Contrairement à certains scénarios évoqués pour promouvoir d'autres placements moins sûrs dans les contrats d'assurance vie, la solidité des fonds en euros ne semble pas menacée par la hausse des taux d'intérêt. (photo © GPouzin)

Contrairement à certains scénarios évoqués pour promouvoir d’autres placements moins sûrs dans les contrats d’assurance vie, la solidité des fonds en euros ne semble pas menacée par la hausse des taux d’intérêt. (photo © GPouzin)

Le rendement des fonds en euros s’effrite et a peu de chances de remonter après la baisse prolongée des taux d’intérêt. Mais avec l’annonce d’un resserrement des taux d’intérêt aux Etats-Unis, certains craignent les conséquences d’une remontée des taux sur les fonds en euros de l’assurance vie. La hausse des taux est-elle bonne ou mauvaise pour les épargnants ? Quels risques pour les fonds d’assurance vie en euros en cas de remontée des taux d’intérêt ? Les explications de Deontofi.com

Cinq minutes pour comprendre :
Retrouvez ici l’interview TV sur ce thème dans l’émission Ecorama du 26/10/2015

1/ D’abord est-ce que le rendement des fonds en euros dépend vraiment des taux d’intérêt ?
Pour comprendre le lien entre le rendement des fonds en euros de l’assurance vie et les taux d’intérêt, il faut rappeler leur fonctionnement. Sur un contrat d’assurance vie, le fonds en euros, c’est l’épargne gérée directement par la compagnie d’assurance dans son actif général avec des gains accumulés tous les ans sans risque de perte. Historiquement, pour des raisons de prudence et de contraintes de solvabilité, cet actif au bilan des assureurs a toujours été composé principalement d’emprunts d’Etat et d’obligations d’entreprises privées. Fin 2014, l’actif des assureurs correspondant à la répartition de leur fonds en euros, était investi, en moyenne, autour de 70% en obligations, 20% en actions, 3% en immobilier, 5% en trésorerie et 2% en actifs divers. Ces proportions sont quasiment inchangées depuis une vingtaine d’années, si l’on fait abstraction des hausses et des baisses de la Bourse qui font varier le poids des actions en fonction de leur valorisation. Donc pour résumer, on peut dire que le rendement des fonds en euros dépend pour plus des deux tiers de l’évolution du rendement des obligations.

2/ Le rendement de l’assurance vie suit-il l’évolution des taux d’intérêt obligataires ?
Oui, c’est très net sur le long terme. Au cours des années 1990, par exemple, quand le taux moyen des obligations (le TMO), a baissé de 9% à 5%, le rendement moyen des fonds en euros a baissé d’environ 8% au début de la décennie (jusqu’en 1993), à environ 5% au tournant des années 2000. Puis au cours des années 2000, quand le taux des obligations a continué à s’effriter en évoluant entre 4 et 5%, le rendement moyen des fonds en euros est resté aussi entre 4 et 5% jusqu’en 2008 où il est passé en-dessous de 4% dans un contexte de précaution des assureurs au regard de la crise financière. Depuis 2010 les taux des obligations ont connu une nouvelle baisse assez forte, d’environ 3,5% à moins de 2% et même moins de 1% début 2015, mais le rendement des fonds en euros a moins baissé puisqu’il est même supérieur au rendement moyen des obligations depuis plusieurs années.

3/ Si les fonds en euros sont pénalisés par la baisse des taux, en quoi une remontée des taux poserait-elle un problème ?
Effectivement, cela peut sembler paradoxal. Mais c’est un phénomène bien connu pour tous les placements en obligations : quand les taux baissent, la valeur des obligations augmente, alors qu’en cas de hausse des taux, les obligations anciennes deviennent moins rentables et leur cours baisse. C’est un peu difficile à comprendre pour les épargnants mais c’est assez logique quand on décompose les différentes étapes de ce phénomène avec leur calcul. Du coup, les fonds en euros de l’assurance vie sont confrontés au même dilemme. Pour avoir des rendements élevés, il faut que les taux des obligations soient assez rémunérateurs. Mais si ils montent trop vite et que la valeur des obligations s’écroule, certains craignent que les assureurs ne puissent pas faire face aux retraits des épargnants s’ils doivent vendre leurs obligations au rabais.

4/ On comprend que si les taux montent et que les épargnants veulent tous retirer leur argent des fonds en euros alors que le cours des obligations baisse, cela poserait un problème, mais de quel ordre ?
– Quel que soit le système d’épargne, si tous les épargnants veulent récupérer leur argent en même temps, il s’écroule. Cette remarque générale recouvre des situations bien différentes, entre les dépôts bancaires, une Sicav ou une compagnie d’assurance vie.
Dans le cas de l’assurance vie, les assureurs ont une solvabilité infiniment plus solide que celle des banques, au moins en théorie, car ils ne peuvent prêter plus qu’ils n’ont de ressources (contrairement aux banques). En pratique, les assureurs auraient néanmoins des difficultés à vendre du jour au lendemain tous leurs actifs, et notamment les obligations qu’ils possèdent dans leur actif général (représentatif du fonds en euros), si tous les souscripteurs retiraient leur argent du fonds en euros en même temps. Du coup la réglementation et les contrats d’assurance vie prévoient ainsi des clauses pour limiter les retraits, les étaler ou les suspendre dans certaines situations extrêmes, comme cela existe pour les Sicav.

5/ Mais quel serait l’intérêt des épargnants de retirer leur argent des fonds en euros alors qu’une hausse des taux serait plutôt de bon augure pour leur rendement ?
– Effectivement, cela peut paraître incongru pour la plupart des épargnants. Mais pour les investisseurs les plus réactifs, si le taux d’intérêt des obligations bondissait d’un coup à 4 ou 5%, on peut imaginer que les plus opportunistes veuillent retirer leur argent du fonds en euros pour profiter plus rapidement de ces rendements plus élevés en achetant directement des obligations. En réalité, c’est un raisonnement très théorique, car dans la pratique la plupart des souscripteurs du fonds en euros ne sont pas si réactifs et opportunistes pour se lancer dans de tels arbitrages. Surtout, ils sont attachés à sa sécurité et sa simplicité, qu’ils n’auraient pas avec des obligations en direct. Et si ces arbitrages sont limités à une petite minorité de souscripteurs, cela ne poserait pas de problème aux assureurs, d’autant que la hausse des taux peut aussi encourager d’autres épargnants à faire davantage de versements sur le fonds en euros.

6/ Il y a déjà eu des craintes pour la solvabilité des fonds en euros lors des crises financières ou des hausse de taux d’intérêt passées, comment ont-ils résisté ?
-Effectivement, il y a déjà eu deux épisodes de crise de ce type sur lesquelles j’avais enquêté à l’époque pour les journaux dans lesquels j’écrivais, pour arriver à la conclusion que le risque était sans doute moins élevé qu’il peut paraître quand on « joue à se faire peur ». Le premier épisode c’était il y a vingt ans, puisqu’on avait connu une crise boursière et immobilière en 1994 avec une forte hausse des taux qui avait fait chuter le cours des obligations. Alors que la crise continuait en 1995, avec la récession, on s’inquiétait beaucoup pour la solvabilité des assureurs dont les plus-values latentes avaient littéralement fondu. Mais finalement il n’y a pas eu de problème de solvabilité, car contrairement à ce que certains craignaient, les épargnants ne retirent pas leur argent de l’assurance vie en période d’incertitude. Au contraire ils en rajoutent en faisant des économies par crainte pour leur avenir.

Rebelote en 2008 et 2009, avec la crise bancaire et le krach boursier, beaucoup d’experts s’inquiétaient légitimement de la santé des assureurs et de leur capacité à rembourser les épargnants si ces derniers réclamaient leur argent. Mais là encore, les épargnants n’ont pas retiré leur argent mais ont au contraire augmenté leurs versements en assurance vie, et sur le fonds en euros en particulier.

7/ Et aujourd’hui, la crainte d’une hausse des taux menace-t-elle l’assurance vie ?
– Non. Deontofi.com a interrogé à nouveau plusieurs cabinets d’actuaires, c’est-à-dire les experts en statistiques qui aident les compagnies d’assurances à mieux évaluer leurs risques, et leurs travaux n’accréditent pas de scénario catastrophe pour les fonds en euros. Parmi eux, la société Optimind Winter a réalisé une étude approfondie qui montre que la pire évolution, pour les épargnants, serait en fait une poursuite de la baisse des taux d’intérêt, car elle rognerait encore les rendements des fonds en euros, mais sans entraîner une vague de retraits puisque le Livret A et les autres placements sans risque seraient aussi moins compétitifs.
Quant aux scénarios de hausse des taux, ils sont encore assez hypothétiques et bénins. Il faut rappeler que le taux d’intérêt moyen des obligations privées (le TMO) était tombé sous la barre de 1% début 2015, jusqu’à 0,66% en avril. Sur cette base, les taux ont ensuite rapidement doublé au troisième trimestre 2015, mais seulement pour retrouver leur niveau du dernier trimestre 2014, autour de 1,3%. Mais il est redescendu autour de 1% fin octobre et on imagine mal les épargnants retirer leur argent des fonds en euros dans ce contexte, alors qu’il n’y a aucun placement sans risque rapportant davantage avec la même garantie de récupérer son argent.
La seule menace sérieuse pour l’assurance vie en euros, ce serait un coup de Trafalgar du ministère des finances aboutissant au détournement d’une partie des fonds en euros au détriment des épargnants, afin de promouvoir les contrats euro-croissance dont personne ne veut. Il y a des projets de Bercy en ce sens, et ce serait vraiment une catastrophe pour la confiance des épargnants dans la solidité de l’assurance vie. Mais ce ne sont encore que des projets et Deontofi.com aura l’occasion de vous alerter si cette menace se précise.

Cinq minutes pour comprendre :
Retrouvez ici l’interview TV sur ce thème dans l’émission Ecorama du 26/10/2015

6 commentaires

  1. pichon, le

    Bonjour ,

    Je beneficie d un contrat  » d’ assurance vie  » ( support en euros ) avec un taux plancher garanti de 4,5°/ jusqu en 2041 /
    Ma bancassurance pourrait elle , compte tenu des problèmes actuels rencontrés par les gestionnaires de ce type de placement , denoncer unilatéralement un tel taux avant la date d echeance ?

    Merci

    Cordialement

  2. Sprikritik, le

    Et si on retire son assurance-vie (qui est de fait une sorte d’assurance-mort « précoce ») pour la placer dans les métaux précieux et autres biens concrets ?

    Comme les fonds de retraites, les fonds des assurances-vie ne sont ils pas aussi des pyramides de Ponzi

    Evidemmment il y a les TBTF , mais même elles …

    • Gilles Pouzin, le

      Bonjour cher lecteur et merci pour ce commentaire plein d’humour noir, c’est de saison !
      Pour répondre rapidement à vos interrogations :
      1/ « si on retire son assurance-vie pour la placer dans les métaux précieux et autres biens concrets ? »
      = vous feriez un virage à 180° pour abandonner un placement sans risque permettant de récupérer son capital sans perte, avec un rendement faible mais régulier et assuré chaque année, pour le remplacer par un pari aléatoire sur les yo-yo des métaux précieux, ou pire vous exposer aux nombreuses escroqueries des pseudo-placements en biens divers.
      2/ Le fait qu’un système financier soit vulnérable en cas de retrait massif et simultané d’un grand nombre d’investisseurs, le système ou le marché concerné s’écroule, qu’il s’agisse de la Bourse, des banques, des fonds de retraite ou d’assurance vie, ou des marchés de matières premières (comme l’ont montré leurs chutes après les records de 2008).
      Cela n’en fait pas des « pyramides de Ponzi », qui sont des escroqueries basées sur le fait que les nouveaux versements servent à payer le rendement artificiel promis aux précédents épargnants.
      3/ Nous explicitons le terme TBTF, pour les lecteurs qui ne parlent pas le jargon bancaire couramment, il s’agit des établissements réputés « trop gros pour plonger » (Too Big To Fail), terme assez trompeur puisqu’on a bien vu leur vulnérabilité (Citigroup nationalisé pendant la crise aux US, les principales banques françaises mises sous perfusion de subventions et garanties étatiques pour échapper à la faillite en France en 2009…).
      Il semble donc plus approprié de qualifier ces méga-banques de banques « systémiques » (dont la faillite entraînerait tout le système) plutôt que trop grosses pour plonger, car elles ne le sont pas.
      En espérant que ces informations vous auront été utiles, pensez à partager les articles qui vous intéressent avec vos contacts.
      Bonne lecture et à bientôt sur Deontofi.com

      • IKROU, le

        http://www.boursorama.com/actualites/assurance-vie-quels-sont-les-risques-si-les-taux-remontent-video-10f65937d3974c31bf6fae414433e73b

        Mr POUZIN je pense comme vous, si les gens voient une catastrophe ils réfléchiront. Mais là vous parlez des fond EURO (mono-support ou multisupport), par contre dîtes-moi si une FCP comme ALLIANZ Prudence FR0007497458 basée sur indice EONIA (tombée depuis 2009 et négatif depuis 2015), reverra son rendement/an remonter au-dessus des frais du contrat comme le Nov’actifs ?

        Le débat du droit de transfert en Assurance vie pour des contrats comme celui-ci anciens, qu’il faut sauver depuis crise 2008 (sans fond EURO), vous intéresse-t-il ? La FFSA n’est pas intéressée, mais l’AFA tout court car j’ai vu Mr SPITZ et Mr DEMURGER Gan vie aussi (AFA). l’ACPR et la DGT de Bercy font aussi les sourds, seul des Parlementaires d’opposition actuelles demandent même lors de la 13 ème législature (Mr Alain SUGUENOT ppl 2118 de Novembre 2009 ou 889 du 03/04/13).

        Je suis à deux pas de Paris (92) si vous le voulez

        Marc IKROU client d’ALLIANZ ex AGF

        Merci

      • Gilles Pouzin, le

        Bonjour et merci cher lecteur pour votre témoignage sur Deontofi.com.
        Pour répondre à vos question, il y a peu de chances que les fonds monétaires à court terme sans risque revoient avant longtemps un rendement net de frais de gestion du fonds supérieur aux frais de détention d’un tel fonds dans une assurance vie.
        En clair, on est assuré de perdre de l’argent chaque année en plaçant une partie de son assurance vie en unités de compte sur des fonds monétaires à court terme.
        La question de la transférabilité des contrats est un vieux débat qui n’est pas près d’être tranché, à mon avis.
        J’aurais plaisir à répondre à davantage de questions mais les ressources de Deontofi ne le permettent pas tant que nous n’avons pas mis en place notre proposition d’abonnement avec services aux lecteurs.
        En espérant que cette réponse vous aura été utile, bonne lecture sur Deontofi.com

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