Pour la première fois dans l’Histoire, des pays indépendants s’apprêtent à adopter une fiscalité commune et unique avec la taxe sur les transactions financières (TTF). Selon le projet de directive adopté par le Parlement européen le 14 février 2013, cette TTF serait prélevée au taux de 0,1% sur les achats et ventes de titres (actions, obligations… hors introductions en Bourse) et de 0,01% sur les produits dérivés, dès lors qu’une des contreparties (acheteur ou vendeur) est établie dans un pays concerné (“principe de résidence”), ou que la transaction porte sur des titres émis dans l’un de ces pays (“principe du lieu d’émission”, quel que soit le lieu de la transaction).
Cette taxe, qui devrait être adoptée d’ici au 30 septembre prochain, pour entrer en vigueur dès janvier 2014, est l’aboutissement d’un projet présenté par la Commission européenne en septembre 2011, en vue “d’assurer une approche cohérente de la taxation du secteur financier au sein du marché unique, de garantir une contribution équitable de ce secteur aux finances publiques et de contribuer à ce que les activités de négociation de ce dernier soutiennent davantage l’efficience et le bien-être”. En outre, des travaux académiques récents montrent qu’une telle taxe aurait bien plus d’atouts que d’inconvénients (lire sur Deontofi.com : “Les atouts cachés de la taxe sur les transactions financières”).
Relançant la polémique, “pour ou contre une taxe internationale sur les transactions financières”, le ministre des Finances britannique, George Osborne, a annoncé, le 19 avril 2013, avoir déposé une plainte auprès de la Cour européenne de justice (CEJ) contre la légalité du projet de TTF en cours d’adoption par les onze pays membres de l’Union européenne. Ce coup de force est une façon pour la Grande Bretagne d’attirer l’attention sur un sujet où elle est privée de son droit de veto habituel dans les institutions européennes.
Le projet de TTF réunit, en effet, deux particularités la première étant que, s’agissant d’une matière fiscale, la décision finale sera de la compétence exclusive du conseil Ecofin réunissant les ministres des Finances européens. Dans d’autres domaines, le Parlement européen et le conseil Ecofin expriment chacun leur opinion et négocient, ensuite, un rapprochement de leurs positions. Dans le cas de la TTF, la session plénière du Parlement européen votera, début juillet 2013, sur le projet qui doit être adopté par la commission économique et financière fin mai. Le conseil Ecofin est tenu d’attendre ce vote pour se prononcer, mais sans obligation de le suivre.
Ensuite, le projet de TTF européenne entre dans un dispositif dit de “coopération renforcée ”, une procédure qui implique la volonté commune d’au moins neuf pays de l’Union (en l’occurrence 11 pays) d’adopter un dispositif légal régissant leurs relations. L’avantage, par rapport à un simple traité international, ou à un accord bilatéral, est que la taxe adoptée aura une légalité bien plus forte. Dans un tel cadre de coopération renforcée, le texte doit alors être approuvé à l’unanimité par les pays concernés.
Mais, à l’inverse, seuls les pays concernés sont habilités à s’exprimer à son sujet, ce qui n’est pas le cas du Royaume-Uni : “En définitive, il est fort probable que le lobby des pays opposés à l’idée de TTF comme le Royaume-Uni, la Suède ou la République tchèque, se montre très actif au cours des négociations, et que la proposition initiale évolue d’ici à son adoption par l’Ecofin”, estiment cependant Nathalie Dezeure et Alan Lemangnen, deux économistes de Natixis, dans une note publiée le 22 avril dernier.