3ème épisode du procès de Dom Tom Défiscalisation, la plus grosse escroquerie à l’investissement défiscalisé en panneaux solaires Girardin industriel. Tout le sommaire des articles de Deontofi.com sur cette arnaque photovoltaïque ici.
– Revenons sur le dossier administratif, enchaîne le juge, vous êtes mis en examen pour infraction à votre interdiction de gérer prononcée par le tribunal de commerce de Paris en 2003, pendant 7 ans. Il vous est reproché une gestion de fait, puis de droit, de DTD.
– Sauf si le tribunal pense que je suis un imbécile, ce que je ne pense pas, j’ai trop d’orgueil. Comment dire. Vous pouvez répéter la question ?
– Sur la gestion de fait.
– Ah oui, je ne me suis jamais mêlé de la gestion de DTD. Je ne vois pas pourquoi j’aurais attendu 7 ans pour le faire 112 jours avant que cette condamnation soit forclose. Jamais je ne serais devenu gérant de DTD. Oui, j’ai fait une erreur de date, je me suis trompé pour la gérance de DTD. Pourquoi 112 jours avant l’échéance, je suis pressé de devenir gérant de DTD ? Ça n’a pas de sens.
– Simplement, ce que mon client veut dire est qu’il s’est trompé de date, traduit son avocat, Maître Jean Tamalet. Il a toujours assumé être bénéficiaire économique de l’ensemble du schéma et, de ce fait, pouvait contrôler toutes les décisions prises.
– Pour être clair, il reconnaît la gerance de fait ou pas ? tente de comprendre le juge.
– Je l’expliquerai le 23, il y a une différence entre la compréhension qu’il a de noms que nous, juristes, donnons à sa situation.
– C’est un peu une définition Canada dry, ce n’est pas de la gestion de fait mais ça en a toutes les caractéristiques, ironise le président avant de poursuivre. M. Thomas, contrôleur général au ministère des finances, est impliqué dans les faits de corruption et condamné. Il est intéressant de lire la déclaration de Patrick Dupuis, qui collaborait avec Jacques Sordes. « En mars 2009, je reçois un coup de fil, le torchon brûle, il y a des attaques de toute part, des CGP mettent en doute le montage, il m’a demandé si quelqu’un pouvait nous aider, il mentionne George Thomas. Il va accepter d’aider de trois manières, en écrivant une lettre au responsable des agréments et rescrits, en sollicitant son aide face à la déstabilisation des concurrents, en rédigeant une lettre expliquant que l’administration fiscale n’avait eu à connaître d’aucun problème ». Il reconnaît avoir reçu 10 000 euros en espèces, Jaques Sordes dit lui avoir remit 20 000 euros, puis 10 000 euros par l’intermédiaire de Stéphane Jacob. Il rencontre des personnes maintenant qualifiées de clowns. Le courrier du 29 novembre 2009 l’amène à contredire sa déclaration d’avril 2009 : « A votre demande (…) Je vous confirme que l’administration fiscale n’a jamais eu à connaître de problème ». Mais il apparaît que M. Thomas, dans le même temps… cote D190-5, déclare à propos d’un déplacement à Merch, au Luxembourg « où je suis allé en train sur mes propres deniers le 21 octobre 2009 », décrit le hangar, « où travaillaient une douzaine de personnes tout au plus, à droite se trouvait le bureau de M. Jacob ». Il indique faire connaissance de Stéphane Jacob. Il indique qu’il a eu des doutes. Sortant avec vous pour déjeuner à Bercy, il est témoin d’une conversation avec Esnault sur la rétention des chèques. Il se dit étonné que vous deviez payer des agios s’il y a des milliards. Il constate que vous faites vous-même les bordereaux de virements. Ça va vs déplaire, annonce le juge en souriant, il met en lumière le hangar, les projets fumeux. Vos observations ? Sur M. Thomas ? Puisqu’il vous est reproché de développer votre activité en corrompant un fonctionnaire. Ce n’est pas dans la prévention, mais pour crédibiliser votre modèle.
– Vous avez résumé ça parfaitement, encaisse l’accusé, mais de quelle date est le dernier courrier de Thomas ?
– Courrier de George Thomas du 29 octobre 2009 à votre intention, il fait référence à votre demande d’avril 2009.
– Octobre ou novembre ?
– Le 29 octobre il dit qu’il a trois dossiers, le 29 novembre il écrit aux CGP « information urgente il faut tout arrêter ».
– Merci, j’ai découvert aujourd’hui à l’audience que dans un écrit à M. Jacob, M. Bouamama s’est concerté avec ses complices pour me réclamer un dédommagement. Or, entre le 27 octobre et le 29 novembre, que s’est il passé ? M. Dupuis a servi d’intermédiaire avec M. Thomas, qui a eu la malchance de m’envoyer un mail de son ordinateur du ministère des finances. Et là, pendant un mois, il me demande 2,5 millions d’euros pour un appartement de fonction que j’aurais dû lui acheter. Je leur dit « arrêtez vos bêtises je vais déposer une plainte pénale ». Je ne suis pas condamné pour corruption dans cette affaire, mais pour trafic d’influence.
– Cela aurait été de la corruption s’il s’agissait du fonctionnaire délivrant les agréments, mais c’est qualifié de trafic d’influence car les faits portent sur le bureau dirigé par le supérieur qui a reçu l’argent, explique le procureur.
– J’ai été condamné à dix mois fermes, depuis le 11 mars, que je suis en train d’exécuter, précise l’accusé. On a des attaques de concurrents, cela ne nous empêche pas de faire de bonnes affaires, on me le présente, nous nous rencontrons au restaurant Le Train bleu [luxueuse table gare de Lyon]… Je n’ai pas vu ma femme depuis des mois, digresse tout à coup l’accusé. Elle viendra demain, c’est mon anniversaire, si je pouvais avoir la petite voiture, j’ai un fauteuil roulant…
– Répondez à la question.
– Au Train Bleu, je m’attendais à rencontrer un ami du ministère. J’attends une heure dans un salon, je rencontre M. Gonsalvez avec son fils, qui pourrait me proposer des affaires immobilières. Il me dit qu’il ne peut pas. C’est un fonctionnaire particulièrement pourri. Je le vois arriver, ce n’est pas le clochard qu’on a vu l’autre jour. Je le reçois dans une suite pas très chère que j’avais prise à 800 euros pour la nuit, il vient me rencontrer et me dit, « on va agir différemment. Plutôt qu’intervenir directement par Bercy, comme je suis en fin de carrière, employez-moi comme consultant… On rentre dans le trafic d’influence. Je n’ai pas cherché à le corrompre. Il m’a été présenté par la recommandation de Conçalvès, et il est condamné pour corruption.
– Vous n’êtes pas novice. Il ne vous semble pas qu’il y a un conflit d’intérêt entre consultant et contrôleur général ?
– Il me dit « employez-moi je vais vous aider, parlez-moi de vous, je lui raconte ma vie. Il dit j’ai vérifié. C’est vrai que la direction nationale des enquêtes fiscales a fait une descente fin 2009 et a dit que c’était blanc-bleu, il n’y a aucune fraude à la TVA ni quoi que ce soit ». Il fait son boulot, il mérite son salaire. Même après avoir été arrêté, on a reçu 10 millions d’euros de chèques renvoyés aux souscripteurs par mon ex-beau-fils. Je n’avais vraiment pas besoin de M. Thomas pour faire marcher mes affaires.
– Il a fait des lettres en début d’année qui ont relancé et maintenu l’activité, décode le procureur.
– Faux, il avait déjà déposé son article 40.
– L’année précédente. Vous dites que vous n’avez pas besoin de M. Thomas car même en prison vous receviez des chèques, ça tournait sans lui. Mais c’est parce que début 2009 vous aviez lancé cette contre-campagne à laquelle a participé M. George Thomas avec ses trois courriers que vous avez pu récolter 25 millions d’euros comme en 2008.
Midi cinq (12h05), après trois heures de débats suffisamment captivants pour oublier la pause, l’audience est levée pour une suspension d’un quart d’heure, à peine le temps de souffler.
Bravo Mr Pouzin pour ce compte-rendu très complet. Dans cette affaire, on regrettera la non prise en compte des personnes flouées, le laxisme coupable des services de l’état et l’incroyable rigidité aveugle des services fiscaux vis à vis des victimes. Selon que vous serz puissant ou misérable….