En cohérence avec votre analyse rationnelle de ces assurances, vous ne souscrivez pas les multiples « protections » qu’on tente de vous vendre à chaque occasion. Le problème est que l’on vous autorise de moins en moins à refuser ces assurances superflues, comme en témoigne l’expérience de cette mère de famille tentant d’inscrire son enfant pour une colonie de vacances au ski proposée par un grand opérateur de voyages-loisirs. Un cas pratique décortiqué par Deontofi.com.
Votre enfant est tenté par une colonie de vacances à la montagne et vous avez trouvé le séjour qui convient. Vous commencez la réservation sur Internet et, très rapidement, on vous propose une de ces assurances dont vous n’avez pas besoin et que vous ne voulez pas souscrire. Déjà, vous êtes surpris qu’il y ait, pour la même protection, deux tarifs selon le coût du séjour. L’assurance complémentaire de votre enfant vous serait facturée 28 euros pour une semaine à 540 euros (soit 5,2% du séjour), ou 45 euros pour une semaine à 638 euros (soit 7% du séjour). Les séjours chers seraient-ils plus dangereux ?
Qu’importe, même pour 3 euros vous n’en voudriez pas car vous n’en avez pas besoin. Vous cochez la case «Je ne souhaite pas souscrire d’assurance», qui s’accompagne d’un message vous prévenant que «partir sans assurance, c’est : – Le risque de subir des frais d’annulation et de perdre de l’argent – Le risque de ne pas être couvert en frais médicaux, en cas d’accident ou de blessure – Le risque de ne pas être couvert en frais médicaux à l’Etranger – Notre contrat Multirisques couvre tous ces risques en France et sur toutes les destinations». En résumé: « elle est belle mon assurance ! ». Vous savez que cela ne vous concerne pas, car vous êtes déjà plus qu’assuré, comme la plupart d’entre-nous. Vous passez donc à l’étape suivante, de remplissage du formulaire d’inscription détaillé.
Vous êtes un paria, et on vous le dit : «vous n’avez pas souhaité souscrire l’assurance complémentaire (…) [la colo] vous conseille vivement de souscrire ce contrat multirisque (assistance, individuelle accident…) pour garantir la sécurité de votre enfant». Imaginez la pauvre mère de famille à qui s’adresse ce message, car c’est souvent elle qui remplit ce formulaire d’inscription. Doit-elle comprendre qu’elle est une «mauvaise mère» si elle ne cède pas au chantage psychologique du vendeur «pour garantir la sécurité de son enfant». Et d’ailleurs en quoi l’assurance «garantirait la sécurité des enfants»? Rien du tout. Ce n’est pas l’assureur qui va s’occuper des mômes et veiller à leur sécurité, on espère que c’est un peu le boulot de la colo.
Votre calvaire n’est pas fini. Vous avez le droit de ne pas céder au chantage de cet intermédiaire occasionnel en assurances, mais à quel prix ? La colo en profite pour vous mettre à nouveau en garde : «Certains contrats d’assurance (auto, habitation, assurance scolaire… ) peuvent parfois inclure des garanties d’assistance, mais elles sont souvent très restrictives et inadaptées». Vous êtes prévenu, «on vous a déjà gavé d’assurances mais comme elles sont bidon prenez la nôtre en plus» !
Cette intimidation n’a pas suffi à vous convaincre de souscrire l’assurance complémentaire ? Alors on passe aux menaces : «en cas d’accident et d’impossibilité pour [la colo] d’identifier l’assureur/assisteur de votre enfant, [la colo] fera appel à [l’assureur] assistance et vous demandera le remboursement des sommes avancées».
Poussant son jeu jusqu’au bout, la colo vous pose un dernier ultimatum. «Afin d’apporter à votre enfant les meilleures conditions de couverture, informez-nous de votre choix» entre deux cases : «voici les coordonnées de mon assurance» ou «je ne souhaite pas souscrire de contrat d’assistance / rapatriement / assurance individuelle accident, et je m’engage à rembourser tous les frais d’assistance et de rapatriement que pourrait éventuellement engager [la colo] au titre de ces garanties».
Quel toupet ! La colo prend vraiment les parents pour des imbéciles. Non seulement elle est bien responsable des enfants qu’on lui confie, mais accessoirement, on sait qu’elle a aussi l’obligation de souscrire sa propre assurance RCP (responsabilité civile professionnelle) pour couvrir ses responsabilités vis-à-vis des parents, et non l’inverse. N’acceptez jamais une clause pareille ! C’est inadmissible, et elle aurait probablement de bonnes chances d’être requalifiée en clause abusive ou léonine en cas de litige.
Jusqu’ici, il suffisait de dire non pour échapper aux ventes abusives de multi-assurances inutiles. Mais avec ce formulaire, c’est plus compliqué. Car l’autre case vous oblige à une corvée inhabituelle : retrouver les références de ces multi-assurances dont vous êtes suréquipé, parfois sans le savoir. Elle dit «j’ai souscrit un contrat d’assistance / rapatriement /assurance individuelle accident auprès d’une autre compagnies d’assurance / assistance dont les coordonnées sont les suivantes : » et vous remplissez en donnant le nom de l’assureur, le numéro de contrat et un téléphone où le joindre.
Rassurez-vous, presque tout le monde dispose de telles couvertures. Elles sont incorporées dans deux contrats. Premièrement, l’assurance individuelle accident est incluse dans quasiment toutes les assurances habitation. Que vous soyez propriétaire ou locataire, l’assurance «multirisque habitation» (MRH) de votre logement comprend généralement une couverture individuelle responsabilité civile et accident couvrant les personnes vivant sous votre toit, enfant, conjoint, concubin, etc.
Quant au contrat d’assistance-rapatriement, il est généralement intégré à votre cotisation de carte bancaire. Là encore, halte aux idées reçues. Contrairement à ce que croient beaucoup de gens, la couverture d’assistance-rapatriement annexée à votre carte bancaire couvre tous les voyages, payés avec cette carte ou non, et pas seulement pour la personne dont le nom figure sur la carte, mais également ses enfants, etc. Relisez au besoin ce contrat, au moins pour trouver les informations à reporter sur le formulaire de la colo, même si vous savez qu’ils ne servent à rien, sinon à éviter de payer une énième assurance superflue.
En attendant, la vente abusive de multi-assurances a de beaux jours devant elle, car les vendeurs de ces assurances à la sauvette échappent encore aux obligations d’information incombant aux assureurs traditionnels. L’article R513-1 du Code des assurances les exonère toujours de respecter l’article L520-1 du même code, qui oblige les autres intermédiaires à “préciser les exigences et les besoins du souscripteur éventuel ainsi que les raisons qui motivent le conseil fourni quant à un produit d’assurance déterminé”.