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Quelle vie avons-nous vécue avec le confinement pour lutter contre la pandémie ? (photo © GPouzin)

Comment les Françaises et les Français ont-ils vécu durant le confinement ? Des études récentes de l’Insee, de l’Ined et du Crédoc, apportent un éclairage intéressant sur les grandes tendances de cette période inédite.

Télétravail surtout pour les cadres

Le confinement a aussi eu des conséquences importantes sur les modalités de travail. Si 35 % des personnes en emploi ont continué à se rendre sur leur lieu de travail, 34 % ont télétravaillé.

Le fait d’avoir télétravaillé est très lié à la catégorie sociale : 58 % des cadres et professions intermédiaires ont télétravaillé, contre 20 % des employés et 2 % des ouvriers. Ceci s’est traduit par des conditions de travail très différentes selon le niveau de vie : 21 % des personnes les plus modestes (1ᵉʳ quintile de niveau de vie) ont télétravaillé pendant le confinement contre 53 % des plus aisés (dernier quintile). À l’inverse, les personnes les plus modestes ont davantage continué à aller travailler sur site (figure 2). Ce fut en particulier le cas des ouvriers (53 %), devant les employés (41 %), agriculteurs, chefs d’entreprise et indépendants (40 %), les cadres et professions intermédiaires étant nettement en retrait (21 %).

Les femmes prennent davantage en charge les enfants

La prise en charge des enfants a été davantage assurée par les femmes : globalement, 83 % des femmes vivant avec des enfants y ont consacré plus de 4 heures par jour (57 % des hommes) et 6 % entre 2 et 4 heures par jour (19 % des hommes). Parmi les personnes en emploi, les mères ont deux fois plus souvent que les pères renoncé à travailler pour garder leurs enfants (21 % contre 12 %). De façon encore plus marquée, parmi les personnes en emploi qui n’ont pas été en autorisation spéciale d’absence pour garde d’enfant, 80 % des femmes passaient plus de 4 heures quotidiennement auprès des enfants (contre 52 % des hommes) et 45 % assuraient une « double journée » professionnelle et domestique, cumulant quotidiennement plus de 4 heures de travail et 4 heures auprès des enfants, contre 29 % des hommes.

35 % des personnes ayant des enfants ont eu des difficultés pour assurer leur suivi scolaire. Cette difficulté est très corrélée au niveau de vie et touche nettement plus les plus modestes : la moitié des personnes du 1ᵉʳ quintile de niveau de vie contre un quart de celles du 5ᵉ quintile (figure 3). Elle est plus souvent ressentie par les femmes (41 % contre 28 % des hommes), notamment en emploi (38 % des femmes en emploi rapportent cette difficulté contre 29 % des hommes), et les familles monoparentales (48 % contre 34 % pour les autres types de ménages).

15% des Français ont plus d’un logement

Les Français ne sont pas mal logés. Avec, en moyenne, 48 m2/personne, la superficie et le confort du logement ont augmenté pour toutes les catégories de population au cours des dernières décennies, et 15 % d’entre eux possèdent un ou plusieurs autres logements en dehors de leur résidence principale. Mais la pandémie, et le confinement qu’elle a entraîné, ont changé leurs conditions de vie au quotidien, bouleversé l’usage et l’occupation du logement, et drastiquement accentué les écarts sociaux. Au risque d’un décrochage.

11% sans jardin ni balcon

Le confinement a également renforcé la pression sur l’occupation du logement et les situations de surpeuplement en France. Un ménage sur dix vit dans un logement surpeuplé pendant le confinement. 11 % ne possèdent aucun espace extérieur (jardin privatif ou partagé, cour, balcon, loggia…).

En moyenne, les Français disposent de 48 m2/personne dans leur logement7. Avec 57 m2/personne, les propriétaires sont mieux lotis que les locataires (36 m2/pers). Malgré leur surreprésentation dans les grandes villes où le marché du logement est plus tendu, les cadres disposent en moyenne d’une surface pour soi plus grande (60 m2/pers) que les ouvriers et employés (45 m2/pers). Dans l’unité urbaine de Paris, la superficie moyenne tombe en effet à 41 m2/personne contre 48 m2 dans les autres grandes villes de France8, et 53 m2 dans les espaces ruraux9 où l’habitat individuel domine très largement.

7% confinés hors de chez eux

7 % des Français ne résident pas dans leur logement habituel pendant le confinement5. Dans 74 % des cas, ils sont allés chez un membre de la famille, plus rarement dans une résidence secondaire ou chez un ami. 12 % des habitants de la région parisienne ont quitté leur domicile pendant le confinement (contre 6 % pour le reste du territoire) et un tiers des jeunes de 18 à 24 ans. En réalité, les départs concernent davantage les deux extrémités de l’échelle sociale que les catégories intermédiaires : 6 % des individus appartenant aux ménages aisés6 sont partis, ainsi que 12 % des individus appartenant à un ménage pauvre (6 % si l’on exclut de cette catégorie les jeunes moins de 25 ans, qui ont massivement changé de domicile). Si les premiers ont rejoint une résidence secondaire, les seconds sont pour la plupart logés par un proche.

Isolement et craintes économiques

38 % des Français déclarent se sentir isolés dans leur logement ou leur quartier, malgré des échanges de services toujours aussi nombreux. 31 % déclarent une chute des revenus de leur ménage, 24 % craignent des difficultés pour payer leur logement dans les douze prochains mois et 7 % redoutent même de perdre leur logement. Certaines professions (artisans et commerçants, ouvriers) et les ménages aux revenus modestes sont particulièrement touchés.

Les pertes de revenus sont moindres chez les retraités, mais plus pénalisantes pour les actifs et les familles: 38 % chez les moins de
65 ans, 40 % des familles.

La perte de revenus est liée à la profession : 55 % des artisans et commerçants, et 40 % des ouvriers déclarent une chute de revenus, contre 20 % des cadres. La proportion de ménages concernés par une perte de revenus s’élève à 33 % dans les espaces ruraux, contre 30 % dans les grandes agglomérations hors Paris.

Baisse d’activité, relations familiales tendues

Parmi les actifs qui avaient un emploi avant le début du confinement, seuls 58 % d’entre eux travaillent encore à la 7è semaine de confinement. La surcharge professionnelle et familiale a induit une dégradation des relations entre parents et enfants. 18 % des enquêtés en télétravail déclarent une dégradation des relations avec leurs enfants depuis le début du confinement. Malgré des conditions de logement moins favorables en moyenne, les ouvriers et les employés sont plus nombreux que les cadres à avoir déclaré une amélioration des relations avec leurs enfants depuis le début du confinement, en particulier quand leur activité professionnelle s’est arrêtée.

Solitude en couple et sans couple

En période de confinement, 36 % des personnes en couple (avec ou sans enfant) se déclarent isolées contre 43 % des personnes vivant sans conjoint (qu’elles aient ou non des enfants).

Un affichage surtout positif sur les réseaux sociaux

Le temps passé sur écran a été important : 30 % des personnes ont passé en moyenne plus de 4 heures par jour sur écran hors réseaux sociaux, 36 % entre 2 et 4 heures. Le temps passé sur les réseaux sociaux est nettement plus réduit : 32 % ne les ont jamais consultés, 34 % y ont consacré moins d’une heure par jour, 14 % plus de 2 heures. Le solde, soit 20%, ont passé entre 1 et 2 heures sur les réseaux sociaux.

Sur les réseaux sociaux, la vie est plus belle. On se plaint des malheurs du monde mais on affiche sa vie super. Résultat, les difficultés du confinement vécues par beaucoup transparaissent à peine.

Sur Twitter, 42% des messages associés au confinement véhiculent une humeur positive, nous apprend le Credoc.
Contrairement à ce que l’on aurait peut-être pu penser, 27% seulement des messages postés sur Twitter concernant le confinement sont associés à une humeur négative. 27% des messages traduisent l’abattement, le découragement, la peur, la fatigue, la solitude, les préoccupations pour l’avenir, mais 42% des messages font montre d’espoir, d’humour, parlent de solidarité, de civisme, d’engagement et certains la joie de partager plus de temps avec sa famille, d’être chez soi, de prendre du temps pour soi…

Comparativement à d’autres sujets de discussion, la proportion est particulièrement faible. Par exemple, le terrorisme est, dans 83% des cas associés à des sentiments négatifs ; la guerre dans 83% des cas, le racisme dans 77% des cas, la violence et l’insécurité 76%, le chômage 55%.

A l’inverse, d’autres sujets sont systématiquement positifs : 42% des tweets parlant de cinéma sont positifs, 44% des tweets associés au sport le sont aussi, de même que 44% des messages évoquant l’alimentation ou les repas.

Un autre point de divergence entre le bruit médiatique et les discussions sur Twitter réside dans la tonalité : les articles du Monde consacrés au coronavirus ont une connotation négative dans 68% des cas, contre 38% des messages liés au coronavirus sur Twitter. Cette remarque fait écho aux résultats d’une étude qualitative réalisée par Didier Courbet et son équipe21 indiquant que certaines personnes, après 20 jours de confinement, évitent de s’exposer aux médias et à la communication des instances politiques, qu’elles jugent anxiogènes.

Les Français majoritairement heureux malgré tout

85% des Français sont satisfaits de leur vie. Et selon l’enquête « Conditions de vie et aspirations », on constate de manière répétée entre 2015 et 2020, que le pourcentage de personnes qui disent être « très souvent » ou « assez souvent » heureuses varie peu. Ainsi, dans l’enquête de janvier 2020, 64% des personnes interrogées se déclarent heureuses, de même que 62% dans l’enquête réalisée fin avril 2020. Ni l’apparition du coronavirus, ni le confinement ne semblent avoir significativement entamé l’humeur générale de nos concitoyens.

Pour en savoir plus:
Etude Insee confinement conditions de vie
Etude Ined, impact du confinement
Etude Credoc, le confinement incite à ralentir son rythme de vie

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