Le procès en appel pour abus de confiance des ex-dirigeants du complément de retraite des enseignants et fonctionnaires (Cref) est l’occasion de comprendre comment 450 000 épargnants se sont fait piéger par ses fausses promesses. Deontofi.com publie les plaidoiries des quatre avocats défenseurs des victimes du Cref, telles que présentées à l’audience du 6 décembre 2013. (Tous les articles sur l’affaire Cref ici)

Plaidoirie de Maître Stéphane Bonifassi (2ème et dernière partie)Maître Stéphane Bonifassi, avocat du Comité d'information et de défense des sociétaires du Cref (CIDS-Cref). (photo © GPouzin)

Maître Stéphane Bonifassi, avocat du Comité d’information et de défense des sociétaires du Cref (CIDS-Cref). (photo © GPouzin)

La question qui suit est « comment prétendre à un préjudice alors que la constitution du CIDS est postérieure aux faits ? ». Ma réponse est dans une jurisprudence de la Chambre civile de la Cour de Cassation de 1975 qui dit que pour permettre que la justice soit rendue « une association régulièrement déclarée peut réclamer réparation même si le préjudice invoqué est antérieur à sa date de constitution ». Je vois que vous êtes un peu surprise, décèle l’avocat en scrutant les réactions de la Cour, mais cet arrêt a été publié au Bulletin (NDLR, la Cour de Cassation publie dans ses « Bulletins », accessibles ici, les

Maître Stéphane Bonifassi. (photo © GPouzin)

Maître Stéphane Bonifassi, avocat du Comité d’information et de défense des sociétaires victimes du Cref (CIDS-Cref). (photo © GPouzin)

arrêts qu’elle estime les plus importants pour préciser la jurisprudence d’interprétation et d’application des lois). Vous devrez vous poser la question, est-il utile pour les monsieur Parma de ce pays, qu’il y ait une association comme le CIDS qui lui permette d’être représenté en justice ? Je ne vais pas revenir sur les circonstances aggravantes prévues par l’article 314-2 du Code pénal en matière d’abus de confiance : le premier alinéa concerne les dirigeants d’entreprises commerciales, le troisième point concerne ceux d’organismes non lucratif puisqu’il couvre les délits « au préjudice d’une association qui fait appel au public en vue de la collecte de fonds à des fins d’entraide humanitaire ou sociale ». Les mutuelles sont bien comprises dans cette disposition. C’est normal, puisqu’il y a bien une forme d’association qui s’enrobe dans le sirop dégoulinant de l’entraide sociale, à longueur de pages dans le bulletin mutualiste.

Maître Stéphane Bonifassi, avocat du CIDS qui défend les victimes du Cref. (photo © GPouzin)

Maître Stéphane Bonifassi, avocat du CIDS qui défend les victimes du Cref. (photo © GPouzin)

Sur l’infraction elle-même, les arrêts de la Cour de Cassation sont très clairs et j’en laisserai le rappel à monsieur l’avocat général. Ce qui est visé est le détournement. Est-ce qu’on leur a dit d’utiliser l’argent comme il l’a été ? Monsieur Vaucoret, dont je suis d’accord pour dire qu’il a fait part d’une certaine honnêteté à cette barre, a dit que ça n’avait pas été déclaré en AG car cela risquait de poser problème au regard du bénévolat. Sous couvert de bénévolat on dissimule ce qu’on fait de l’argent. La contravention c’est un oubli. Si le détournement est visé, la Cour de Cassation dit qu’il n’y a pas cumul et que c’est bien l’abus de confiance qui doit être reconnu : quand on regarde le dossier entier, on ne peut pas constater autre chose que le détournement, et vous retiendrez l’abus de confiance plus que la contravention. Vous avez rappelé votre rôle nécessaire de police de l’audience, mais ce qui s’est passé hier traduit une révolte. Si 6500 personnes ont accepté de payer 44 euros par an, pour certains pris en charge par leur assurance protection juridique, c’est qu’elles veulent qu’on leur rende justice. Ma demande représente le tiers des frais du CIDS correspondant à son budget de fonctionnement sur la période. Ce budget correspond à une récolte d’informations considérable, deux à trois personnes travaillent à plein temps pour organiser la justice. Nicolas Lecoq-Vallon ne peut pas faire ce travail, déjà le greffe est au bord de l’explosion quand on constitue un millier de dossiers. L’article 700 n’est pas relatif aux frais d’avocat mais à l’ensemble des frais nécessaires au procès. Il est vrai que le CIDS a dû louer un local à Montluçon, c’est moins cher qu’à Paris. Je demande 800 000 euros au titre des frais de justice. C’est très important, même inédit dans l’histoire de la justice, mais il est inédit aussi que l’on se retrouve devant vous à 6500 personnes représentées par deux avocats. En imaginant que la Cour dise que Nicolas Lecoq-Vallon ne serait pas recevable, que Maître Le Bras ne serait pas recevable non plus, et que les 3,5 millions ne seraient pas de l’enrichissement personnel, que resterait-il du dossier d’instruction ? Sur l’enrichissement personnel, on en a parlé, et on va nous dire de l’autre côté de la barre que 3,5 millions n’est rien par rapport à la faillite du Cref. Mais pourquoi, alors que René Teulade sait depuis 1989 que ce système va à la catastrophe, et que les autres le découvrent quand ils deviennent administrateurs, pourquoi faut-il recruter sans cesse de nouvelles victimes ? Sinon pour préserver un train de vie fort agréable ?

Laisser un commentaire