
Face à la publicité des fraudes de Leonteq, et leur confirmation étayée par la sanction de son autorité de supervision suisse (bien qu’elle se défende de poursuivre les fraudes pénales objets des enquêtes françaises sur les délits de blanchiment), n’importe quel investisseur ayant subi un préjudice lié aux pratiques sanctionnées, se précipiterait naturellement sur cette décision, pour lancer ou relancer des procès en indemnisation contre Leonteq.
A plus forte raison si le jeu en vaut la chandelle, c’est-à-dire si l’ampleur du préjudice vaut bien le coût d’un procès. On imagine mal un investisseur, s’étant fait plumer 45 millions d’euros par Leonteq, ne pas le poursuivre en justice, comme Eramet par exemple.
Scoop : on n’apprend rien en Suisse, par des autorités suisses, sur des malversations en Suisse ! C’est même souvent pire : les autorités et juridictions suisses sont réputées pour innocenter de nombreuses dérives financières en protégeant leurs auteurs au détriment des lanceurs d’alerte tyranisés (lire ici https://deontofi.com/demission-du-patron-de-la-banque-nationale-suisse/ )
Si la SUISSE protège LEONTEQ avec son bouclier d’opacité judiciaire, Eramet dispose de son côté d’un autre levier permettant d’activer le pouvoir d’investigation judiciaire et policier, afin d’éclairer les délits du CLN-Rallye.
« Une plus forte implication judiciaire d’Eramet pour faire valoir ses droits vis-à-vis de la fraude Leonteq dont elle a été victime serait bienvenue, et d’un soutien utile pour les autres investisseurs français, entreprises ou particuliers, victimes de pratiques ou produits comparables, confirme Maître Lecoq-Vallon. En effet, cela permettrait certainement d’obtenir des éléments probants importants, par le biais des enquêtes et actions qui seraient diligentées ».
Depuis quatre ans, Deontofi.com questionne Eramet sur ce sujet, en vain, face au déni.
– A quelle assurance Eramet faisait référence dans son CP du 21/12/2021 ?
– Quelle police d’assurance serait susceptible d’indemniser Eramet à hauteur de combien ?
– L’indemnisation serait-elle possible ? Contestée ? En contentieux ? Sur quels motifs ?
– Concernant la mise en oeuvre des actions légales, Eramet a-t-elle engagé une procédure pénale et/ou civile contre Leonteq ?
– Si oui sur quels motifs ? Où en est-elle ? Sinon pourquoi ?
Rien. Zéro réponse. Tout au plus, à force de relances lassantes, une aimable attachée de presse d’Eramet finit par répondre une non-réponse (6/1/2025) : « Bonjour, Nous ne faisons pas de commentaires sur une enquête en cours. Bien à vous ». Ah, le job rêvé des communicants payés pour la fermer !
Eramet à le droit de ne pas dire si elle poursuit directement Leonteq en justice pour demander réparation de son préjudice lié aux pratiques de Leonteq, que ce soit en se constituant partie civile dans le cadre des investigations du parquet à la suite de la plainte contre X ou dénonciation, ou dans le cadre d’autres procédures civiles aux revendications confortées par la sanction de la FINMA.
Eramet a même le droit de renoncer à poursuivre Leonteq pour lui demander des comptes.
Mais pourquoi Eramet renoncerait à faire valoir ses droits, alors que c’est de toute évidence dans son intérêt économique, et celui de ses actionnaires, dont l’État français ?
En l’absence de réponse convaincante à cette question, le silence d’Eramet ne peut qu’intriguer.
Quelle raison aurait Eramet d’épargner Leonteq de nouveaux procès, s’il n’y avait rien à cacher ? Pour quels motifs obscurs, pourrait-on soupçonner Eramet, ou ses dirigeants, de craindre les déballages d’un procès contre Leonteq, aux gains potentiellement substantiels ?
« Il y a un intérêt évident à joindre les enquêtes et procédures judiciaires sur l’affaire Eramet et sur l’ensemble des fraudes de Leonteq en matière d’émission et distribution de produits structurés, notamment au regard du système de blanchiment mis à jour, insiste pour sa part le lanceur d’alerte. Joindre les deux affaires permettrait de mieux comprendre les liens entre le cas d’espèce du CLN-Rallye d’Eramet et l’organisation des fraudes reprochées à Leonteq, car le rapprochement des preuves et de leurs liens serviraient les deux causes. »
Produits structurés corrompant
« Que se passera-t-il alors qu’Eramet a toutes les raisons pour réclamer les 43,75 millions d’euros que Leonteq lui a fait perdre en corrompant, avec ses employés et distributeurs véreux, son trésorier en 2018 ? s’interroge notre lanceur d’alerte. Ou si l’action judiciaire engagée, sous les références n° 21356000885, ouverte par Eramet auprès du Parquet avec transmission auprès du Parquet National Financier (PNF) par l’Autorité des Marchés Financiers (AMF) et l’Autorité de Contrôle Prudentiel (ACPRI) aboutit et expose l’absence délibérée de déclaration de transactions suspectes à Tracfin, par l’entité européenne de Leonteq, alors même que la maison mère suisse a été impliquée dans le versement de commissions à des sociétés-écrans ? », poursuit le fin connaisseur de cette procédure largement alimentée par ses signalements. Certes, on peut regretter que « l’absence délibérée de déclaration » soit un concept juridique délicat… comme la preuve d’un non-fait…
Mais au final, « Le schéma viole directement l’Article 3 de la Convention des Nations Unies contre la Corruption et d’autres réglementations dans plusieurs juridictions », dénonce le lanceur d’alerte ayant révélé précisément aux superviseurs financiers européens l’ampleur des circuits financiers occultes de LEONTEQ.
Pour lui, il est totalement incompréhensible que l’Etat français, actionnaire stratégique d’Eramet, avec une participation de 27,1%, juste derrière la famille Duval (37,1%), n’intervienne pas pour obliger Eramet à faire valoir ses droits face à Leonteq.
S’il faut compter sur l’Etat, pour forcer Eramet à poursuivre Leonteq, afin que la justice accroisse sa pression, et perquisitionne les coulisses des lessiveuses, dans l’espoir de mettre à nu l’étendue du schéma de corruption-blanchiment révélé par ce CLN-Rallye, on n’est pas au bout du feuilleton.
Néanmoins, l’onde de choc du scandale Leonteq-Eramet commence aussi à fissurer la sérénité affichée de ce dernier. Les têtes commencent à valser.
« Eramet : Christel Bories quittera ses fonctions de directrice générale pour devenir présidente », annonçait notre confère Les Echos le 21 janvier 2025. « L’actuelle PDG du groupe minier français ne souhaite pas solliciter un troisième mandat », selon la version officielle.
« Eramet trouve au Brésil le remplaçant de Christel Bories », nous apprennent Les Echos le 13/2/2025, il s’appelle Paulo Castellari, « Né en 1970, et possédant la double nationalité brésilienne et italienne ». Rien de tel que du sang neuf venant du Nouveau Monde, pour faire oublier les turpitudes de l’Ancien.
Eramet ne poursuivra pas Leonteq, selon toute vraisemblance, car Eramet aurait peut-être plus à perdre en déballant son linge sale, qu’en enterrant l’affaire de sa corruption à coup de produits structurés Leonteq frelatés.
Avec Eramet, le mystère LEONTEQ s’épaissit finalement davantage qu’il n’aurait pu s’éclaircir.