites un investissement comparable en le répartissant sur l’assurance vie en euros et sur un fonds d’actions mondiales pour le PEA. Et déjà est-ce que c’est possible ?

 – Vous faites bien de reposer la question, car effectivement, le PEA étant réservé aux actions européennes et françaises on a souvent l’impression que ses possibilités de diversification sont limitées. Mais en réalité, comme on en a parlé la semaine dernière à propos du PEA PME et du PEA Classique, il existe pour ce dernier des fonds qui suivent des indices boursiers de toutes sortes de pays en dehors de l’Union européenne tout en restant éligibles au PEA grâce à un mécanisme de swap qui leur permet de respecter les critères officiels. Donc il existe effectivement des fonds éligibles au PEA permettant de miser sur l’indice MSCI World des bourses mondiales comme par le biais de l’assurance vie.

– D’accord mais avec quels frais ?

 – Les frais sur ce type de fonds, par exemple celui proposé par Lyxor, sont de 0,45%, ce qui est tout de même 4 à 5 fois moins pénalisant pour l’épargne investie qu’avec un fonds boursier classique proposé dans l’assurance vie. Donc si l’on reprend notre exemple, sur les 5000 euros placés en trackers dans un PEA, les frais de 0,45% représenteront 22,5 euros de frais par an.

– Est-ce que cela change le bilan de votre comparaison ?

 – Hé bien pas vraiment, puisqu’en optant pour le fonds en euros bonifié avec 25% en unités de compte, vous avez un bonus de rendement de 94 euros, avec un supplément de frais de 162 euros. Tandis qu’en plaçant trois quarts de votre versement sur le fonds en euros sans bonus vous auriez eu 94 euros d’intérêts en moins, mais seulement 22 euros de frais en plus sur le quart restant placés sur un tracker d’actions mondiales dans votre PEA. Au total, vous auriez eu 140 euros de plus sur l’intégralité de votre investissement, soit 0,7% du versement total de 20 000 euros. En résumé, faites bien vos calculs, car le supplément de rendement que l’on vous fait miroiter à condition de placer une partie de votre versement en fonds boursiers dans l’assurance vie vous coûte en réalité 0,7% de pénalité sur la performance totale de vos placements effectués par ce biais, par rapport à une répartition équivalente avec des fonds moins chargés en frais dans le cadre d’un PEA lui aussi moins coûteux en commissions qu’une assurance vie.

Cinq minutes pour comprendre :
Retrouvez ici l’interview TV sur ce thème dans l’émission Ecorama du 09/03/2015
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