Mise en vente à 590 000 euros, cette magnifique villa à la Martinique avait été achetée par Jacques Sordes, l’as de l’arnaque DomTomDéfisc, avec l’argent des épargnants.

Pour Noël ou pour les étrennes, on peut rêver d’une maison de milliardaire à partir de 590 000 euros ! Vivre comme un milliardaire dans sa tête… C’est possible, en achetant la maison que s’était payée Jacques Gaston Michel Sordes, alias Jack Sword, avec l’argent volé aux épargnants victimes de son escroquerie Dom Tom Défisc.

Lui-même était milliardaire dans sa tête. Le type est mytho. Il s’est toujours présenté comme un grand homme d’affaires, bling-bling à l’appui pour faire croire qu’il réussissait à bâtir des empires d’entreprises. C’était sa couverture. Son masque pour mieux attraper les crédules ou les désespérés, attirés par tout ce qui brille. C’est comme ça qu’il a réussi à endormir ou impressionner tous ceux qu’il a corrompus, soudoyés ou tyrannisés, pour promouvoir sa fabuleuse escroquerie aux panneaux solaires fantômes. DTD : Dom Tom Défiscalisation.

Jack Sword, aujourd’hui en prison, n’a jamais été milliardaire, ni même homme d’affaires, mais l’argent volé aux épargnants est bien réel, comme la magnifique villa qu’il s’était payée avec leurs économies. Achetez-la, vous ferez une bonne action. Le produit de la vente contribuera à rembourser une petite partie de l’agent volé aux victimes.

« Sur le lieu dit « Petite Grenade », à quelques minutes du centre-ville du Vauclin et à proximité des plus belles plages de Martinique, vous serez charmés par cette belle villa de plain-pied offrant des prestations de luxe », explique l’annonce. Outre sa piscine à débordement avec vue sur mer, la villa Sordes compte trois chambres, deux salles de bain, une salle d’eau, une cuisine et un très grand séjour, un jardin d’hiver et des terrasses. En sous-sol : un appartement T3 avec une cuisine, deux chambres et une salle d’eau.

Et bien sûr, clin d’œil à l’escroquerie du maître de l’esbroufe, l’ensemble est équipé de panneaux photovoltaïques en très bon état sur le « carport », anglicisme « fashion » (branché) désignant l’abri à voitures. Second clin d’œil à l’escroquerie DomTomDéfisc, dont les centrales photovoltaïques fantômes n’étaient pas raccordées au réseau d’électricité, les panneaux solaires du garage ont un « système d’alimentation à remplacer », selon l’annonce.

Des panneaux solaires de DomTomDéfisc…

Cette magnifique villa de 633 m2 au sol (320 m2 « loi Carrez ») située sur la commune du Vauclin, en Martinique, est un des clous de la « collection Sordes », vendue en ce moment par la plateforme de ventes aux enchères Agorastore.fr, pour le compte de l’Agrasc, l’Agence de gestion et de recouvrement des avoirs saisis et confisqués.

En effet, sur les 56 millions d’euros volés par Jacques Sordes et sa bande, la justice a pu mettre la main sur quelques biens, comme Deontofi.com l’expliquait il y a deux ans. « Ont été saisies : une BMW X6, deux villas à Schoelcher et une villa au Vauclin [ndlr : deux stations balnéaires chic et bourgeoises de la Martinique], 780 000 euros saisis sur un compte bancaire, un autre compte Haigel d’un million 53 000 euros, 580 000 euros sur le compte de l’EURL Sordes, et en dernier lieu 630 000 euros de la société Radec Ltd. L’instruction a permis d’établir que sur les 56 millions collectés, 14% ont été utilisés pour régler des dépenses personnelles, 13 millions, soit 23%, pour la création de sociétés luxembourgeoises de compléments alimentaires et cosmétiques, 33% pour des investissements financiers et divers placements. Au total, 70% de la collecte a été utilisée à des fins autres que l’investissement en loi Girardin, 15% pour rémunérer les réseaux de vente et conseillers en gestion de patrimoine (CGP) dont les commissions devaient être de 6% de la collecte », expliquait le juge lors du procès en première instance de l’escroc, devant la chambre correctionnelle du tribunal de grande instance de Paris, en novembre 2016.

Au final, les avocats des victimes estiment que 40 millions ont totalement disparu. « Dans les saisies des sociétés on ne retrouve que 3 millions, le reste a disparu, mais dans la poche de qui ? Quelque part dans le monde, on ne sait pas. Peut-être que seul Sordes le sait. A aucun moment on ne les a retrouvés. Les 56 millions ne son pas imaginaires, ils sont sortis de la poche des victimes », expliquait un avocat des parties civiles en 2016.

La villa du Vauclin (97260, Martinique) est donc un des biens saisis par l’Agrasc et mis en vente pour récupérer un peu d’argent au profit des victimes. Du moins s’il en reste, car le fisc réclame aussi sa part, prioritaire sur l’indemnisation des parties civiles, notamment au titre des fraudes fiscales commises sur les profits frauduleux de l’escroquerie.

Pour participer aux enchères, il faut impérativement visiter préalablement le bien. Question de bon sens. On n’achète pas une villa les yeux fermés. Mais pour les investisseurs dans l’incapacité de se rendre sur place avant les prochaines vacances, « il est possible de mandater une autre personne pour visiter en son nom si l’on souhaite enchérir », explique Zakaria Sbahi, porte-parole du site Agorastore.fr. Avis aux amateurs, on peut donc faire visiter à sa place par un professionnel dument mandaté, expert immobilier, notaire ou avocat, ou autre personne de confiance.

Les enchères doivent officiellement démarrer en ligne le 18 février 2019 à midi, pour s’achever lundi 21 février à 16 heures. La mise à prix initiale est de 590 800 euros, hors droits de mutation à la charge de l’acheteur (les fameux « frais de notaire ») mais en incluant une commission de 6,6% déjà incluse dans le prix affiché. Une bonne affaire par rapport au prix payé par Sordes, qui l’aurait acquise à l’époque pour 700 000 euros. Il est vrai que les escrocs peuvent se montrer généreux quand ils dépensent l’argent des autres. Pour en savoir plus consultez l’annonce ici

Le site Agorastore.fr vend d’autres biens saisis par l’Agrasc, notamment les deux autres villas achetées par Jacques Sordes pour ses proches et leur famille en Martinique. La première est une « Belle villa coloniale typique offrant de grands espaces plein de charme, dans le quartier réputé de Ravine Touza (Lieu Dit Ravine Touza Nord, 97233 Schoelcher, Martinique) » selon l’annonce.

Une autre maison saisie dans l’escroquerie DTD, à vendre sur Agorastore.fr

Cette maison d’une surface de 410 m2 au sol (233 m2 Loi Carrez), comprenant 5 chambres, est mise à prix 453 650 euros.

L’autre, sise au Lieu-dit Vallée Heureuse, à Saint Joseph (97212 Martinique), compte 8 pièces dont 5 chambres, pour une surface au sol de 275m2 (227 m2 Loi Carrez), avec « une terrasse et une piscine sur un peu plus de 2000 m² de terrain » selon l’annonce. Dans un moins bon état avec la toiture à refaire, elles est mise à prix 267 050 euros.

Les trois maisons achetées avec l’argent détourné de Dom Tom Défiscalisation rapporteront 1,3 million d’euros.

Pour ces deux biens, les enchères en ligne se dérouleront aussi du vendredi 18 au lundi 21 février 2019 sur le site Agorastore.fr, toujours à condition d’avoir visité ou fait visiter les biens pour pouvoir enchérir.

Au total, ces trois biens pourraient rapporter près de 1,3 million d’euros sur la base de leur mise à prix. Il est en effet fréquent que les enchères ne grimpent pas pour des biens de ce type, d’un montant unitaire déjà élevé dans l’absolu. Mais les victimes de l’arnaque ont finalement peu de chances d’en voir le moindre centime.

D’abord en raison du fonctionnement même des indemnisations réclamées par les victimes à l’Agrasc. Selon l’article 706-164 du code procédure pénale : « En cas de pluralité de créanciers requérants et d’insuffisance d’actif pour les indemniser totalement, le paiement est réalisé au prix de la course et, en cas de demandes parvenues à même date, au marc l’euro », ce qui signifie en clair que les premières demandes d’indemnisation arrivées à l’Agrasc sont les premières servies, et qu’en cas d’arrivée en même temps, elles sont servies en proportion des demandes d’indemnisation par rapport à l’argent disponible, c’est-à-dire pas grand-chose.

En outre « Les dispositions qui précèdent ne sont pas applicables à la garantie des créances de l’Etat », précise l’article 706-164 du code procédure pénale. C’est-à-dire que le fisc passe avant les épargnants.

 « Ces ventes ne permettront pas d’indemniser les épargnants pour deux raisons, d’abord en raison de l’insuffisance des actifs saisis au regard des préjudices causés, ensuite en raison de la règle dite du « prix de la course » qui veut que les premiers arrivés soient indemnisés en premier », explique Maître Hélène Feron Poloni, qui défend des dizaines d’entre-eux depuis des années.

Les actifs saisis sont effectivement très insuffisants pour rembourser les quelques 20 millions d’euros de dommages et intérêts accordés aux parties civiles. Et pour cause, une grande partie de l’argent volé aux épargnants a simplement servi à rémunérer les conseillers en investissements financiers ayant distribué l’arnaque DTD, sans qu’ils aient de responsabilité pénale établie.

« Pour les épargnants, la meilleure piste d’indemnisation reste l’action en responsabilité civile professionnelle contre les intermédiaires financiers ayant vendu le produit Dom Tom Défisc », conclut Maître Hélène Feron Poloni qui a déjà remporté plusieurs procès en ce sens, notamment contre la société de conseil en gestion de patrimoine Hedios.

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